La mode des chefs étrangers en Russie a commencé au début du XVIIIe siècle et coïncidait avec le voyage de l'empereur russe Pierre le Grand dans les pays d'Europe occidentale, d'où il a rapporté de nombreuses nouveautés étrangères. Après son retour, les riches ont commencé à embaucher des chefs étrangers, dont des Français. Cette tendance s'est développée avec sa fille, l'impératrice Élisabeth Ire, lorsque les nobles ont commencé à étudier activement la langue française, et la cuisine de cette couche de la société s'étant mise à imiter de plus en plus celle de Versailles. Tous les plats étaient sortis en même temps, les tables étaient décorées de plumes étranges, de petites fontaines et de bouquets de fleurs fraîches et artificielles. Pour le dessert, en plus des pommes trempées, des pastèques, des citrons salés et des melons confits, on ajoutait des curiosités venues de France et d'Italie - des bonbons et des marmelades.
Mariage de Pierre le Grand et Catherine Ire le 13 février 1712
Global Look PressLe règne de Catherine II, qui communiquait beaucoup avec les philosophes français, coïncidait avec la Révolution française, lorsqu'une partie de la noblesse française a émigré en Russie avec ses serviteurs. Beaucoup d'entre eux ont trouvé du travail dans le domaine gastronomique. Les Français étaient très demandés. Et avec les chefs français, les techniques culinaires françaises ont progressivement pris racine : la combinaison des produits, la formulation exacte des plats, le broyage des ingrédients... Par exemple, avant cela, le poisson et la viande destinés aux tourtes étaient coupés en tranches, et non broyés. Des plats français étaient également empruntés : boulettes de viande, mousses, omelettes, salades... De plus, dans le cadre d'un repas, des plats russes et étrangers pouvaient alterner.
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Pendant la guerre entre la France et la Russie en 1812, les nobles russes ont relativement souffert. Ils devaient moins parler français (la noblesse russe était très francisée), ce que certains faisaient avec difficulté - rappelez-vous simplement que le prince Hyppolite Kouraguine dans le roman de Léon Tolstoï Guerre et paix ne pouvait pas raconter la moindre blague en russe... En plus de la langue, en raison de sentiments patriotiques, il a fallu abandonner les plats français. Heureusement, cela n'a pas affecté de manière significative la ration alimentaire : des plats à base de viande, des légumes marinés et du kvas étaient toujours disponibles. Et en province, les gens ordinaires n'avaient même pas eu le temps de s'imprégner de la cuisine française.
Cadre du film soviétique La Ballade du hussard, 1962
Eldar Riazanov/Mosfilm, 1962Pendant la guerre, les officiers et les soldats recevaient tout le nécessaire du ministère de la Guerre, mais sans fioritures. Pendant les campagnes et en montant la garde, les soldats pouvaient rester sans nourriture pendant toute une journée, alors ils prenaient du pain avec eux. La soupe au chou était incluse dans la ration quotidienne habituelle : pendant le carême - avec des petits poissons et de l'huile végétale, les jours ordinaires - avec du saindoux ou du bœuf. La farine et les gruaux (le plus souvent de sarrasin) étaient fournis par le Trésor. La farine servait pour le pain - chaque soldat en recevait 1 200 grammes par jour – et les céréales pour la bouillie. Alors que l'armée avançait, les soldats achetaient des légumes, des produits laitiers et des œufs aux paysans. À l'infirmerie, soldats et officiers mangeaient de la bouillie d’avoine ou de sarrasin avec du beurre, du pain blanc, des bouillons, des œufs à la coque et une boisson sucrée appelée kissel. On préparait du poulet ou du poisson, ainsi que de la soupe au chou agrémentée d'orties ou de poisson.
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Pendant la guerre, les soldats russes ont « espionné » chez les Français une recette inhabituelle - les concombres au miel. La saison des concombres frais se terminant rapidement, des concombres salés étaient utilisés. La croyance dans les propriétés curatives du plat (pour la digestion et la goutte) est restée après la guerre.
Charlotte à la gelée de groseille. Le chef du restaurant Drinks & Dinners Evgueni Mikhaïlov a recréé un plat du début du XIXe siècle.
Maria AfoninaÀ cette époque, la population russe n’appréciait pas vraiment les pommes de terre, notamment les paysans. Le manque de nourriture les a obligés à prêter attention à ce produit mal aimé : ce n'est pas pour rien que les Français le prenaient à la population locale et faisaient cuire les pommes de terre au feu de bois. C’est alors qu’on a découvert la purée de pommes de terre. Cependant, en Russie, elle est encore souvent écrasée, et non passée à travers un tamis à la française, et on la prépare beaucoup plus facilement (avec du lait et du beurre). Toutefois, elle est consommée partout.
En mars 1814, les troupes russes dirigées par Alexandre Ier entrent à Paris. Le chef français Marie-Antoine Carême a préparé pour le dessert une Charlotte parisienne, la qualifiant de « Russe ». Pour le flatter, on a dit à Alexandre Ier que le dessert portait le nom de l'épouse de son frère Nicolas Ier - Charlotte de Prusse. Le distingué invité a apprécié le dessert et invité Carême à Pétersbourg, où il a travaillé pendant plusieurs mois. Et la « Charlotte russe » a depuis pris racine dans de nombreuses cuisines du monde et en Russie...
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