La Révolution de 1917 a eu un impact non seulement sur la fracture entre riches et pauvres, mais aussi sur les traditions culinaires. Les plats que l’on préparait auparavant dans les nobles familles ont en effet alors été grandement simplifiés. Le chaos régnant dans le pays ne permettait pas de mener une vie luxueuse, et même les leaders révolutionnaires ne pouvaient s’offrir de plaisirs gustatifs.
Par exemple, les membres du comité révolutionnaire mangeaient régulièrement à la cantine installée dans le bâtiment de l’ancien pensionnat pour jeunes filles de Smolny. Or le menu (comme partout d’ailleurs) y était on ne peut plus modeste, et se composait principalement de plats à base de lentilles et de blé. La situation était si déplorable que l’on venait même au restaurant avec son propre pain.
Lire aussi : Lénine au chocolat et palais d'Hiver sucré: friandises en souvenir de la Révolution de 1917
C’est précisément dans cette ambiance que souhaite nous plonger Maksim Syrnikov, chef-cuisinier et historien de la gastronomie russe, par le biais de son menu de 1917, disponible depuis la mi-décembre au restaurant « Domino », au sein de la résidence Pirogovo, à 20 kilomètres au nord de Moscou.
« Les bolcheviks étaient majoritairement sans prétentions à l’égard de la nourriture : beaucoup étaient issus des classes populaires, et puis cette période de travail clandestin, d’exils, d’emprisonnements, d’émigration, n’offrait pas la possibilité d’en faire des gourmets. Néanmoins, une partie des leaders du parti venait des tranches privilégiées de la population ; des gens comme Gueorgui Tchitcherine (diplomate et commissaire du peuple aux Affaires étrangères de RSFSR et d’URSS) et Alexandra Kollontaï (ambassadrice d’URSS) s’y connaissaient en bonne nourriture », a expliqué à Russia Beyond Vladimir Roudanov, rédacteur en chef du magazine Istorik (Historien).
Recette des croquettes du bagne de Maksim Syrnikov
Ingrédients pour une croquette :
Lire aussi : Quels plats trouvait-on sur la table de Noël dans la Russie d'autrefois?
Préparation :
Trempez le pain dans la crème, et passez-le au hachoir avec la viande et l’oignon. Ajoutez le sel et le poivre. Modelez la croquette, et recouvrez-la de farine avant de la faire revenir dans le beurre, des deux côtés. Mettez ensuite à cuire au four jusqu’à ce qu’elle soit prête.
Qu’est-ce que mangeait Lénine?
Durant son enfance, Vladimir Oulianov a été habitué à la cuisine russo-allemande. Sa mère étant en effet issue d’une famille, notamment, d’Allemands de la Volga, elle préparait des « soupes au lait, aux plantes, au gruau, mais rarement de cet acide chtchi (soupe au chou), considérée comme +lourde+ », écrit William Pokhliobkine, également historien de la gastronomie russe, dans son livre Que mangeait Lénine.
De là nous apprenons également que l’on préparait à l’époque peu de viande, dans le meilleur des cas on faisait cuire du bœuf. On mangeait souvent des omelettes, « les œufs durs et les œufs à la coque étaient des plats ordinaires pour le petit déjeuner et le diner du dimanche ». Par conséquent l’alimentation de Lénine n’était guère abondante et régulière.
Lire aussi : Des croquettes préférées de Pouckine à la tarte de la femme de Tolstoï
« Une fois adulte, Lénine se nourrissait très pauvrement, raconte Vladimir Roudakov. Il mangeait sans boire, et a donc commencé à avoir, dès ses 27-28 ans, des problèmes d’estomac. La seule période où il a +pris de l’embonpoint+ est, aussi surprenant que cela puisse paraître, liée à son exil dans le village de Chouchenskoïé. Là-bas il avait une alimentation campagnarde saine, allait à la chasse et à la pêche. Plus tard, durant son émigration et une fois au pouvoir, Lénine s’est souvent souvenu de cette époque. Même après être devenu le dirigeant du gouvernement soviétique, il n’avait pas une aussi bonne alimentation : tout le temps au travail, des collations à la place de repas complets ».
Roudakov précise également que la femme du leader des bolcheviks, Nadejda Kroupskaïa« était mauvaise cuisinière, d’après ses souvenirs elle a appris à cuire des blinis bien après 40 ans, et seulement par le biais d’un livre de recettes. C’est pourquoi durant leur émigration ils s’étaient alimentés dans des cantines relativement peu chères, tandis qu’au Kremlin ils le faisaient dans celle du Conseil des commissaires du peuple ».
En 1917 ont également pris fin les rassasiants festins de la famille impériale russe. À Ekaterinbourg, dans la maison Ipatiev, où les Romanov ont passé les 78 derniers jours de leur vie, Ivan Kharitonov s’est chargé de cuisiner pour eux. On leur apportait peu de viande, c’est pourquoi par exemple à la place des pelmeni et vareniki habituels le chef-cuisinier préparait de la salade de betterave, tandis qu’il remplaçait la gelée de mandarine par du kompot (une boisson à base de fruits infusés), et le rastegaï (petits chaussons au poisson) par des gâteaux de pâtes.
Lire aussi : Ces plats inventés par les cuisiniers des tsars
Maksim Syrnikov a ressuscité pour le restaurant Domino les recettes de ces plats, élaborés pour la famille impériale en exil. Ainsi, dans le dîner proposé par le chef-cuisinier on retrouve une soupe-purée froide au concombre, une salade de betterave, un gâteau de pâtes et une croquette de riz. En voici les instructions.
Soupe-purée de concombre
Ingrédients :
Préparation :
Râpez le concombre et l’ail le plus finement possible, diluez avec l’eau minérale, rajouter l’oignon finement coupé, l’aneth, le sel et le poivre.
Gâteau de pâtes
Ingrédients :
Lire aussi : Sept petits déjeuners russes pour bien commencer la journée
Préparation :
Cuisez les pâtes dans de l’eau légèrement salée. Répartissez-les sur une poêle et versez par-dessus l’œuf et la crème mélangés. Ajoutez ensuite l’oignon que vous aurez préalablement coupé en arcs de cercle et faits revenir. Saupoudrez de poivre noir. Mettez au four jusqu’à épaississement total de l’ensemble.
Ingrédients :
Préparation :
Cuisez le riz dans deux verres d’eau. Laissez refroidir. Rajoutez l’œuf, le sel, une cuillère de beurre clarifié et mélangez bien. Modelez les croquettes, recouvrez-les de chapelure. Faites-les ensuite revenir des deux côtés dans le beurre restant.
Si ces recettes vous semblent trop modestes pour un repas de fête, celle du fameux rastegaï apprécié des tsars devrait définitivement vous convaincre.
Dans le cadre d'une utilisation des contenus de Russia Beyond, la mention des sources est obligatoire.
Abonnez-vous
gratuitement à notre newsletter!
Recevez le meilleur de nos publications directement dans votre messagerie.