1. Le russe moderne n’est rien d’autre qu’un dialecte du russe ancien
Les personnes ayant peuplé l’ancienne Russie, également appelée la Rus’, étaient majoritairement illettréеs, ne possédaient pas de dictionnaires pour vérifier l’exactitude d’usage d’un mot, et ne se souciaient guère des règles linguistiques. Par conséquent, avant le XIVe siècle, le russe ancien pré-littéraire était, par définition, basé sur les traditions orales : il était spontané et ne s’appuyait sur aucun académicien pointilleux établissant noir sur blanc ses lois.
À cette époque, la Rus’ était une véritable mosaïque de principautés féodales et en dépit du fait que ces dernières se trouvaient sous le joug tataro-mongol, le russe ancien n’a eu de cesse de se développer. Dans différentes régions, la langue s’est mise à suivre un développement divergent et trois dialectes ont alors progressivement émergé : l’ukrainien, le biélorusse et le russe. Chacun d’eux a finalement évolué en une langue à part entière et ensemble, ils forment aujourd’hui la branche indoeuropéenne linguistique des langues slaves orientales.
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2. Le russe comprend trois dialectes principaux
Bien que la Russie soit vaste, les linguistes ne distinguent que trois dialectes russes : celui du Nord, celui du Sud et celui du centre, ce dernier étant fortement influencé par les deux autres.
Igor Issaïev, directeur de l’Institut de linguistique de l’Université d’État de sciences humaines de Russie, à Moscou, affirme que les anciens dialectes de l’Est de la Russie peuvent être indiqués sur une carte en dessinant une ligne à travers la partie centrale et européenne du pays, de Kirov, au nord, à Saratov, au sud, en passant par Nijni Novgorod.
Tous les dialectes situés à l’est de cette frontière, soit l’ensemble de l’Oural, la Sibérie et l’Extrême-Orient, se sont formés sur la base de ceux des premiers colons slaves, provenant de la Russie centrale. Or, leur langue a peu changé au fil du temps.
Ainsi, vous ne percevrez pas d’importante différence entre l’accent russe de Vladivostok et celui de Moscou, alors que les voyageurs quittant Arkhangelsk, sur le littoral de l’océan Arctique, pour Krasnodar, sur les côtes de la mer Noire, auront à tendre l’oreille pour comprendre leurs interlocuteurs.
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3. La langue littéraire a pris forme autour du centre politique
Celle que l’on qualifie de langue littéraire est parlée dans toutes les grandes villes de Russie, ce qui contribue à l’érosion progressive des dialectes minoritaires datant de la fin du XIXe siècle. Pourtant, il serait faux de dire que tous les Russes ont un discours identique.
Les caractéristiques linguistiques vernaculaires sont en effet nombreuses, notamment dans les villages et villes de petite taille, ainsi qu’au sein des générations les plus âgées. Il est cependant important de souligner que ces distinctions ne sont pas aussi importantes que ce que l’on peut rencontrer en Italie, en France ou en Chine par exemple. À l’exception de quelques mots, tous les russophones sont en mesure de se comprendre.
La norme littéraire est, vous l’aurez compris, le dialecte de Russie centrale, c’est-à-dire celui que l’on parle à Moscou. C’est en effet sans surprise celui de la capitale de l’ancienne Rus’ qui s’est imposé. « Si le pouvoir était resté concentré à Vladimir ou Souzdal, comme c’était le cas à la fin du XIIIe siècle et où le dialecte du Nord était d’usage, nous parlerions tous ce dialecte aujourd’hui », assure Issaïev.
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4. Comment les dialectes du Nord et du Sud se distinguent-ils du russe littéraire?
« Si vous prenez un train, disons de Petrozavodsk à Sotchi, soit du nord au sud, vous entendrez différentes variations de dialectes russes : certains diront o au lieu de a, ou ts à la place de tch, ou encore remplaceront le g par kh », explique Nelli Krassovskaïa, enseignante à l’Université de Toula.
Des différences existent à divers niveaux de la langue : dans la phonétique (prononciation des sons), la morphologie (modification de la terminaison des mots sur la base du cas de déclinaison ou du nombre), et le vocabulaire. En voici quelques-unes :
- Le «guékanié»
L’une des caractéristiques les plus frappantes du dialecte du Sud (présent notamment dans les régions de Riazan, Koursk, Voronej et Belgorod) est le phénomène communément appelé « guekanié », ou, en langage scientifique, « g fricatif ». Ce son est représenté dans ce dialecte par la lettre grecque γ, mais se prononce comme un léger kh (comme la jota espagnole). Le plus souvent, il se prononce g en fin de mot et devant une voyelle. Ainsi, « sniéga » (« de la neige ») deviendra dans le Nord « sniékha ». Plus vous vous aventurez au sud, plus le g est profond et guttural, et apparaît même au début de mots. À Krasnodar par exemple, il est possible d’entendre « khorod » au lieu de « gorod » (ville). Il en résulte que même plus au sud, en Ukraine, le « guékanié » est la norme littéraire.
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- L’«okanié», ou «akanié»
Alors que les habitants de la Russie centrale prononce fréquemment les o non accentués a, (« Maskva », et non « Moskva », pour « Moscou » / « Москва »), les Nordistes sont identifiables par leur o marqué. L’« okanié » peut même influencer leur accent quand ils parlent une langue étrangère. Ils prononceront par exemple « Abama », au lieu d’« Obama ».
- Substitution du «f» par le «kh»
Cette caractéristique est typique du Nord et du Sud de la Russie. Par exemple, les paysans du domaine de Léon Tolstoï, à Iasnaïa Poliana, appelaient leur maître « grakh », à la place de « graf » (conte).
- Palatalisation des sons consonantiques
Dans le Nord, la population à tendance à dire ts au lieu de tch. « Pietchka » (four) devient ainsi « pietska » et « vnoutchok » (petit-fils) se transforme en « vnoutsok ».
Cela ne se produit pas dans le Sud, mais on y adoucit souvent la lettre t à la fin des verbes conjugués à la troisième personne (ce qui les fait ainsi ressembler aux infinitifs) : « on khodit » (il marche) sonne ainsi comme « on khodit’ ».
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