Irina Alekseïenko.
Archives personnellesDiplômée de la faculté de biologie, Maria Logatcheva étudie aujourd'hui la génomique de diverses plantes au sein du Laboratoire d'analyse génomique de l'Université d'État de Moscou. Pour ses recherches, elle a reçu en 2014 le prix L'Oréal-UNESCO.
« Avec mon mari, nous travaillons dans le même laboratoire, confie Maria. C'est super, car autrement on risquerait de ne jamais se voir, étant tous deux absorbés par notre travail ». Le père de Maria est mathématicien et son grand-père philologue. Dans son enfance, ce sont eux qui ont stimulé son intérêt pour la science. Mais lorsque la jeune fille décida de devenir chercheuse, ils l'en dissuadèrent, craignant qu'elle ne puisse subvenir à ses besoins.Maria Logatcheva. Crédit : Archives personnelles
Le salaire des chercheuses en Russie est en moyenne 26% inférieur à celui de leurs homologues masculins. C'est ce que démontrent les données de l'Institut d'études statistiques et d'économie de l'École des hautes études en sciences économiques de Moscou. En 2015, les chercheurs russes recevaient en moyenne entre 390€ et 780€. 15,8% des femmes chercheurs et 28,4% des hommes avaient un salaire compris entre 780€ et 1565€ et seulement 1,5% des femmes et 6,8% des hommes touchaient plus de 1565€.
Les chercheuses russes ne cachent pas que leur choix a souvent été grandement influencé par leurs parents. « Mon père travaillait dans la chimie, raconte Ekaterina Lioukmanova, doyenne de l'Institut de chimie bioorganique Chemiakine à Moscou, Cela s'est vraisemblablement reflété dans mon orientation professionnelle : j'ai dès mon enfance souhaité créer des médicaments ».
Auteure de quatre brevets, Ekaterina s'est spécialisée dans l'obtention de molécules de protéine, notamment celles intervenant dans les processus de la mémoire, de l'apprentissage et du développement embryonnaire, mais également celles contrôlant la croissance des cellules cancéreuses.
Nadejda Braje. Crédit : Archives personnelles
Nadejda Braje, chercheuse en biophysique cellulaire, se rappelle encore le temps où, petite, elle se rendait sur le lieu de travail de ses parents, physiciens, qui n'avaient visiblement personne pour garder leur enfant. « Je m'asseyais dans le laboratoire, et j’inhalais les odeurs des agents chimiques et des instruments, se remémore-t-elle. Lorsque mon père écrivait sa thèse, je recopiais soigneusement les formules sur des feuilles blanches ».
À présent, Nadejda étudie les caractéristiques des molécules dans les organes et les tissus. Ses recherches pourraient s'avérer d'une aide précieuse dans la lutte contre les infarctus, les maladies cardiovasculaires et le diabète. Elle rêve de rédiger un livre illustré traitant de la biologie cellulaire afin d'inoculer aux enfants l'amour pour la profession de biophysicien.
Les chercheuses russes semblent s'accorder sur le fait qu'allier sciences et vie de famille est difficile, mais pas impossible. « Cela requiert une grande concentration, une étude des algorithmes du quotidien jusqu'au moindre détail : Pour chaque jour, il faut établir un plan à suivre », explique Mme Lioukmanova. Son mari est docteur en sciences physiques et mathématiques.
Elena Petersen. Crédit : Archives personnelles
En commun, les deux époux ont non seulement des projets de recherches, mais aussi trois enfants. Selon Mme Lioukmanova, si elle parvient à maintenir cet équilibre, c'est grâce à la proximité de leur logement, de leur lieu de travail et de l'école de leurs enfants, et bien entendu avec l'aide de son mari et de la grand-mère. Par ailleurs, l'un des prochains objectifs d'Ekaterina est de soutenir sa thèse.
Elena Petersen est en charge de la création de modèles cellulaires 3D des tissus et des organes ainsi que de méthodes d'évaluation de l'état des tissus artificiels. Elle indique qu'elle a impliqué ses proches dans son activité. « Mon mari partage mes centres d'intérêt et comprend tout à fait que je puisse rester plusieurs jours à rédiger une bourse de recherche, à ce moment-là, c'est lui qui s'occupe entièrement des enfants », déclare-t-elle.
Anastassia Naoumova, chercheuse au Laboratoire de design informatique de l'Institut de physique et de technique de Moscou, travaille sur la recherche de cocristaux, des cristaux contenant directement plusieurs types de molécules, pour l'économie hydrogène.
De plus, elle étudie la stabilité des combinaisons chimiques de l'azote s'effectuant à haute température. Elle confie qu'elle travaille fréquemment depuis son domicile, ce qui lui permet de gérer efficacement son temps et de prendre soin de son enfant tout en poursuivant ses recherches.
Anastassia Naoumova. Crédit : Archives personnelles
La tendance à l'égalité des sexes dans la science est apparue dès la période soviétique, lorsque son développement était une priorité nationale. En Russie, les femmes-chercheurs sont considérées par leurs homologues masculins comme des égales, mais il existe des exceptions.
« Je me souviens qu’en première année, l'un de nos maîtres de conférence s'était, avec un certain dédain, exprimé au sujet de la féminisation de la biologie en Russie, relate Maria Logatcheva. Alors que ce n'est pas le cas, tous sont plus ou moins sur un même pied d'égalité ».
« Au département de biologie de l'Université d'État de Novossibirsk, que j'ai intégré, le nombre de filles dépassait celui des garçons de 20%, précise Irina Alekseïenko, biologiste moléculaire. Il y avait aussi beaucoup de filles à la faculté de mécanique et de mathématiques et à celle de physique, bien qu'il soit difficile d'y étudier ».
Mme Alekseïenko planche actuellement sur l'élaboration de préparations pour la lutte contre le cancer, maladie qui a emporté sa mère et son grand-père. Afin d'achever ses recherches et de mettre au point un prototype, Irina s'occupe elle-même d'attirer des financements privés et dirige depuis déjà deux ans sa propre société.
« Dans les fonds d'investissements on me demande sans cesse pourquoi je ne suis toujours pas partie en congé maternité, et si cela viendra rapidement, atteste Irina. Les investisseurs veulent voir un homme à ma place. Mais pour le moment je n'ai aucunement l'intention de m'en aller ».
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