En 2016, le président russe Vladimir Poutine a qualifié les États-Unis de seule superpuissance mondiale. « L’Amérique est une grande puissance, la seule superpuissance restante, je suppose... et nous admettons que nous sommes prêts à travailler avec les États-Unis », a déclaré M. Poutine au Forum économique de Saint-Pétersbourg. Nous pouvons donc affirmer sans crainte que la Russie n’est pas une superpuissance, non ? Regardons d’autres opinions…
Certains dirigeants et politologues, cependant, considèrent encore parfois la Russie comme une superpuissance : par exemple, en juillet 2018, le chancelier autrichien Sebastian Kurz a qualifié le sommet entre Poutine et Donald Trump de bon augure concernant une « coopération entre deux superpuissances ». Alors, qui a raison ?
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C’est une bonne question pour commencer tout discours sur la superpuissance. Les définitions divergent, mais la plupart des spécialistes des sciences politiques en conviennent : pour être une superpuissance, un pays doit avoir une grande influence militaire, économique, financière, culturelle et idéologique. Pas seulement parmi ses voisins les plus proches, mais dans le monde entier.
« Zbigniew Brzezinski (politologue américain, conseiller à la sécurité nationale du président Jimmy Carter 1977-1991, ndlr) estime qu'il faut quatre facteurs pour qu'un État soit une superpuissance : militaire, économique, scientifico-technique et culturel », écrit Oleg Matveïtchev, politologue à la Haute école d’économie de Moscou. Cela semble fondé : pour influencer le monde entier (et c'est ce que font les superpuissances), un État doit posséder les armes les plus modernes et avoir une économie importante, mais en même temps, il doit impressionner le monde avec ses merveilles de culture et de science.
La Russie répond-elle à ces critères ? Dans certains domaines, Moscou a effectivement quelque chose de « superpuissant » - par exemple, la Russie peut compter sur une énorme capacité militaire (budget de la défense de 47 milliards de dollars, arsenal nucléaire à grande échelle et deuxième force armée mondiale, selon Business Insider).
Sur le plan politique, le poids de la Russie sur la scène internationale est également impressionnant : en tant que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, elle a le droit de veto sur toutes les résolutions majeures. En outre, le pays joue un rôle important dans les affaires européennes et, grâce à sa position active dans le conflit syrien, la Russie a également beaucoup de poids au Moyen-Orient. Cependant, le potentiel économique de la Russie n’est pas aussi important que celui des États-Unis. Avec son PIB au 11e rang mondial, c’est certes un pays important, mais pas nécessairement une superpuissance.
Les réalités susmentionnées limitent le rôle mondial de la Russie. « Un seul paramètre prouve que la Russie est une puissance mondiale : les ressources de défense. Dans d'autres domaines, nous ne sommes pas aussi puissants que nous le voudrions et cela laisse de nombreuses questions sur le rôle de notre pays au XXIe siècle », a déclaré Alexander Koders, président de l'Institut de l'économie mondiale et des relations internationales.
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Cela ne fut pas toujours le cas : dans la seconde moitié du XXe siècle, l’URSS a lancé un défi aux États-Unis à travers le monde, rivalisant avec l’Amérique dans tous les domaines, qu’il s’agisse des questions militaires, politiques, économiques et économiques.
« Après deux guerres mondiales dévastatrices, la communauté internationale s'est retrouvée dans un état stable et très anormal en termes historiques. Deux États dominaient le monde, et ils étaient incomparables aux autres en termes de pouvoir », a déclaré dans une interview Fiodor Loukianov, rédacteur en chef de la revue Russia in Global Affairs. Cet ordre mondial bipolaire a défini la période de la guerre froide.
« C’est à l’époque que le terme "superpuissance" a été inventé, afin de distinguer ces gigantesques pouvoirs des prétendues "grandes puissances" du XIXe siècle », a ajouté Loukianov. Celles-ci incluent le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne, la Russie, etc. Mais dans la seconde moitié du XXe siècle, il n'y avait que deux superpuissances. Après la fin de la guerre froide, l'une des superpuissances - l'URSS - a cessé d'exister et, bien que la Russie ait hérité de certains de ses attributs (statut nucléaire et siège au Conseil de sécurité des Nations unies), « son influence est restée importante, mais elle n'était plus unique », décrypte l'expert.
Vladimir Poutine semble donc avoir raison : si la Russie reste l'un des principaux acteurs sur la scène internationale, ce n'est pas une superpuissance comparable aux États-Unis. Ces derniers pourront-il rester le pays le plus puissant de la planète ou finiront-il par perdre leur couronne, comme dans le cas de l'URSS ? Seul le temps le dira, mais une chose est sûre : personne ne reste au sommet pour toujours.
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