La majorité des lieux russes aux États-Unis sont liés à l'histoire de la Société russo-américaine. C'était une structure semi-étatique, fondée à la fin du XVIIIe siècle par les hommes d'affaires Grigori Chelikhov et Nikolaï Rezanov, et approuvée au plus haut niveau (le tsar Alexandre Ier lui-même figurait parmi ses actionnaires). Ils étaient particulièrement intéressés par l'Alaska, découverte par les navigateurs russes : avant même la création de l’Académie russe des sciences, ils avaient effectué plus d'une centaine d'expéditions dans la péninsule, rapportant des fourrures dans leur pays. En outre, les navigateurs russes ont exploré d’autres régions des États-Unis, où ils ont fondé plusieurs colonies de peuplement permanentes, qu’ils ont appelées l’« Amérique russe ». Cependant, les choses se sont gâtées : il leur était difficile de concurrencer les hommes d'affaires britanniques et locaux, et la vente de l'Alaska en 1867 a finalement anéanti les efforts des entrepreneurs russes. La Société russo-américaine a existé jusqu'en 1881 et a laissé aux États-Unis un très curieux héritage « russe ».
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Bien que la Russie ait possédé cette terre moins d'un siècle, des « empreintes russes » sont présentes à chaque pas. Ainsi, à Sitka (Novo-Arkhangelsk), qui était la capitale de l'Amérique russe, se trouve toujours la cathédrale de Saint-Michel-Archange.
La cathédrale de Saint-Michel-Archange
Robert Pernett/Flickr/Getty ImagesÀ Dillingham (redoute de Novo-Alexandrovski), l’église Saint-Séraphin de Sarov est en activité. Les reliques du premier saint orthodoxe d'Amérique, Germain d’Alaska, reposent à Kodiak (ancien Pavlovsk). Le séminaire local porte son nom.
L’église Saint-Séraphin de Sarov
Robert Pernett/FlickrMais le plus grand nombre de vestiges des colonies russes est probablement concentré dans la péninsule Kenai. Il s'agit de la ville de Kenai (Nikolaïevsk) elle-même, de Kasilov (Redoute Guorguievski), de Seldevia (Aleksandrovsk) et du village de Ninilchik, où les linguistes ont découvert en 2013 un dialecte unique de la langue russe. Il s'est avéré que certains résidents âgés communiquent dans un mélange d'ancien russe et anglais. L'explication de ce phénomène était assez simple : les immigrants russes épousaient souvent des filles locales, leurs enfants étudiaient dans des écoles russes et l'emplacement relativement isolé de la colonie permit de maintenir la langue en isolement pendant deux siècles.
La cathédrale de la Résurrection du Christ à Kodiak, où reposent les reliques de saint Germain d’Alaska (sur l'icône).
Ted McGrath/FlickrSur les rives du fleuve Yukon, il y a aussi beaucoup de lieux russes, dont l'un s'appelle la Mission russe. Seulement 300 personnes y vivent, pour la plupart des autochtones orthodoxes et portant des noms russes.
D'autres noms de lieux rappellent la période russe de l'Alaska. Il y a des îles Bolchoï, Baranof, Kiska, Kroutoï, Olga, Pustoï. On trouve en outre la baie Monachka, le mont Chaika, le lac Sabaka et les collines Samovar.
Il y a deux cents ans, l'archipel tropical du Pacifique aurait bien pu devenir une partie de l'empire russe et s'appeler aujourd'hui, par exemple, Région autonome de Hawaï. Cela s’est passé comme ça : en 1804, les voyageurs russes Ivan Krusenstern et Iouri Lissianski se sont arrêtés sur les îles et ont appris que les Américains et les populations locales menaient un commerce florissant. Pourquoi ne pas faire la même chose, ont-ils pensé, décidant d’en parler avec le souverain local. Mais il s'est avéré qu’il y en avait deux, Kamehamea I et Kaumualia, et qu’ils ne s’appréciaient guère. Mais tous deux ont essayé d’établir des relations avec les Russes. Le premier a proposé un commerce rentable, y compris la fourniture de bois de santal coûteux, le second évoquant même la possibilité de transférer ses territoires à l'empereur – à condition que les Russes l’aident à vaincre l'adversaire. Les deux propositions étaient alléchantes et les navigateurs russes ont bientôt commencé la construction des forts Elizabeth, Alexander et Barclay de Tolly.
Fort Elizabeth
Netlenta/WikipediaPourtant, Alexandre Ier n'a pas jugé opportun de développer de nouvelles colonies à l’autre bout du monde. La Russie n’a pris aucune mesure pendant longtemps et les populations locales en ont finalement eu assez. Quand un navire russe avec de la nourriture s’est arrêté au large des côtes de l’île de Kauai, il a tout simplement été pillé avec l’autorisation de Kaumualia. A ce moment-là, il avait non seulement vaincu son rival, mais également établi des relations étroites avec les Américains. En 1817, les derniers Russes ont quitté Hawaï.
Le fort Elizabeth est toujours visible à Kauai, bien que les habitants veuillent à présent le renommer « Paulau », comme ils appellent cet endroit. Il ne reste plus rien des deux autres forteresses.
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L'Alaska avait tous les avantages : il y avait de l'or et des fourrures. Seule la nourriture était un problème à cause du climat rigoureux. Mais comment fournir du grain aux migrants ? Il était nécessaire d'établir une colonie agricole quelque part dans le sud, a décidé Rezanov avant de se rendre en Californie espagnole. Il faut dire que les autorités locales n'étaient pas empressées de lui vendre des terres, mais les sentiments se sont immiscés dans la politique. Rezanov, 43 ans, serait tombé amoureux de la fille du commandant de San Francisco, Conchita Arguello, âgée de 16 ans. Les sentiments étaient réciproques et il est allé demander à l'empereur la main de sa dulcinée. Manque de chance, il est mort en chemin. Conchita ne s'est jamais mariée, et est devenue une religieuse catholique. Et bien que certains historiens pensent que l’entrepreneur poursuivait des intérêts exclusivement commerciaux, les autorités espagnoles ont finalement autorisé les Russes à établir leur colonie en Californie.
Fort Ross
Legion MediaEn 1812, Fort Ross a été construit à une centaine de kilomètres de San Francisco. Les Russes ont acheté la terre aux Indiens, en échange de quelques broutilles. Les premiers habitants étaient 90 Aléoutiens et 25 Russes de l'Alaska, dirigés par le commerçant de Vologda Ivan Kouskov. Trente ans plus tard, il s’est avéré que Fort Ross n’était absolument pas rentable et il a été vendu à un homme d’affaires local, John Satter. Aujourd'hui, la forteresse est devenue l'une des principales attractions de Californie. Chaque année, le dernier samedi de juillet, Fort Ross célèbre la journée du patrimoine culturel et ramène ses visiteurs 200 ans en arrière.
Fort Ross, 1828
Getty ImagesEn Californie, certains sites géographiques portent encore des noms russes : la rivière « Russian » (russe) coule le long de la Moscow Road (route de Moscou), directement dans la baie de Ross.
Chapelle du Fort Ross
DomaineL'une des zones centrales de la ville s'appelle Russian Hill (colline russe). Au milieu du XIXe siècle, il y avait ici un cimetière dans lequel les navigateurs russes étaient enterrés. Puis la première église orthodoxe et les premiers colons sont apparus ici.
Russian Hill
Bernard Gagnon/WikipediaAu début du XXe siècle, des Molokans, un mouvement religieux chrétien qui rejetait un certain nombre de dogmes orthodoxes (par exemple, la vénération des saints et des icônes), se sont installés à San Francisco. Leur vie a été décrite en détail par Ilf et Petrov dans L’Amérique à un étage. Après la Seconde Guerre mondiale, de nombreux Russes de Harbin et de Shanghai sont apparus dans la ville. Et dans les années 1990, d'anciens citoyens soviétiques ont également déménagé ici. La plupart des Russes habitent maintenant dans la région de Richmond.
Vue sur San Francisco
James, George Wharton/WikipediaLire aussi : La Russie est-elle visible depuis l'Alaska?
Ce quartier de New York, qui a inspiré tant de légendes et de films, est qualifié de « russe », bien que des personnes de tous les pays de l’ex-Union soviétique y vivent. Les premiers étaient des juifs soviétiques autorisés à quitter le pays dans les années 1970, puis des Russes, des Ukrainiens, des Géorgiens et des Arméniens ont commencé à affluer, tous en quête d'une vie meilleure.
Brighton Beach
Getty ImagesEn conséquence, quelque chose rappelant une « mini-URSS » a vu le jour dans ce quartier de New York. On trouve partout des magasins et des restaurants russes, les kiosques vendent de la presse et des livres russes. Et bien sûr, les habitants parlent un mélange de russe et d’anglais - un dialecte appelé Runglish, qui a longtemps été tourné en dérision par les comédiens locaux.
Il y a plus de 3 millions d'émigrants russophones aux États-Unis. Il existe donc dans de nombreuses grandes villes des communautés et des lieux russes. À Seattle, Los Angeles, San Diego, Denver, Détroit, Washington, ou encore Milwaukee, on trouve des magasins, des cafés et des médias russes. Mais aux États-Unis, il existe des villes entières portant des noms russes. On trouve notamment 17 villes portant le nom de Moscou ! L'histoire de leur origine est très amusante.
Moscou, dans l'État de l'Idaho
Steven Pavlov (CC BY-SA 3.0)Savez-vous, par exemple, comment la ville de Moscou est-elle apparue dans l'Idaho ? Lorsque le bureau de poste a été ouvert à cet endroit, son patron a changé son nom de Hog Haven pour Moscou. Il était lui-même né à Moscou, en Pennsylvanie, puis avait déménagé à Moscou, dans l'Iowa.
Piotr Dementiev
Domaine publicIl existe un Saint-Pétersbourg en Floride. Il a été fondé par un homme d’affaires de Détroit, John Williams, et par un émigré russe, Piotr Dementiev. La légende raconte qu'en choisissant le nom de la ville, ils ont simplement joué à pile ou face et que Dementiev a gagné.
Sébastopol est un petit village californien renommé en mémoire de la guerre de Crimée de 1853-1856. Dans le Dakota du Sud, il existe le village de Volga, nommé d'après le fleuve russe, et la ville de Tolstoy, du nom du grand écrivain russe.
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