Le 13 septembre 1812 (calendrier moderne, grégorien) fut un jour très tendu dans le village de Fili près de Moscou. Une dizaine de généraux russes de haut rang se sont rassemblés dans une cabane en bois pour décider de laisser leur ennemi Napoléon Bonaparte entrer à Moscou, l'ancienne capitale russe.
Sacrifier Moscou aux Français était une honte, mais la défense de la ville aurait pu coûter encore plus cher: lors de la bataille de Borodino qui avait eu lieu une semaine avant, l'armée russe avait subi de lourdes pertes (environ 45 000 soldats) et était épuisée.
Un nouveau choc frontal avec Napoléon aurait pu aboutir à une catastrophe. Pour cette raison, le général Mikhaïl Koutouzov, commandant en chef russe, a ordonné la retraite sans se soucier des objections. « Votre Majesté, Napoléon entrant à Moscou ne signifie pas encore qu'il a conquis la Russie », écrivit-il à l'empereur Alexandre Ier.
L'armée de Bonaparte, connue sous le nom de Grande Armée, est entrée dans la ville le 14 septembre sans combattre. C'était la première fois que l'ancienne capitale était prise par l’ennemi depuis 200 ans (en 1612, Moscou fut envahie par les Polonais). Mais au moment où Napoléon pénétrait dans la ville, elle était presque vide: seules environ 6 000 habitants sur les 275 000 que comptait Moscou étaient encore dans la ville.
Pendant plusieurs heures, Napoléon a attendu près de la ville la capitulation officielle et les clés symboliques de Moscou. Mais personne ne lui a rien apporté. Au lieu de cela, il a été informé que l'armée et les citoyens étaient partis. Découragé et déçu, Napoléon entra tout de même dans la ville et s’installa dans la résidence de l'empereur Alexandre au Kremlin.
Ce manque de respect, cependant, n'était pas le pire. Alors que les Français entraient à Moscou, des incendies se déclarèrent partout dans toute la ville. On ne sait toujours pas précisément qui a incendié les bâtiments. Napoléon a accusé le gouverneur général de Moscou, Fiodor Rostopchine, d’avoir organisé ce sabotage avant de quitter la ville. Mais certains historiens russes estiment que les incendies auraient pu se produire en raison de l’imprudence des envahisseurs.
Quoi qu’il en soit, le feu a encore compliqué la possibilité pour Napoléon de savourer son étrange triomphe. L’empereur a même dû quitter le Kremlin dès le lendemain de son arrivée pour s'installer dans un endroit plus sûr. Napoléon a été choqué par la capacité des Russes à brûler leur propre ville. « Quel spectacle effroyable! Quels hommes! Ce sont des Scythes! », hurla-t-il, cité par Philippe-Paul de Ségur.
Environs les trois quarts de Moscou, ville principalement bâtie en bois, ont brûlé dans un incendie qui a duré jusqu'au 18 septembre. Fou de rage, Napoléon a laissé son armée rôder de la ville; les razzias ont pris une proportion incontrôlée, transformant 100 000 soldats européens en une foule de maraudeurs. Cela a poussé les habitants restés dans la ville à rejoindre les partisans, qui tuèrent plusieurs milliers de Français.
La vie se compliquait de jour en jour: le mercure chutait constamment, l'armée manquait de vivres. Les paysans des environs de Moscou résistaient à l'ennemi et retenaient la nourriture. Dans un tel contexte, Napoléon dut abandonner son plan consistant à se déplacer vers le nord et à prendre Saint-Pétersbourg. Son armée n'en était pas capable, surtout avec les soldats de Koutouzov à ses trousses.
Toujours victorieux par le passé, Bonaparte ne pouvait se résoudre à une telle fin. Tandis qu'il était à Moscou, il écrivit à trois reprises à Alexandre, proposant de conclure la paix. Ses demandes étaient les mêmes qu'avant la guerre: la Russie devait rejoindre le blocus continental (de la Grande-Bretagne) et conclure une alliance militaire avec la France. Alexandre ignora les trois lettres.
Dans ce contexte, Napoléon dut se retirer de Moscou vers la mi-octobre 1812 en vue de passer le rude hiver russe dans les territoires occidentaux situés entre le Dniepr et la Dvina. En quittant la ville, l'empereur furieux a ordonné de faire exploser le Kremlin, mais ce fut également un échec. Manquant de préparation, les ingénieurs français n’ont réussi à faire exploser qu’une seule tour. Le Kremlin, quoi qu’endommagé, restait invaincu, tout comme la Russie.
Quant à l'armée de Koutouzov, elle a réussi par des manœuvres habiles et avec l'aide des partisans à transformer la retraite de Napoléon en un véritable enfer. Coupée de ses voies d’approvisionnement et mal préparée pour le rigoureux hiver russe, la Grand Armée a cessé d'exister. De son côté, Napoléon a dû abandonner ses soldats avant de rentrer à Paris en décembre 1812.
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