Madame / Klavdy Lebedev
Préserver la beauté a toujours été un défi pour les femmes et les cosmétiques leur venaient évidemment en aide à ces fins. Avez-vous déjà entendu une Russe dire « sang au lait » ? Cette expression se réfère à l’apparence de la femme qui constituait naguère le degré suprême de beauté – peau blanche et joues roses.
Le jus de concombre ou la farine de blé étaient, par exemple, utilisés pour blanchir la peau. Aujourd’hui, vous pouvez trouver de nombreuses recettes de masques maison utilisant ces ingrédients. En complément des cosmétiques naturels, les femmes du Moyen-Âge utilisaient également la céruse (peinture blanche pour le visage), mais ce remède était principalement réservé aux classes supérieures. La betterave, le jus des baies rouges (cerise, framboise) ou encore les baies de muguet servaient de fard naturel ; et la suie du four, voir même l’antimoine, étaient utilisées comme mascara et crayon à sourcils.
Les visiteurs étrangers remarquaient souvent le mauvais usage des cosmétiques chez les femmes russes au Moyen-Âge. Giles Fletcher, diplomate anglais et ambassadeur en Russie en 1588, trouva une excuse : le dur labeur et la chaleur brûlante du four étaient responsables du vieillissement rapide des femmes, le blanchissage et le fard devenaient donc indispensables. Vous avez la chance de ne pas vivre à cette époque, d’autant plus que l’antimoine et la céruse sont toxiques à cause de leur teneur en plomb et que le fard artificiel contenait du sulfure de mercure. Ces substances sont mortelles même à faibles doses. Aïe !
Famille de marchands au XVIIe siècle / Andreï Riabouchkine
Les cosmétiques et la mode n’étaient certainement pas les mêmes en fonction des différentes couches de la société. La notion de « peau blanche, joues roses et sourcils noirs » garda longtemps sa popularité, surtout auprès des classes moyennes et supérieures.
Au XVIe et au XVIIe siècles, la pâleur aristocratique constituait la principale tendance de beauté. Plus on était pâle, plus on était perçue comme riche, certainement parce que les femmes aux visages bronzés étaient souvent des ouvrières travaillant dehors sous le soleil. Les aristocrates indolentes de haut rang étaient davantage susceptibles de rester à l’intérieur ou de se couvrir.
Les femmes se rendirent compte que la poudre ordinaire ne blanchissait pas suffisamment le visage et que la consistance du plomb blanc était imparfaite. Ainsi sont nées les premières crèmes, composées de craie broyée et de céruse mélangées avec de l’œuf et du vinaigre : elles rendaient la peau plus pâle, lisse et brillante. Elles étaient extrêmement sèches et, lorsqu’on souriait, on risquait d’avoir des craquelures sur le visage.
Au XVIIe siècle, les femmes créèrent le premier surligneur fait de perles naturelles dissoutes dans le vinaigre ou le jus de citron, puis séchées pour donner une poudre. On peut imaginer le slogan publicitaire de l’époque : « Brillez comme un tsar ! ». La dentisterie maison constituait la pratique la plus étrange dans les cosmétiques russes. Traditionnellement, les dents étaient nettoyées à l’aide d’écorces d’arbres et les étrangers remarquaient que certaines femmes avaient des dents noires !
La craie pouvait être utilisée comme moyen naturel et peu onéreux de blanchir les dents, mais cette méthode prenait beaucoup de temps et s’avérait peu efficace. Ensuite, la lotion au mercure fit son entrée : c’était littéralement une pâte faite de composés de mercure. Malheureusement, elle ne marchait que quelques mois, car la substance toxique abîmait rapidement l’émail et les dents commençaient alors à pourrir.
À travers les âges, les femmes se copiaient entre elles. La raison était simple : si une femme de classe supérieure a des dents noires, c’est que cela doit être à la mode. Les femmes plus pauvres remplaçaient le mercure mortel par le lard mélangé avec de la suie et de la colle de poisson. Ce n’est que Pierre le Grand qui se rendra compte du danger et interdira l’utilisation des composés de mercure.
Svetlana par Igor Grabar / RIA Novosti
L’époque soviétique est la période la plus intéressante dans l’histoire des cosmétiques russes. Les standards de beauté changeaient tous les dix ans ou presque et les cosmétiques, déjà largement utilisés à l’étranger, manquaient en Russie.
L’usage des cosmétiques décoratifs était considéré comme répréhensible au début de la Russie soviétique, car il renvoyait à la vie bourgeoise. Mais la volonté des femmes de paraître belles triomphera sur l’idéologie étatique et la gamme de produits cosmétiques et de parfumerie s’étendra. En 1925, la fragrance légendaire Krasnaïa Moskva (Moscou rouge) est lancée et, bien qu’elle soit aujourd’hui difficile à trouver, certaines boutiques en vendent à ce jour.
Ce n’est que dans les années 1970 que les cosmétiques décoratifs, comme le mascara, le fard à paupières et le rouge à lèvres intégreront le quotidien des femmes russes.
Les usines russes produisaient le mascara en briques – c’était une substance noire colorante solide. Pour l’appliquer sur les cils, les femmes devaient cracher dessus, puis séparer les cils à l’aide d’une aiguille. Le rouge à lèvres était également un produit multifonctions : par exemple, les femmes l’utilisaient pour les lèvres, mais également comme fard.
Aujourd’hui, grâce à la mondialisation, la Russie ne manque plus de cosmétiques et c’est une bonne chose, car le souvenir des dents noires « chics » de nos ancêtres a de quoi en perturber plus d’un.
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