Les habitants de Khakassie (Sud de la Sibérie orientale) racontent une belle légende : chaque peuple a reçu en cadeau de la part des esprits un instrument de musique et a appris à en jouer à la perfection tout en préservant l’école traditionnelle de jeu.
Ainsi, les peuples de l’Altaï (sud de la Sibérie centrale) ont reçu le khomys (sorte de luth à deux ou trois cordes) ; les Iakoutes (Extrême-Orient russe), la guimbarde et les Khakasses (Sibérie orientale), le tchatkhan (sorte de cithare). Ce dernier, tout comme son « parent », le tchadagan des Touvines-Todjines, ressemble aux gousli russes. Ses cordes étaient constituées de crins de cheval, tandis que la caisse de résonance était réalisée en bois de cèdre, de pin ou de sapin.
Comme nombre d’instruments populaires, ils ne sont prévus que pour la musique « de chambre », on en joue sous une tente qui ne peut accueillir qu’une vingtaine de spectateurs. Dans une salle de concert moderne, leur sonorité se perd. Les artisans essaient d’en tenir compte et d’apporter certaines modifications en préservant le son original et les matières naturelles.
Crédit : TASS/Vitaly Ivanov
« Dans les montagnes, on a tout sous la main : aussi bien le bois que les animaux. Nous avons opté pour le crin de cheval, les tendons et les boyaux séchés », a indiqué Piotr Topoïev qui fabrique desinstruments de musique de Khakassie.
Selon lui, 90% des instruments traditionnels sont faits main. Le régime soviétique a essayé de lancer leur production industrielle, mais le son étant déformé, personne ne s’est précipité pour en acheter.
Ceux qui souhaitent compléter leur collection d’un instrument musical sibérien cherchent d’abord un artisan et après l’avoir trouvé « font la queue » pendant plusieurs années. Cette situation fait naître des cas curieux : lors de ses tournées à l’étranger, l’ensemble Oulguer voit parfois disparaître des instruments qui s’évaporent sur le marché mondial des raretés.
Il existe toujours dans l’Altaï et le Sud de la Sibérie l’art traditionnel des conteurs qui lisent de longs texte rythmés en s’accompagnant avec des instruments à corde. En règle générale, ce sont des chansons de geste ou des histoires d’esprits, de chamans et de dieux qui sont contées pendant plusieurs nuits de suite.nnLes Bouriates, les Touvains, les Altaïens, les Khakasses, les Nganassanes et les Iakoutes estiment que les conteurs possèdent le pouvoir de guérir et de prédire l’avenir, car pendant l’interprétation de la chanson de geste, ils entrent en transe et ont des visions.
Le tambourin du chaman, miroir du monde
Crédit : RIA Novosti/Alexander Kryazhev
Le tambourin des peuples autochtones de Sibérie n’est pas un simple instrument musical, mais le plus important objet de culte du chaman qui l’aide à entrer en transe. Les peuples du Grand Nord s’en servent tant pour la distraction que pour les rites religieux. Les autochtones du Sud sibérien croient fermement : tout un chacun, excepté le chaman, sera maudit s’il saisit cet instrument.
Le tambourin est réalisé en peau d’herbivore finement travaillée et montée sur une charpente de bois. Les tambourins peuvent être ovales, ronds et munis ou non de « nervures » et d’autres amplificateurs du son. Les dimensions varient également : les ethnographes ont décrit aussi bien des tambourins faisant la taille d’un homme et pesant plusieurs dizaines de kilos que desinstruments n’ayant que 50 cm de diamètre.
Ornés de clochettes métalliques, de plaques ou de crécelles, les tambourins donnent toujours un air de fête : en agitant la main, le joueur transforme son instrument en comète lumineuse à queue de rubans multicolores. Les décorations ont leur rôle à jouer : en frappant de la main, le joueur fait vibrer l’instrument qui imite des sons propres à la nature et qui émet un bruit ressemblant à la fois à un coup de tonnerre, à un tintement et à un claquement. La mailloche du tambourin est garnie de fourrure et décorée de pièces.
Sur sa partie extérieure, on représente les mondes Supérieur, Médian et Inférieur, tandis que la mailloche ressemble à l’Homme de Vitruve de Léonard de Vinci. Les chamans considèrent leur tambourin comme un coursier qui les aide à voyager dans l’Univers.
Crédit : Dmitri Ternovsky
Les instruments de musique sibériens possèdent de nombreux « homologues » sur les autres continents. Ainsi, le khomous (guimbarde) iakoute a « de la famille » en Norvège (munnharpa), au Kirghizistan (termi komuz), au Japon (mukkuri), ainsi qu’en Iran et au Cambodge.
Le khomous se rencontre également en Amérique latine, en Afrique, en Asie et même en Europe. Cet instrument a plus de cinq mille ans d’histoire. Les Iakoutes réalisent le khomous en bois, os d’animaux et fer (tôles feuilletées et en arc de cercle).
La manière particulière de jouer des Iakoutes n’est décelée que par des experts : le musicien appuie l’instrument sur sa bouche de la main gauche en remontant la main droite, pliée, au niveau de la tête, l’ongle de l’index tourné vers le bas et se retrouvant juste devant la lamelle de l’instrument. Pendant qu’ils jouent, les Iakoutes imitent le claquement des sabots des chevaux, le hurlement du loup, le cri de l’épervier et le bruit du vent.
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