Qu’est-ce qui peut avoir plus de valeur aux yeux d’un écrivain que la reconnaissance d’une personne encore plus célèbre et faisant encore plus figure d’autorité que lui ? Parvenez-vous à imaginer que Sigmund Freud, pionnier de la psychanalyse, a admis que sa méthode n’était pas applicable aux personnages des œuvres de Dostoïevski ?
De son côté, Kafka ressentait une profonde connexion avec l’auteur russe, et lisait avec délice les passages de L’Adolescent à son ami Max Brod, qui écrira ultérieurement que le cinquième chapitre du roman avait grandement influencé le style de Kafka.
James Joyce louait quant à lui Dostoïevski de la façon suivante : « … il est l’homme qui, plus que tout autre, a créé la prose moderne, et l’a portée jusqu’à son intensité actuelle ».
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Virginia Woolf a écrit à propos de ses œuvres qu’elles étaient « des tourbillons bouillonnants, des tempêtes de sable tournoyantes, des trombes d’eau nous aspirant en leur sein. Elles sont composées purement et entièrement avec le matière de l’âme. Contre notre gré nous sommes noyés dedans, tourbillonnant en rond, aveuglés, suffocant, et en même temps remplis d’une extase étourdie ».
Gabriel Garcia Márquez et Haruki Murakami ont été fans de Dostoïevski dès leur jeunesse.
Probablement le seul géant de la littérature à ne pas l’avoir reconnu est Vladimir Nabokov.
Nous savons assurément que Charles Dickens avait exercé une forte influence sur Dostoïevski. À son tour, l’écrivain le plus sombre de Russie a impacté la vision du monde de nombreux de ses successeurs. En voici quelques-uns.
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« Dostoïevski a un jour écrit : +Si Dieu n’avait pas existé, alors tout serait permis+, et ceci est pour l’existentialisme le point de départ », suggère l’œuvre philosophique iconique de Sartre L’existentialisme est un humanisme. Cette phrase est le résumé du point de vue anticlérical d’Ivan Karamazov. Dans l’interprétation de Sartre, cela signifie que si Dieu n’existait pas, alors les humains seraient responsables de tout, sans aucune chance de demander pour le pardon ultime.
La littérature russe cherchait la clef de la compréhension des hommes bien avant l’apparition de l’existentialisme. Dostoïevski avait fait de cette quête de sens son but principal et avait essayé de résoudre le mystère de la responsabilité, du soi et de Dieu dans l’exemple des personnages de Raskolnikov, dans Crime et Châtiment, de Stavroguine, dans Les Démons et d’Ivan Karamazov dans Les Frères Karamazov.
Pour simplifier cependant, nous pourrions dire que la foi était la principale réponse à toutes les questions, ce qui contraste avec l’existentialisme occidental.
L’attitude d’Hemingway envers Dostoïevski se reflète dans son récit autobiographique Paris est une fête. « Dans Dostoïevski, il y avait certaines choses croyables et auxquelles on ne pouvait croire, mais d'autres aussi qui étaient si vraies qu'elles vous transformaient au fur et à mesure que vous les lisiez ; elles vous enseignaient la fragilité et la folie, la méchanceté et la sainteté et les affres du jeu, comme Tourgueniev vous enseignait les paysages et les routes, et Tolstoï les mouvements de troupes, le terrain et les forces en présence, officiers et soldats, et le combat. »
Après un tel éloge, l’auteur a toutefois nuancé : « J’ai réfléchi à Dostoïevski. Comment un homme peut-il écrire si mal, si incroyablement mal, et vous vous ressentir des choses si profondes ? »
De nombreux experts russes suspectent Hemingway d’avoir été seulement un peu jaloux.
Plusieurs livres ont étudié la fascination de Faulkner pour Dostoïevski. Ce romancier américain a mentionné l’écrivain russe comme étant l’une de ses principales inspirations littéraires, aux côtés de la Bible et de Shakespeare. Les frères Karamazov est l’œuvre l’ayant le plus influencé, et il le relisait fréquemment. Il en est même venu à écrire au poète Hart Crane que la littérature américaine n’avait rien de similaire à ce roman.
« Comme Dostoïevski, Faulkner était intéressé par l’étude de la crise d’une personnalité se retrouvant au cœur d’une crise de société », a avancé le docteur Robert Hamblin, spécialiste de l’œuvre de Faulkner. Une famille banale que Faulkner décrit symbolise les humeurs et conditions d’une nation entière (les États du Sud américain pour être plus précis), ce qui est la même chose que les personnages de Dostoïevski, qui sont à la croisée des chemins de la morale, de la foi et des émotions.
Les experts considèrent que Les Carnets du sous-sol de Dostoïevski sont ses plus brillantes pensées. Jean-Paul Sartre et Friedrich Nietzsche rejoignaient cet avis, et qualifiaient ces mémoires de chef-d’œuvre de travail psychologique.
Nietzsche portait un grand intérêt à la littérature russe et avait lu Pouchkine, Lermontov et Gogol. Il déclarait également que Dostoïevski était la découverte la plus heureuse de sa vie. « Connaissez-vous Dostoïevski ? À l’exception de Stendhal personne n’a été une aussi bonne surprise pour moi et personne ne m’a procuré autant de plaisir. C’est un psychologue avec qui je me trouvé des points communs ».
Il existe une légende selon laquelle Nietzsche aurait lu le roman de Dostoïevski Humiliés et Offensés les larmes aux yeux. Ce que nous savons de manière sûre est que le philosophe allemand a exprimé le plus profond respect pour Dostoïevski après la lecture de ce livre.
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Nous savons que Nietzsche était aussi familier de Crime et Châtiment, l’Idiot et Souvenirs de la maison des morts.
Pamuk admet que Tolstoï est un plus grand maître du roman, mais qu’il a personnellement été plus influencé par le politisé Dostoïevski. Alors qu’il animait une conférence à Saint-Pétersbourg, Pamuk a confié que qu’après avoir lu pour la première fois LesFrères Karamazov, il avait réalisé que sa vie avait complètement changé. Pamuk aurait même eu l’impression que l’écrivain russe s’était adressé à lui, lui révélant quelque chose à propos des gens et de la vie, que personne d’autre ne connait.
À l’âge de 20 ans, Pamuk a lu l’un des meilleurs romans politiques, Les Démons, et a été à la fois étonné et effrayé. Rien de ce qu’il avait pu lire auparavant n’avait eu un tel impact sur lui. Il a été choqué de voir à quel point la passion que l’on peut avoir pour le pouvoir peut être forte, mais en même il a été émerveillé par la capacité dont on peut faire preuve pour pardonner ainsi que par notre besoin de foi. Cette soif simultanée pour le mal et le saint est ce qui a le plus interpelé Pamuk.
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