Aujourd’hui réputé pour être l’un des auteurs les plus controversés de la littérature russe, Maxime Gorki célébra dès 1905 la première Révolution de la Russie. Cependant, il critiqua la prise de pouvoir des bolcheviks en 1917, bien qu’il fut un ami de Vladimir Lénine.
Gorki fut l’un des fondateurs de la littérature soviétique, caractérisée par le fait que de nombreux poètes et auteurs talentueux ne pouvaient publier leurs œuvres en raison de leur volonté d’écrire à propos d’autre chose que des braves ouvriers soviétiques. En partie parce qu’il fut aussi proche de Staline, on ne lui attribua pas le prix Nobel, qui revint ainsi à Bounine. Voici cinq éléments importants de la vie de cet auteur semi-analphabète qui s’éleva depuis les profondeurs de la société russe.
Le père d’Alexeï Pechkov (le vrai nom de Gorki) mourut du choléra lorsque celui-ci était enfant. Alexeï fut lui aussi contaminé. Ainsi sa mère dut faire face à de nombreuses difficultés et était à la recherche d’un nouveau mari. Alexeï fut donc confié à ses grands-parents à Nijni-Novgorod, ville qui héritera d’ailleurs de son nom durant l’époque soviétique. À la mort de sa mère, le grand-père de Gorki l’expulsa de la maison, et il dut alors mener seul sa vie.
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Son « école » fut celle de la rue, dans les villes des bords de la Volga où il voyageait. Après avoir échoué à ses examens à l’université de Kazan, il travailla dans une boulangerie, et rejoignit les cercles révolutionnaires qui lisaient la littérature marxiste. Il tenta même de se suicider à la suite d’une dépression, puis travailla durement dans une ferme.
Il prit ensuite la route pour le Sud de la Russie : le long du Don, le Caucase et la Crimée. Il se déplaçait essentiellement à pied, faisant de nombreuses rencontres en chemin, principalement des étrangers ou des mendiants comme lui. Dans sa trilogie autobiographique Ma vie d’enfant, En gagnant mon pain et Mes universités, il livre des portraits vivants et audacieux du peuple russe. Sa nouvelle Chelkash et son roman La Mère brossent les portraits d’ouvriers pauvres, et furent les premières œuvres qui lui apportèrent de la reconnaissance, et plus tard firent de lui un écrivain prolétarien, louant la figure du travailleur ordinaire.
Maxime Gorki et Léon Tolstoï
SputnikEn 1902, Gorki publia la pièce Les Bas-fonds, qui eut un grand succès. Constantin Stanislavski en donna immédiatement une représentation au théâtre d’art de Moscou, et elle gagna même les planches d’Europe. La version allemande fut ainsi jouée 300 fois d’affilée à Berlin. Tolstoï fut affecté par ce succès. La première fois qu’il lut la pièce, il demanda à Gorki : « Pourquoi écrivez-vous cela ? ». Il ne pouvait imaginer qu’une pièce racontant la vie de prostituées et d’alcooliques dans un foyer de nuit pour sans-abris pouvait intéresser le public.
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Gorki considérait Tolstoï quasiment comme un dieu, et fut grandement influencé par lui. De son côté, le génie littéraire à la barbe blanche ressentait l’importance de la prose nouvelle qu’apportait Gorki, mais était agacé de lire le récit de son voyage étonnamment réussi mais non moins scandaleux aux États-Unis. Vous pourrez en apprendre plus sur les relations tumultueuses des deux hommes ici.
Dans la trentaine, et bien qu’ayant lu des philosophes comme Nietzsche et Schopenhauer, Gorki demeurait semi-analphabète, et sa femme Ekaterina devait toujours corriger ses fautes d’orthographe. Il commença par travailler en tant que reporter pour différents journaux et des revues littéraires publiaient fréquemment ses nouvelles. Il devint académicien honoraire seulement six ans après ses débuts en tant qu’auteur, ce qui rendit le tsar Nicolas II si furieux qu’il ordonna que l’on retire ce titre à l’auteur. Après que la monarchie eut été renversée en 1917, Gorki redevint académicien.
Gorki glorifia la Révolution, et sa Chanson de l’Annonciateur fut reprise avec enthousiasme par le mouvement révolutionnaire. Il fut véritablement inspiré par celle de 1905, et quand les troupes du gouvernement se mirent à tirer sur la foule des manifestants pacifiques, l’auteur écrivit une déclaration révolutionnaire, ce qui lui valut l’emprisonnement.
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Toutefois, il eut des réserves quant à la prise du pouvoir par les bolcheviks en octobre 1917, la considérant prématurée. Il la décrivit comme une expérience dangereuse et en transcrivit plus tard les horreurs, le sang et le chaos, dans une série d’articles intitulée Pensées intempestives.
Avant même l’ascension au pouvoir des bolcheviks, alors qu’il vivait principalement en Europe, surtout sur l’île italienne de Capri, Gorki rencontra Lénine, et les deux hommes échangèrent pendant des heures. Bien que le meneur bolchévique fût ouvert à la discussion intellectuelle, il ne pouvait tolérer les opinions politiques de Gorki et ses suggestions.
En 1921, les relations entre Gorki et le nouveau pouvoir soviétique empirèrent, et il demanda à émigrer, mais on lui accorda seulement de courts voyages afin de traiter sa tuberculose. Après la mort de Lénine, Gorki fut autorisé à quitter l’Union soviétique, mais n’était plus le bienvenu en Europe ni à Capri. Il alla seulement à Sorrente.
Klement Voroshilov, Maxim Gorki, Joseph Stalin
Global Look PressOn considère que Gorki fonda la littérature soviétique, lorsqu’il proclama le réalisme socialiste et en appela à une nouvelle esthétique et de nouvelles méthodes d’écriture pour servir la construction de l’État socialiste.
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Son paradigme voulait que les personnages aient un sens aigu de la morale et de l’idéologie. L’écrivain devait se faire propagandiste, et pour être publié il lui fallait suivre ce nouveau précepte culturel.
Staline comprit l’influence de Gorki sur le peuple et le voulut de son côté. C’est pourquoi l’État soviétique dépensa de grandes sommes pour offrir à Gorki une vie luxueuse : de voyages à l’étranger à des villas italiennes, en passant par un manoir dans le centre de Moscou, et même une participation au hobby de son fils : l’automobile.
En contrepartie, Gorki devait s’acquitter du sale boulot, et de tout ce que lui réclamait Staline. Parmi ces vœux, figurait une visite du goulag situé sur les îles Solovki, que Gorki dut encenser, en écrivant que c’était un endroit formidable pour la rééducation des détenus. Il écrivit même un article à propos de la construction du canal de la mer Blanche qui justifiait l’esclavage des prisonniers.
Cependant, il n’est pas clair si Gorki a agi avec sincérité, certaines rumeurs racontent même que Staline aurait menacé d’envoyer son fils au camp. Des prisonniers eux-mêmes ont aussi apporté la preuve que, lors de la visite de Gorki, il furent habillés tout de blanc et forcés à tenir des journaux entre leurs mains, afin que leur séjour au goulag ait l’air d’un divertissement. Certains tenaient leur journal à l’envers. Gorki s’approcha de l’un d’eux, et remit le journal dans le bon sens, une manière de faire comprendre qu’il savait ce qu’il s’y tramait.
Quoi qu’il en soit, Gorki fut vivement critiqué pas les auteurs non-conformistes, qui le traitaient de vendu à la solde du régime de Staline. Malgré tout ceci, Gorki tentait d’aider quiconque avait un proche en prison, et il était toujours bon pour le prestige d’avoir pour ami ce célèbre auteur prolétarien.
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