Yanka Diaguileva et Egor Letov
A. ChuguyLeader du groupe Kino (« Cinéma ») et russe d’origine coréenne, Viktor Tsoï est devenu une icône pour la jeunesse soviétique de la fin des années 1980. Né dans une modeste famille de travailleurs, il est devenu artiste et musicien en suivant ses rêves d'enfance, et il personnifiait l’ascension en flèche vers la célébrité, une idée attrayante pour beaucoup de citoyens de l'URSS, qui s'effritait à mesure que la nouvelle Russie était en train de naître.
« C’était un homme extrêmement discret, même timide. En lui parlant, j'ai toujours remarqué un grand mystère au sujet de lui-même. Quand il communiquait, il ne parlait jamais des thèmes de ses chansons... Je pense que certaines personnes ont un puissant mécanisme de défense et ils sont constamment en train de contrôler leur production créatrice. Quoi qu'il en soit, nous n'avons jamais parlé directement de son art, jamais », a confié un ami de Tsoï, Alexandre Titov.
Viktor Tsoï est mort dans un accident le 15 août 1990, quand sa voiture est entrée en collision avec un bus. Il était allé pêcher tôt le matin et s'est apparemment endormi au volant sur le chemin du retour.
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Considéré comme l'un des plus éminents chanteurs-compositeurs de rock russe, Alexandre Bachlachev n'était pas un génie de la guitare, mais il était vénéré pour sa poésie. « Un jeune poète inconnu ne devrait pas entrer dans la littérature en portant une valise brillante remplie de rimes bien faites. Au lieu de cela, il porte un sac rempli de clous tranchants, dépassant dans tous les sens, touchant et blessant le lecteur, et sa douleur devient une avec le lecteur », a déclaré le poète russe Boulat Okoudjava à propos de Bachlachev.
Dans sa jeunesse, Bachlachev a travaillé comme journaliste. La gloire s’est abattue sur lui comme une chute de neige quand il avait seulement 24 ans. Ses amis disent qu'à partir de là, il a plongé dans une crise créatrice majeure. En 1987, il a tourné dans deux films sur le rock russe, mais a fait faux bond pendant la production. En février 1988, Bachlachev mourut en tombant de la fenêtre de son appartement de Saint-Pétersbourg. On estime que c’était un suicide.
Yanka Diaguileva était la pionnière féminine du punk sibérien. Après avoir abandonné l'université en deuxième année, elle a consacré sa vie à la musique et aux représentations sur la scène underground. La plupart de ses disques étaient des live et des enregistrements pirates.
Sa musique n'était pas du punk habituel - joué sur une guitare acoustique, c'était du punk principalement en raison de ses paroles dures, amères et pleines de lassitude envers le monde.
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Elle était connue pour mépriser l'attention des médias et elle a refusé des interviews et des apparitions à la télévision, en disant : « C'est ok pour parler, mais il ne doit rien y avoir dans les journaux. Ceux qui en ont vraiment besoin découvriront qui je suis et pourquoi je suis ici ». En 1991, elle s’est noyée; on ne sait toujours pas s'il s'agit d'un suicide ou d'un meurtre.
Mikhaïl Gorchenev, connu en Russie simplement comme « Gorchok » (« Pot »), était le meneur du groupe hard-punk-rock Korol I Chout (« Le roi et le bouffon »). Le groupe jouait du hard rock avec des thèmes de conte de fées sinistres, pleins de géants et de trolls, de héros de contes folkloriques russes, d'humour noir, et d'alcool fort.
Ces thèmes ont provoqué une réaction massive chez la jeunesse dans les années 2000. En 2011, le groupe était extrêmement populaire en Russie mais il est tombé dans une crise créatrice. En 2013, Mikhaïl a été retrouvé mort dans sa maison de Saint-Pétersbourg peu après une violente dispute avec sa femme. Il est mort d'une insuffisance cardiaque causée par une combinaison de morphine et d'alcool.
Iouri Klinskikh était surnommé « Khoï », une salutation utilisée par les punks russes – et ce bien qu'il ait déclaré à maintes reprises que la musique de son groupe Sektor Gaza était très loin de résumer au punk rock. Khoï, qui n'a jamais étudié la musique de façon académique, a connu la gloire au début des années 1990 en raison de ses paroles - la censure de l'État s'est effondrée avec l'URSS, et Khoï a produit des chansons pleines de jurons et de sexe, de thèmes lié à l’underground, et d’une satire sociale au vitriol.
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La musique de Khoï n’était pas distribuée officiellement, mais les fans l'ont rendue populaire dans toute la Russie pendant la première vague de la culture russe des cassettes audio. La musique de Khoï a été décrite par le critique Artemi Troïtski comme de la « musique folklorique informelle extrême», et le musicien s'est contenté de cette définition. Khoï mourut brusquement de causes indéterminées dans sa ville natale de Voronej le 4 juillet 2000. Son dernier album, sorti à titre posthume, a été baptisé « Ressuscité de l'enfer ».
Igor Letov, fondateur et meneur de Grajdanskaïa Oborona (« Défense civile »), était le leader incontesté du mouvement punk sibérien. À partir du début des années 1980, il a appliqué l'approche du « bricolage » à toute sa musique. Il a rétrogradé la qualité de ses enregistrements, utilisé des instruments désaccordés et de l'équipement de piètre qualité pour créer ce bruit de garage qui est devenu sa marque de fabrique. Ses paroles ont déclenché une réaction agressive des autorités soviétiques qui l’ont contraint à subir un traitement psychiatrique dans un asile.
« J'ai compris que je devais créer afin de maintenir ma santé mentale. J'écrivais des poèmes et des histoires toute la journée. Tous les jours, mon ami venait me rendre visite, et je lui passais tout ce que j’avais écrit à travers les barreaux de l'asile », s’est rappelé Letov.
Il a continué à écrire de la musique dans les années 1990 et 2000, quand il avait déjà atteint un statut emblématique parmi les fans russes. Il mourut d'une insuffisance cardiaque brutale, vraisemblablement causée par une intoxication à l'alcool, en 2008.
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Le poète et traducteur Ilya Kormiltsev a été l'un des créateurs du célèbre groupe de rock russe Nautilus Pompilius - il a écrit les paroles de la plupart de leurs chansons. En 1989, Kormiltsev a reçu le prix Lénine Komsomol, mais a refusé la décoration pour des raisons politiques. Après la dissolution de Nautilus en 1997, Kormiltsev s’est fait un nom en traduisant en russe des auteurs comme Irvine Welsh, Fréderiс Beigbeder, William Burroughs, Nick Cave, Chuck Palahniuk et beaucoup d’autres.
Il a également fondé la maison d'édition Ultra.Kultura, qui a publié des livres controversés et radicaux qui ont été bannis à maintes reprises en Russie. En partie à cause de cela, Kormiltsev a déménagé à Londres, où il est mort d’un cancer de la moelle épinière en 2007.
Contrairement à la plupart des poètes rock russes, Mike Naumenko a commencé à écrire ses chansons en anglais, ne passant que plus tard à la langue de Pouchkine. Il était un grand fan de Bob Dylan, Lou Reed, et Marc Bolan, et certaines de ses chansons sont des reprises en langue russe de leurs compositions. Il a même été surnommé le « Dylan de Leningrad » par les fans. Ses chansons regorgeaient d’images paradoxales et romantiques liées au style de vie rock, décrivant une existence remplie de dérives, de boisson et de chagrin. Un contemporain a écrit : « Dans ses paroles, la vie n'est pas une sorte de sport, pas une mission visant à devenir plus rapide, plus haut, plus fort, mais plus une danse, une expérience de la beauté ».
En 1980, Mike a créé Zoopark (« Zoo ») qui est devenu l'un des groupes de rock russes les plus populaires des années 1980. À la fin de la décennie, en raison de tournées incessantes et d'une consommation d'alcool encore plus intense, la santé de Mike s'est détériorée et sa capacité à jouer a été impactée. Il détestait autant la Perestroïka et le mode de vie capitaliste qu’elle promouvait. Mike a été mortellement blessé à la tête par des voyous qui ont agressé la légende du rock alors qu’il rentrait chez lui tard le soir. Apparemment, les agresseurs ne savaient pas qui était leur victime. Il mourut sans avoir reçu de soins dans son appartement de Saint-Pétersbourg le 27 août 1991.
Zazous, hippies, motards, punks, rockers et métalleux formaient des contre-cultures qui attiraient souvent l’ire des autorités soviétiques. RBTH vous propose un aperçu de la jeunesse rebelle de l’Union soviétique.
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