Des touristes sur le sentier de la caldeira du volcan Ouzon.
Igor ChpilenokPetropavlovsk-Kamtchatski : la ville
« Mais qu’est-ce que vous faites au Kamtchatka ? C’est si loin et il n’y a rien à faire ici ! ». Au pied de l’hôtel Geyser, l’une des adresses référencées de la ville, une jeune femme promenant une poussette s’étonne de découvrir un Français prendre des photos. L’hôtel surplombe la baie d’Avatcha, le soleil se couche mais elle n’y prête pas attention. « Ça coûte combien d’aller à la tour Eiffel ? Il y a un ascenseur pour monter ? ».
À bien des égards, Petropavlovsk-Kamtchatski est une ville de province banale, avec ses immeubles khrouchtchéviens agonisants et sa place Lénine. Pourtant, sur la promenade longeant l’océan Pacifique, le parfum d’Extrême-Orient produit son petit effet. La lumière de cette fin d’été dessine un horizon au relief volcanique. Sur le port, des bateaux en état de décomposition avancée attendent leur démolition. Au large, les colonies d’oiseaux du Rocher de la Grand-mère offrent un impressionnant spectacle visuel et sonore.
Igor Chpilenok
Déluge sur la rivière Bystraïa
La pluie s’est déclarée autour de trois heures du matin. Elle ne s’interrompra que 19 heures plus tard. Coincés sur un morceau de terre boueux le long de la rivière Bystraïa, avec la seule gretchka pour nous réchauffer le corps et le cœur, nous n’avons pas d’autre choix que de replier nos tentes et d’embarquer sur le rafting que charge Sergueï avec un calme imperturbable. Ce policier robuste, père de trois enfants, accompagne des groupes sur la rivière Bystraïa durant la saison estivale. La belle saison, en théorie : ce jour-là, les ours ne sont pas d’humeur à pêcher le saumon. Ils se sont rabattus sur les baies dans la forêt.
Les coulées qui témoignent de leur présence habituelle sont désertes. Une pluie torrentielle s’abat sur nous. Alors qu’il confesse n’avoir jamais vu un tel niveau d’eau, Sergueï reste absolument serein et parle avec un débit et un volume inchangés. Les quelques rapides traversés achèvent de tremper intégralement les heureux participants assis à l’avant du bateau.
Inouïe réserve de Kronotski
Départ matinal vers l’héliport d’Elizovo, la deuxième ville de la péninsule. Au Kamtchatka, l’hélicoptère est un moyen de transport indispensable pour relier certains sites, mais aussi des lieux d’habitation. En route vers la vallée des Geysers, située dans la réserve naturelle de Kronotski. Le survol offre des panoramas étourdissants, notamment sur le cratère laiteux du volcan Maly Semiatchik (1 560 mètres). D’une vallée à l’autre, les paysages, tout comme la météo, changent. Chaleur écrasante à l’arrivée. La chaîne humaine traversant les hautes herbes évoque la série américaine Lost. Jets de vapeur, bouillons de boue, végétation luxuriante, le tableau de cette nature vivante est captivant. Certains geysers jaillissent toutes les dix minutes.
Igor Chpilenok
Igor Chpilenok
À la caldeira du volcan Ouzon, l’autre site majeur, les traces de pattes d’ours ne manquent pas. Muni de son fusil Baïkal, un gardien du ministère des Ressources naturelles veille. Après un bain rapide dans une source thermale – l’eau fait quarante degrés –, surprise de l’autre côté de la rivière : trois ours. Une vision qui ravit les touristes mais ici, on plaisante modérément avec les ours. Il y a quelques jours, l’un d’eux a pénétré sur un campement près du volcan Vilioutchinski et a liquidé le garde-manger.
« Jour du volcan » : éprouvante ascension
L’ascension du volcan Avatchinski, dont le sommet culmine à 2 751 mètres, est une tradition annuelle. Kirill n’avait pas huit ans quand il l’a grimpé avec son père : ce guide d’origine koriake – l’une des ethnies du Kamtchatka – raconte qu’il avait alors passé trois semaines en altitude, expérience qui lui a transmis un amour inconditionnel pour sa terre.
Sur la ligne de départ, de la pop russe encourage les participants. L’ascension doit durer six heures. Sur place, une équipe de la télé locale est intriguée – quelle mouche a pu piquer ces Français venus ruiner leurs genoux à l’autre bout du monde…
Au loin, les petits points colorés sur la crête – les marcheurs plus matinaux – auraient de quoi décourager. Ils n’ont plus d’importance à 2 000 mètres, lorsque toute silhouette humaine disparaît dans la brume. La pluie et le vent se déchaînent. La file indienne ne cesse de se raccourcir. La moindre couche de vêtements est désormais mise à contribution. Les derniers mètres sont éprouvants : la terre rouge est meuble et les pierres s’échappent sans prévenir.
Au bout de la corde, le sommet. Le cratère tant attendu est noyé dans la brume mais qu’importe, l’ego est revigoré. Euphorie de courte durée : il faut maintenant redescendre dans la vallée.
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