La station de métro Komsomolskaïa.
Vörös SzabolcsLe métro de Moscou est une allégorie de la Russie et de son peuple. C'est la grandeur d'une fourmilière cachée sous la terre éternelle, préservée par l'industrie des hommes des extrêmes climatiques de la surface. C'est la magnificence des ornements derrière des façades humbles et austères, seulement accessible au prix d'une plongée audacieuse dans les profondeurs d'escalators vertigineux. C'est un trésor étourdissant et assourdissant, une conquête violente des sens à la portée pourtant profondément utilitariste et quotidienne.
Le métro de Moscou est une métonymie de l'Histoire russe. C'est l'exaltation d'une mythologie soviétique glorieuse et honteuse exprimée sur les fresques et les arches à l'esthétique impériale. Lénine, omniprésent, veille sur le réseau de sa hauteur symbolique à présent dépouillée de toute signification politique. Les souterrains tortueux rappellent les tourments, les tâtonnements et les coups manqués de la nation russe depuis les réformes d’Alexandre II. Les stations sont nommées en l’honneur des épisodes glorieux, des soulèvements, des grands auteurs, de la Science et du rayonnement du “monde russe”, de Kiev à Almaty.
Le métro de Moscou est un marqueur de la pluralité et des tiraillements présents de la société russe. Dans cette fourmilière se côtoient classes moyennes et populaires, hommes et femmes de toutes sortes, toutes les ethnies de la Russie multiculturelle, et toutes les générations aux prismes culturels et aspirations différentes, parfois contradictoires. En périphérie, à la sortie des bouches, les migrants africains font les hommes-sandwich et les chauffeurs de taxi tadjiks proposent leurs courses à la criée. Sur les quais et dans les couloirs, où se sont produits deux attaques terroristes en 2010, les forces de l’ordre patrouillent. Chaque service de sécurité intérieure – police municipale, nationale, renseignement intérieur – a ses propres patrouilles, reconnaissables aux uniformes. Elles se croisent parfois, indifférentes ou vaguement hostiles les unes envers les autres, une authentique représentation de la nation dont les autorités sont encore divisées par des luttes de pouvoir souterraines.
Le métro de Moscou, c’est le miracle industrieux de l’Homme, qui pose des rails et couvre ainsi les distances auparavant infranchissables – des stations Stroguino à Novoguireevo comme de Smolensk à Vladivostok. C’est aussi les erreurs et les mauvais calculs, les détours inutiles qui rendent les correspondances interminables. L’Homme se révolte contre sa petitesse et se donne les moyens de la grandeur, dans une quête inachevée et inachevable.
Le métro de Moscou, c'est réellement la Russie, dans toute sa diversité et ses contradictions. Parfois bondé, parfois calme, toujours slave, affreusement bruyant, romantique et pragmatique, efficace et puissant, de toutes les couleurs et de toutes les odeurs, et surtout immense, immense et envoûtant, autosuffisant et fier, grandiose et sans prétention.
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