De la première bombe nucléaire soviétique à l’émergence de l’Internet russe, l’Institut d’énergie atomique Kourtchatov, à Moscou, s’impose comme un lieu d’innovation depuis déjà bien longtemps.
« Les réacteurs nucléaires conçus entre les murs de l’Institut et utilisés dans nos secteurs de l’industrie, de la construction navale, de la médecine, de l’espace et de la défense, sont devenus les symboles de la puissance de notre pays », a déclaré le président Vladimir Poutine lors de la célébration du 75ème anniversaire de l’établissement, en 2018.
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Le physicien Igor Kourtchatov (1903-1960) est l’un des premiers (1932) en URSS à avoir étudié le noyau atomique. Institut du radium Khlopine. Leningrad.
SputnikQui était Igor Kourtchatov ? Et quels ont été les principaux accomplissements de l’Institut au cours de son histoire ? Voici ce qu’il vous faut savoir au sujet de ce site conservant une place centrale dans le secteur nucléaire russe.
Fondé en 1943, l’Institut Kourtchatov portait initialement le nom de « Laboratoire n°2 ». Ce titre discret a été imaginé pour garder son travail secret, l’établissement ayant été créé pour mettre au point la première bombe nucléaire de l’histoire. Dans tous les documents, le laboratoire était d’ailleurs désigné comme un « atelier d’assemblage » tandis que l'uranium était remplacé par le terme « silicium ». Tous les participants du projet ont quant à eux suivi un système complexe de contrôles de sécurité et signé les lois officielles sur les secrets, et avaient donc pour interdiction de divulguer des informations quant à leur activité.
Ce n’est qu’en 1960 que l’Institut a été baptisé du nom d’Igor Kourtchatov, son premier directeur et éminent physicien nucléaire. C’est précisément sous son commandement que les scientifiques soviétiques ont non seulement atteint leur objectif initial de créer la première bombe nucléaire d’URSS (1949), mais ont également mis au point le premier cyclotron à Moscou (1944), le premier réacteur nucléaire en Europe (1946), la première bombe thermonucléaire au monde (1953), la première centrale nucléaire industrielle au monde (1954), le premier réacteur nucléaire soviétique pour sous-marins (1958), les brise-glaces à propulsion nucléaire (1959), ainsi que la plus grande installation pour la conduite de réactions thermonucléaires contrôlées (1958).
Premier bombe atomique soviétique, la RDS-1, au musée du Centre fédéral russe nucléaire de l’Institut panrusse de recherche scientifique en physique expérimentale (VNIIEF), à Sarov.
Sergey Mamontov/SputnikRépublique soviétique socialiste d’Ukraine. Ville de Kharkov. 1er janvier 1932. Igor Kourtchatov et ses collègues au laboratoire d’accélérateurs de l’Institut de physiques et de technologie de Kharkov.
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Kourtchatov avait une forte personnalité, qui a inspiré bon nombre de ses collègues. Ceux qui le connaissaient ont témoigné qu'il était un leader énergique et jovial et que personne d'autre n'aurait fait un meilleur travail que lui. Kourtchatov débordait effectivement de ressources : il était en mesure de visiter toutes les installations de l'Institut, de vérifier la progression des travaux, de discuter avec ses collègues, de les encourager et de formuler les tâches à accomplir. Ses employés attendaient avec impatience leurs rencontres avec lui, toujours inspirantes et restant en mémoire pendant longtemps.
« Parmi les milliers de personnes ayant eu à faire face à un problème nucléaire à cette époque, il n'y avait personne de plus populaire et de plus respecté que ce géant à la démarche lente et pataude, aux yeux toujours radieux et au diminutif chaleureux de "Barbe" », a écrit en sa mémoire Anatoli Alexandrov, physicien et deuxième directeur de l'Institut Kourtchatov.
URSS. Région de Kalouga. Ville d’Obninsk. 10 août 1955. Édifice d’une centrale nucléaire.
TASSPupitre de commande de la centrale nucléaire d’Obninsk. 1964.
Lev Nosov/SputnikPlus tard, en 1968, l'Institut a obtenu des résultats records en matière de confinement du plasma en utilisant un tokamak, une chambre toroïdale à bobines magnétiques. Inventé au sein de l’établissement, le tokamak est devenu le principal outil de recherche sur la fusion thermonucléaire contrôlée à travers le monde.
Moscou. Institut Kourtchatov. Première installation au monde de Tokamak TO-1.
Albert Pushkarev/TASSAu cours de la décennie suivante, l’institution a rapidement développé des technologies microélectroniques telles que l’implantation d’ions, la lithographie, la chimie du plasma et les couches minces. Tous ces éléments sont alors devenus la base de l’essor de la nanotechnologie à l’Institut, de la création de systèmes hybrides et des superordinateurs.
En 1975, le nouveau grand tokamak T-10 a ensuite fait son apparition, et est toujours utilisé aujourd'hui pour contrôler les équipements du projet Iter (développé en France), premier réacteur thermonucléaire expérimental au monde. L'Institut possède également le grand tokamak T-15, doté d’un système magnétique supraconducteur.
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L’Institut Kourtchatov est également directement lié à l’émergence d’Internet en Union soviétique, puis en Russie. Le 1er août 1990, le premier réseau informatique à l'échelle de l'Union, le Relcom, a en effet été fondé sur la base de ses travaux. La première étape a consisté à relier des ordinateurs situés dans des institutions scientifiques de Moscou, Léningrad, Novossibirsk et Kiev. Puis, le 28 août de la même année, a eu lieu la première session de communication informatique sur le territoire de l'URSS avec une installation étrangère, établie à l'Université d'Helsinki.
Travail avec une plateforme de complexes nanotechnologiques « NanoFab-100 », à l’Institut Kourtchatov.
Maxim Shemetov/TASSAujourd'hui, l'Institut comprend plusieurs centres de recherche distincts traitant de diverses questions scientifiques, tous réunis dans le cadre du Centre national de recherche « Institut Kourtchatov ».
Les activités principales du centre restent toutefois le développement sécurisé de l’énergie nucléaire, la fusion thermonucléaire contrôlée, les processus plasmatiques, la physique nucléaire d’énergies basses et intermédiaires, la physique de l’état solide, la supraconductivité, la chimie des mésons. Des recherches sérieuses sont également menées dans les domaines de la nanotechnologie et de la biotechnologie, ainsi que pour l’élaboration de nouveaux matériaux et médicaments.
Parmi les projets les plus intéressants sur lesquels l’Institut travaille actuellement figure celui visant à trouver des solutions pour protéger les êtres humains des rayonnements cosmiques, qui permettraient d’envisager des missions spatiales lointaines, et celui aspirant à rendre possible la suppression de souvenirs négatifs à des fins de réadaptation, pour traiter des traumatismes psychiques par exemple.
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