Opération à cœur ouvert dans le Centre fédéral de chirurgie cardiaque et vasculaire à Tchéliabinsk.
RIA Novosrti/Aleksandre KondratukUn laboratoire de Samara, ville du sud-est de la Russie, développera des valves cardiaques artificielles. Le projet réunit l’Université d’État de médecine de Samara (SamSMU), l’Université Heinrich Heine de Düsseldorf et l’Université d’État aérospatiale de Samara (UEAS).
En attendant le cœur
Selon les statistiques du Centre scientifique de chirurgie cardiaque et vasculaire Bakoulev, près de 60 000 personnes attendent aujourd’hui une implantation de valve cardiaque en Russie. Alexandre Kolsanov, organisateur du projet et directeur de l’Institut du développement de l’innovation de SamSMU, nous a expliqué que, dans la plupart des cas, les patients se voient implanter des valves mécaniques. Après une telle opération, les patients sont contraints de prendre des anticoagulants toute leur vie. En outre, si l’opération est réalisée sur un enfant, la valve devra être remplacée, car le cœur grandit, contrairement à la valve mécanique.
Les valves biologiques ont également leurs inconvénients : leur mauvaise compatibilité qui entraîne la calcification - une pathologie lourde des processus métaboliques - et leur fragilité. Ces valves ne se remplissent pas de cellules de l’organisme, ne se renouvellent pas et s’usent rapidement. Ainsi, l’implantation doit être répétée.
Le travail du nouveau laboratoire permettra de fournir les cardiologues en valves biocompatibles et abordables, estime Kolsanov.
« La banque des tissus de SamSMU a plus de 25 ans, ces produits sont utilisés dans près de 60 régions de la Russie. Le développement des organes et des tissus nous a toujours intéressés. Nous avons une riche expérience de travail avec les biomatériaux, nous avons développé différents matériaux destinés à l’implantation, mais n’avons pas encore travaillé sur les valves », indique Alexandre Kolsanov.
Comment développer une valve ?
Dans un premier temps, les chercheurs russes envisagent d’utiliser l’expérience de l’Allemagne. Puis, en 2016-2017, ils comptent améliorer les technologies allemandes et les utiliser pour lancer leurs propres innovations.
À Samara, les valves seront développées grâce à l’ingénierie tissulaire. Pour cela, la valve devra être retirée du cœur du donateur. Ensuite, la matière cellulaire sera retirée de la valve cardiaque dans un environnement « propre » spécial afin de garantir sa compatibilité immunologique avec l’homme. Le produit ainsi obtenu sera préparé pour la conservation et l’implantation.
Le développement de chaque valve nécessite un organe, mais dans ce cas, il est plus facile de fabriquer le « produit biologique » - les exigences à l’égard du donateur sont beaucoup moins nombreuses que pour une implantation classique.
La modification physique, cellulaire et biomoléculaire des valves est l’étape suivante du développement. Contrairement aux technologies existantes, les valves modifiées s’assimilent plus rapidement, grandissent avec le patient et ne demandent pas d’assistance médicamenteuse.
Projets d’avenir
Kolsanov souligne que les valves ne sont que la première étape. Le laboratoire doit maîtriser l’expérience mondiale en matière de décellularisation (procédure de destruction des cellules d’un organe visant à ne conserver que la carcasse de tissus conjonctifs).
« Dès l’année prochaine, nous envisageons de développer des vaisseaux et des uretères. Puis nous nous attaquerons au cœur, aux poumons et aux reins. Ensuite, nous travaillerons sur les méthodes permettant d’accélérer l’assimilation », a confié M. Kolsanov à RBTH.
Les valves seront implantées dans les centres de cardiologie. D’abord, à Samara et dans la région de Samara, puis dans les grands centres fédéraux de Russie, puis dans les pays de l’Union douanière (Russie, Biélorussie, Kazakhstan, ndlr). D’ici cinq ans, les scientifiques envisagent de commencer la vente de valves dans les pays de l’Union européenne. Les fondateurs du laboratoire estiment que le coût des valves développées en Russie sera inférieur à celles produites ailleurs dans le monde, pour une qualité équivalente.
« Dans les cinq-dix prochaines années, les technologies régénératives feront baisser la demande pour les organes artificiels. Je suis convaincu que l’avenir appartient à la médecine régénérative. Mais l’exportation des objets biologiques hors du pays est soumise à des autorisations spéciales, ainsi les chercheurs devront surmonter certains obstacles. Une commission spéciale a été créée par le Comité des douanes de la Fédération de Russie, elle étudie chaque question séparément et ses décisions ne vont pas toujours dans le sens des concepteurs. Malheureusement, les sociétés résidentes de Skolkovo ont déjà été confrontées à ce type de problèmes ».
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