Les Pankine, résidant dans la région d'Irkoutsk, sont l'une des familles candidates à l'obtention d'une place dans le projet d'« école intelligente ». Aujourd'hui, ils éduquent sept enfants orphelins âgés de 5 à 14 ans. Leur première fille adoptive, Nadya, est arrivée en 2008. À ce moment-là, Galina, qui a maintenant 45 ans, et son époux, élevaient déjà trois enfants biologiques, dont l'une souffre par ailleurs d'un handicap. Le désir d'adoption de Galina lui a en réalité été inspiré par ses propres parents.
« À l'époque, ma mère a trouvé un poste dans un orphelinat, et un an plus tard elle en est ressortie en tenant deux petits garçons par la main. Plus tard, en 2008, la sœur de l'un des fils adoptifs de mes parents a été amenée à ce même orphelinat : Nadya. Cette fillette a été l'un des premiers enfants que nous avons adoptés. +L'un des+ car avec elle nous avons pris un petit garçon, Daniil, avec qui elle avait sympathisé », raconte Galina.
Lors de cette première adoption tout était difficile, inhabituel et effrayant, avoue la jeune femme. « La question : Y parviendra-t-on ? me taraudait constamment », indique-t-elle. Elle a néanmoins pu compter sur l'aide précieuse de ses parents, des pédagogues « de vocation et de profession ».
Par la suite, deux autres enfants adoptifs et un biologique sont à leur tour venus agrandir cette famille modèle. Un jour en effet, les Pankine ont été invités à l'orphelinat à l'occasion d'une fête. « Nous avons pris la parole devant les enfants candidats à l'adoption, avons parlé de notre famille, montré des photographies ; à notre table ont alors été placés des enfants de l'orphelinat. Après cet événement, lorsque nous sommes rentrés à la maison, mes enfants ont dit qu'il fallait que ceux qui étaient assis avec nous à table viennent vivre dans notre famille. Et nous en avons décidé ainsi », se remémore cette mère comblée.
Alors qu'en 2008 Galina n'avait pu se reposer que sur elle-même et le soutien de ses proches, aujourd'hui la situation pour les familles adoptives de la région d'Irkoutsk s'est nettement améliorée : des écoles préparatoires spécialisées ont fait leur apparition et l'aide de psychologues, de spécialistes des déficiences et d'orthophonistes est fournie.
« Par exemple, en première année, l'un de nos enfants a dû parler de son lieu de naissance et de sa famille. Bien sûr, nous avons fait des photographies de notre famille, mais cet exercice a confronté cet enfant à une série de questionnements : +Mais où sont ma maman, mon papa, ma grand-mère, mon grand-père ?+. Une tâche aussi banale à l'école s'est ainsi transformée en source d'angoisse », se désole Galina.
Pour le moment l'école n'est pas encore totalement prête au travail avec les enfants adoptifs, mais il y a un clair sentiment de progrès, constate la mère de cette famille nombreuse.
« Nous expliquons nous-mêmes aux instituteurs comment s'adresser aux enfants, mais ils ne nous soutiennent pas toujours. Il n'y a pas assez de spécialistes, et de nombreux enfants présentent des troubles du langage. Nous devons alors nous adresser à des experts, ce qui est payant, et il faut effectuer un travail quotidien avec ces enfants », confie quant à elle une autre habitante de la région d'Irkoutsk, Natalya, maman de 15 enfants adoptifs.
Projet d'« école intelligente ». Crédit : Service de presse
Les deux femmes fondent de multiples espoirs sur le projet « École intelligente », qui devrait voir le jour à l'horizon 2019 dans la région. « Comme on nous l'a expliqué, les enseignant travailleront avec les enfants de manière individuelle, seront également présents des psychologues et des pédagogues expérimentés spécialement sélectionnés. C'est ce qui manque dans les écoles traditionnelles », remarque Natalya.
Ce projet, dont la réalisation devrait débuter cette année, prévoit un programme spécial pour la réhabilitation des enfants de familles adoptives, qui représenteront 15% des écoliers. Pour la Russie, un pays où l'on dénombre 482 000 orphelins, et Irkoutsk, qui domine le triste classement des villes russes en comptant le plus, cette initiative s'inscrit on ne peut mieux dans l'ère du temps.
La principale innovation de ce projet, financé par le fond de bienfaisance Une nouvelle maison, sera la construction d'un village pour les familles d'accueil et son intégration à un complexe éducatif. « Cette approche permet de lutter contre l'un des plus gros problèmes que rencontrent les familles adoptives, l'adaptation difficile de l'enfant à une école et une famille ordinaires, et le cloisonnement existant entre les organes de tutelle, la famille et les enseignants. Créé d'un seul tenant, cet écosystème est donc une décision optimale pour l'unification des composantes nécessaires à l'adaptation de l'enfant à la société », commente le directeur du projet, Mark Sartane.
Une attention particulière est accordée à ce que les enfants adoptifs soient équitablement répartis dans la masse et étudient dans les mêmes conditions que tous les autres. « Comme ils sont, en eux-mêmes, en partie plus difficiles, ils sont capables de modifier l'ambiance autour d'eux, au lieu de s'en inspirer. C'est pourquoi une répartition uniforme est très importante pour leur adaptation à la société. Nous avions donc pour objectif de fixer une proportion, dans laquelle les enfants seraient répartis comme dans la société ordinaire, celle dans laquelle ils devront vivre plus tard », précise-t-il.
Projet d'« école intelligente ». Crédit : Service de presse
L'idée de l'intégration des enfants adoptifs dans le système familial n'est, en elle-même, pas nouvelle, rappelle Ioulia Andreïeva, une tutrice ayant de l'expérience dans l'accompagnement d'enfants présentant des besoins spécifiques et d'adolescents déviants. Mais dans l'« école intelligente », l'accent est mis précisément sur l'école, sur cet espace d'éducation qui développe l'enfant tout en lui permettant de déterminer lui-même sa propre voie de développement. « Pour les enfants adoptifs c'est incontestablement primordial, étant donné que ce sont précisément la capacité d'autorégulation et de planification de leur propre stratégie éducative, et plus tard, de vie, qui sont nécessaires pour réussir leur sociabilisation », note-t-elle.
Le projet sera unique uniquement si s'y associent des gens désireux d’offrir et de vivre, souligne Galina, non sans espoir. « On nous a promis que l’on créerait les conditions nécessaires au développement de l'enfant, notamment pour des activités extrascolaires. Il sera possible d'organiser des cercles de parents adoptifs, et d'attirer ensuite les enfants, et vice-versa », propose Galina, faisant part de ses attentes. « Il faut aller de l'avant et donner à nos enfants une chance de se développer malgré leurs problèmes », conclut-elle.
Projet d'« école intelligente ». Crédit : Service de presse
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