En Khakassie, une région russe située au sud de la Sibérie, un habitant sur dix âgé de 18 à 80 ans vit de l'exploitation des ressources naturelles. La chasse, la pêche, la récolte de baies, de plantes médicinales ou encore de pignons de pin constituent une source d’alimentation et de revenus pour leur famille.
Un travailleur saisonnier peut gagner jusqu'à 100 000 roubles comptant (1 500 euros) en six mois de travail intensif. Les dépenses moyennes d’une famille composée de trois personnes en Khakassie sont de l’ordre de 20 000 roubles (312 euros) par mois. Ainsi l’argent récolté grâce à cette activité suffit à passer l’hiver..
Moubarak Aïkoulov. Crédit : Nikolaï Okounev
Cela fait 20 ans que je fréquente la taïga. J’ai appris ce métier auprès de Chors (peuple turcophone) dans la région de Keremovo, avec lesquels j'ai récolté des pignons de pin pour la première fois. Maintenant je dirige une équipe locale. Il n'y a pas de travail dans les campagnes, et je paie comptant chaque jour. Un journalier gagne trois mille roubles (47 euros) par jour de récolte s’il se donne de la peine. C’est ainsi que les gens assurent les mois d’hiver pour leur famille. Moi non plus je ne me plains pas : j’ai acheté une maison, une voiture, bientôt je construirai un entrepôt.
Crédit : Nikolaï Okounev
La saison de la récolte des pignons de pin s'étend d'octobre à décembre, selon les gels et la quantité de pignons. Au début, les récolteurs ramassent les pommes de pin tombées de l'arbre. Lorsque la période s’achève, les chichkars frappent le tronc du cèdre à l’aide d’une longue bûche, entourée d’un tissu à son extrémité. Les pommes de pin mûres tombent alors au sol, et les vertes restent accrochées. En moyenne, une équipe de cinq chichkars récolte cinq tonnes de pignons.nnLe prix dépend de la récolte. Ces quatre dernières années, les pignons n’ont pas poussé, et les prix se sont envolés. Nous vendions le kilogramme pour 350 roubles (5 euros). Cette année est abondante, et la même quantité vaut 150 roubles (2 euros). Les pignons de pin sont très populaires chez les locaux. Ils sont utilisés pour des tisanes ou dans des préparations médicinales.
Aïgoul Sadikova. Crédit : Nikolaï Okounev
Je récolte des baies et je les vends au marché. Des habitants de la taïga, ceux qui vivent dans des villages reculés, et des cueilleurs passent par moi : il est plus simple et moins coûteux de faire appel à un revendeur plutôt que de faire 200 km pour se rendre au marché en ville.
La saison de la récolte débute en mai, avec l’ail des ours. En juin le chèvrefeuille parvient à maturité, d’abord dans la région d’Azkizsky et dans les montagnes à la frontière entre la Khakassie et la république de Touva. Là-bas l’été est plus doux, c’est pour cela que les premières baies y poussent. En juillet viennent les fraises, en août, les airelles des marais et les myrtilles, en septembre, les airelles rouges.
Crédit : Nikolaï Okounev
Les Sibériens consomment les baies de la Taïga, mais les utilisent également pour la médecine : l’airelle rouge est considérée comme un antibiotique naturel, l’airelle des marais soigne les maladies cardiaques, et la myrtille aide en cas de problèmes de vue. On considère que la myrtille est le meilleur remède contre l’avitaminose printanière. On les stocke pour l’hiver, en les salant et en les laissant fermenter comme un condiment.nnNous préparons une gomme naturelle à partir des pignons de pin : il faut immerger de la gaze imprégnée d’écume dans un chaudron de résine bouillante. Lorsqu’elle se fige, on obtient la « gomme ». Ces lamelles à mâcher aident en cas de problèmes de gencive et de cavité buccale, et pour les problèmes d’estomac.
Maria Maksimovna. Crédit : Nikolaï Okounev
Je récolte, sèche, et vends des plantes médicinales. Dès le début de la floraison nous partons dans la taïga avec mon petit-fils. Les herboristes récoltent les plantes uniquement lors de la lune montante, lorsque les propriétés s’accumulent dans la plante, et les sèchent dans un endroit sombre et sec. Le stockage se fait principalement de juin à juillet. Parfois des vieux croyants viennent de la taïga vendre des herbes rares, qui sont difficiles à obtenir pour un citadin.
Durant la saison froide on vend beaucoup de lichen d’Islande, un antibiotique naturel qui aide en cas de maladies pulmonaires et lors des coups de froid. Le thym serpolet se vend également beaucoup : les locaux pensent qu'il aide contre 35 affections. Ils achètent du genévrier afin d’enfumer les habitations dans le but d’y déloger les mauvais esprits. On dit que les herbes les plus utiles sont la branche rouge et la racine rouge. Ces herbes ne poussent qu’en Khakassie et dans l’Altaï. La branche rouge aide pour les tumeurs et les problèmes gynécologiques, renforce l’immunité. Les vieux-croyants estiment que la racine rouge accroît l’espérance de vie.
Maria Maksimovna. Crédit : Nikolaï Okounev
Je suis né avec une ligne à la main, toute ma vie est liée à la pêche. À l’époque de la Seconde Guerre mondiale, la nourriture manquait, et le frère de mon grand-père organisait la pêche sur les canaux de l’Ienisseï, afin de subvenir aux besoins du village. Les enfants aussi alors pêchaient, ils aidaient les adultes. C'était la famine.
Pour pêcher sur l'Ienisseï il faut venir entre le 5 et le 19 juin. A ces dates, les carpes et les carassins fraient, et la prise vient toute seule à la ligne. En avril, il y a un pic de pêche. Une année au printemps j'ai pêché tellement de sarajniaks que mon cheval ne pouvait presque pas tirer le traîneau. Dans les eaux de l’Ienisseï et du Lac de Krasnoïarsk on trouve des carpes, des perches, des sarajniaks (gardons), des carrassins, des brèmes, et des corégones sibériens. Les ombres vivent dans les petits ruisseaux de la taïga, et nombreux sont ceux qui les cherchent des semaines entières, car ce poisson est devenu rare en Khakassie.
Crédit : Nikolaï Okounev
Les pêcheurs vendent rarement le poisson. Ils partagent généralement leur prise avec leur famille et leurs voisins, afin d’économiser de la nourriture. Parfois, c’est vrai, ça a tellement mordu qu'on ne peut pas tout transporter. Alors le pêcheur s’installe au bord de la route et vend du poisson frais trois fois moins cher qu’au marché. Ce n’est pas un travail stable, mais parfois on peut gagner gros. Un jour, j'ai vendu une brème au prix d'une vache.
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