Guennadi Kvitvevitch.
Ivan ZuikovIl vit à la frontière entre Krasnoïarsk et la zone gardée du service des forêts de Bazaïsk, en plein cœur de la taïga. La maison, solide et coquette à la fois, est dotée de remises. Un tas de bûches soigneusement alignées se dresse dans la cour. Les grands chiens ont été attachés à l’occasion de mon arrivée.
À l’intérieur, une chatte calico s’est confortablement installée près du poêle. Sur les murs, des photos des membres de sa famille et… d’animaux. Ce qui crée l’impression que la joyeuse fratrie de trois oursons avec leur mère, le loup amaigri, le lynx discret et les puissants élans font également partie de la famille du garde forestier.
Guennadi Kvitvevitch travaille dans la réserve depuis plus de quarante ans. Il est « responsable » des pièges photo et des caméras filmant les animaux et les oiseaux. Les archives de la réserve comptent plus de cent mille photos réalisées par le garde forestier.
Dans sa jeunesse, Guennadi Kvitvevitch habitait à la ville et travaillait dans une usine avec des horaires stricts, un plan socialiste et des compétitions du genre « atteindre les objectifs du quinquennat en quatre ans ». « Ça incommodait le jeune enclin à la réflexion que j’étais », a-t-il raconté.
« Plusieurs fois j’ai rêvé que je vivais dans la forêt, a-t-il poursuivi. Et me voici dans cette réserve nationale ». Il faut dire que la forêt ne lui a jamais été étrangère : il connaissait bien la taïga et y allait avec des amis, amateurs comme lui d’escalade sur les rochers-poteaux.
« Ma maison, ce n’est pas un toit. Je suis attiré par la forêt. Je marche parmi les arbres et tout m’est familier. Je suis contre les grandes villes qui rompent tout lien entre les hommes », a souligné Guennadi Kvitvevitch.
Crédit : Ivan Zuikov
Dans les années 1970, le garde forestier se voyait accorder selon la législation une « maison de fonction » avec dépendances et sauna russe, des champs pour la fenaison, des secteurs pour la coupe du bois ainsi qu’un cheval ou une moto pour patrouiller le territoire.
« Le garde forestier devait savoir tout faire et trouver un langage commun tant avec les animaux qu’avec les différents véhicules et mécanismes. Si au printemps on ne fait rien ou on s’amuse seulement à aller à la pêche, si on ne plante rien, si on ne se fait pas une provision de bois de chauffage, on ne tiendra pas longtemps, a-t-il fait remarquer. Dès mon plus jeune âge, je me suis occupé de la terre. Ma famille avait une maison privée et un lopin de terre et je voulais savoir tout faire de mes mains ».
Nous nous habillons pour une promenade dans la forêt, jusqu’aux rochers. « Les chiens vous aident à garder la maison ? », demandais-je en enfilant des bottes feutrées pour partir à l’assaut d’une couche de neige atteignant 60 centimètres.
« Ça dépend, a-t-il répondu, en mettant lui aussi ses grosses chaussures. Une fois, je me suis réveillé la nuit parce que mon chien aboyait, mais pas comme d’habitude. Je suis sorti sur le perron et j’ai vu une silhouette non loin de la maison. Celle d’un animal très grand. Et puis… J’ai vu défiler toute ma vie en l’espace d’une seconde. J’ai réalisé que c’était un ours qui se tenait dans la cour. J’ai tapé des mains et il a fait demi-tour. Alors pour ce qui est des chiens… ».
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