Isropil Chaniyev (born 1940), the only resident of a farmstead near the Pyaling historical-architectural tower complex in the Dzheirakh District of the Republic of Ingushetia
Said Tsarnaev / RIA NovostiLe district de Djeïrakh. Ingouchie, Russie. Crédit : Mikhail Japaridze / TASS
Le district de Djeïrakh en Ingouchie (Caucase du Nord) est un pays montagneux situé à une altitude de 1 200 à 2 000 d’altitude. Et ces montagnes peuvent en dire bien plus sur les Ingouches que n’importe quelle encyclopédie.
C’est ici que sont concentrées les célèbres tours de clan, dont le nombre atteint près de 200 dans ce district. Le plus grand complexe, Eguikal, en compte plus de 40. Les montagnes ont permis au peuple de survivre lors de l’invasion mongole dans le Caucase du Nord au XIVe siècle. Les Ingouches ont dû quitter les vallées fertiles pour se réfugier dans les montagnes : ils ont construit leurs tours. On trouve encore aux pieds de celles-ci, leurs maisons, et à côté, leurs tombeaux.
En outre, la déportation des Ingouches dans le nord du Kazakhstan en 1944 a également marqué ce peuple de manière profonde. Et bien que d’autres peuples aient, eux aussi, été accusés de collaboration avec les nazis, certains estiment que les Ingouches ont particulièrement souffert, étant donné qu’après la réhabilitation, en 1957, leurs terres se sont retrouvées partiellement occupées par les Ossètes. Le conflit sanglant de 1992 entre ces deux peuples a contraint les Ingouches, déjà peu nombreux, à quitter leur terre natale.
« Presque chaque Ingouche a de la famille à Moscou. Une grande diaspora existe à Magadan [Extrême-Orient russe] : sous le pouvoir soviétique et dans les années 1990, les représentants de nos peuples ont été orpailleurs et ouvriers dans la transformation du bois. De nombreux Ingouches travaillent dans le nord de la Russie, notamment dans l’extraction de pétrole », raconte Khassan Nalguiev, entrepreneur et fondateur de la fondation caritative Techam.
Il y a actuellement dans le monde environ 700 000 Ingouches, dont 375 000 habitent en Ingouchie. Il n’existe pas de données officielles sur le nombre d’Ingouches vivant dans les pays européens, mais les autochtones affirment que la Belgique est devenue l’une de leurs destinations favorites. La plus grande diaspora étrangère habite en Turquie : 85 000 personnes.
« Les Ingouches continuent de partir. Ils y sont contraint en raison d’un taux de chômage élevé [plus de 30%, le taux le plus élevé de Russie, ndrl) et des salaires faibles », indique Ramzan Tsourov, écrivain, auteur de l’hymne d’Ingouchie et guide dans le district de Djeïrakh.
« C’est aussi une question de caractère : nous n’avons pas le sens des affaires, comme les Arméniens ou les Azerbaïdjanais. Nous ne sommes pas des artisans non plus… Ce que nous savons faire, c’est l’agriculture », souligne-t-il en ajoutant que les Ingouches ont été le plus souvent assez pauvres et qu’ils se donnaient toujours un coup de main.
« Les familles sont nombreuses, nous avons beaucoup de parents qui se soutiennent mutuellement. Ainsi, les Ingouches, comme nombre de Caucasiens, aiment les grandes maisons. Demandez-moi de choisir entre des vacances en Thaïlande et un nouveau portail et je préfèrerai le portail. La maison peut être construite par toute la famille, du plus jeune au plus vieux, et ce pendant des années. Sans cette solidarité, on n’aurait pas survécu », précise encore Ramzan Tsourov, ajoutant que la déportation opérée sous Staline avait grandement éprouvé le peuple ingouche.
« De nombreux Ingouches n’y ont pas survécu et ceux qui sont rentrés sont devenus autres. On avait même une triste blague sur une demande adressée au Kremlin par une délégation ingouche : deux boiteux et un manchot. En un mot, le peuple a perdu sa beauté dans la répression. Aujourd’hui, nous voyons naître de nouvelles générations qui ne portent plus cette +empreinte de la douleur+, heureusement », note-t-il.
L’Ingouchie fonde de grands espoirs touristiques sur le district de Djeïrakh. Une station de ski, Armkhi, et une dizaines d’hôtels ont été construits récemment dans la république. Le nombre de touristes augmente d’année en année : depuis début 2016, l’Ingouchie a accueilli 39 400 personnes, soit 24% de plus que l’année dernière. Seulement, les employeurs ont du mal à trouver du personnel.
« Nos hommes n’aiment pas et ne savent pas travailler dans le secteur des services, poursuit Ramzan Tsourov. C’est une question de principe. Nous n’en avons pas l’habitude. Être chauffeur, gardien ou guide, c’est normal, mais garçon de café, ça manque de prestige. Dans nos restaurants et nos hôtels, les serveuses sont le plus souvent des Ossètes, les cuisiniers des Azerbaïdjanais. Il arrive qu’un Ingouche soit au chômage, mais qu’il refuse un tel emploi ».
Ramzan Tsourov évoque un autre trait des Ingouches, qui leur a permis de créer un grand patrimoine historique, les tours de clan.
« Le trait particulier de notre caractère est +de n’être en rien pires que les autres+. Par exemple, si mon voisin construit une maison dotée d’un joli portail, je dois en avoir un aussi. C’est la même chose pour les tours de clan. C’était très difficile de transporter les pierres dans les montagnes. Mais chaque clan possédait sa tour, personne n’a renoncé à en construire une », explique-t-il.
L’Ingouchie est la plus petite république du Caucase du Nord avec une superficie de seulement 3 685 km2. Son chef-lieu, Magas, est le plus jeune chef-lieu de Russie, car ce n’est qu’en 2000 qu’il est devenu le centre de la république. Comme la majorité des peuples nord-caucasiens, les Ingouches sont musulmans. Traduit de la langue nationale, Ingouches veut dire « gens des tours ».
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