Pourquoi la rhétorique diplomatique devient-elle de plus en plus violente ?
Alexeï IorchSuite à son opération en Syrie, où la Russie soutient le gouvernement du président Bachar el-Assad dans sa lutte contre les islamistes, Moscou est parfois accusé par l’Occident dans des termes que les pays ne se permettaient même pas pendant les pires années de la guerre froide.
Il est vrai que la direction soviétique parlait de « bombardements barbares » pour qualifier les raids américains au Vietnam, mais l’opération était alors vivement critiquée aux Etats-Unis également. Et surtout, personne n’employait à tort et à travers, pour le galvauder complètement, un terme aussi sérieux que « crime de guerre ».
Les attaques diplomatiques sont devenues aujourd’hui monnaie courante. Même parmi ceux qui semblent être des partenaires, sans guillemets. Ainsi, l’ex-président français Nicolas Sarkozy a un jour remarqué à propos de la chancelière allemande Angela Merkel : tantôt elle dit suivre un régime, tantôt elle « redemande du fromage ». Angela Merkel a pour sa part comparé Nicolas Sarkozy à Mr Bean. Quant à l’ancien premier ministre italien Silvio Berlusconi, il est en froid avec la moitié des leaders de l’UE.
Aujourd’hui, le leadership dans les évaluations critiques appartient au président philippin Rodrigo Duterte. Lequel n'a pas hésité à traiter Barack Obama de « fils de pute ». Qui a recommandé à certains « d’aller en enfer » et à l’Union européenne « d’aller se faire voir ». Même le pape y est passé. « Le pape, fils de pute, rentre chez toi. Ne viens plus en visite », a-t-il déclaré.
De telles « sorties » de politiques, surtout de la part de leaders affichant un style populiste, sont rapidement reprises par la presse, faisant monter en flèche la cote de popularité de ces dirigeants « forts en gueule », même si les relations avec les autres pays en prennent un coup.
La politique moderne est aujourd’hui dépendante des médias. Et ces « liaisons dangereuses » entre les médias et la politique ont débouché sur la création de mythologies auxquelles ni les politiques, ni la presse ne peuvent échapper.Et de ce fait, force est de constater que les éditions politiques occidentales, engagées sur la voie de la « diabolisation de Poutine », ont affiché en couverture des « représentations » de Vladimir Poutine qu’il est difficile de qualifier autrement que d’insultantes.
Même la propagande soviétique de l’époque de la guerre froide ne tombait pas aussi bas. Et aucun « rappel à l’ordre » de la part de la classe politique ! En un mot, liberté d’expression. Or, une telle « liberté » favorise la dégradation ultérieure des relations.
D’ailleurs, Vladimir Poutine a récemment remis à sa place un présentateur de la télévision russe qui a promis sur un ton pathétique de transformer les Etats-Unis en « cendres radioactives ».
Dans le monde entier, la politique devient un spectacle pour un public déboussolé, un show destiné à maintenir la cote de popularité de leaders incapables de voir plus loin que le bout de leur mandat actuel. Personne ne réfléchit aux conséquences à long terme.
Comment la nouvelle administration américaine d’Hillary Clinton, si elle arrive au pouvoir, parlera-t-elle à Vladimir Poutine après tout ce qui a été dit à son encontre dans le feu de la campagne électorale ? Comment avoir des négociations sérieuses, notamment sur le règlement en Syrie, après que le partenaire russe de ces discussions eut été qualifié de « barbare » qui commet des « crimes de guerre » ? Après que le ministre français des Affaires étrangères eut appelé à traduire la direction russe en justice et agité la menace d'une saisine de la Cour pénale internationale ? Ce sacrifice sur l’autel des médias ne dépasse-t-il pas les bornes ?
Quand c’est le leader d’un pays « paria » (comme la Corée du Nord) qui se permet des propos orduriers, c’est une chose. Mais quand ce langage est adopté par des puissances dont dépendent dans une grande mesure les destinées du monde, on risque de se retrouver sur le seuil de la guerre. Et de glisser peu à peu vers des mœurs moyenâgeuses, quand les guerres commençaient souvent sur un coup de tête, à cause d’ambitions royales frustrées.
Il est évident que n’importe quelle guerre « est très regardée » dans les journaux télévisés et fait monter la cote de popularité. Mais les spectateurs redoutent plus que tout une chose : se retrouver de l’autre côté de l’écran.
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