Un jour, des extraterrestres tomberont sur des traces de l'humanité : un anthropologue alien s’intéressera aux rituels d'accouplement de cette race disparue, étudiera le cérémonial de la drague, les petits mots passés par des collégiens aux mains moites, la poésie de comptoir et les SMS hésitants... Les grands esprits de cette race extraterrestre se rassembleront alors autour de lui, écouteront ses conclusions et diront : « Ils faisaient quoi ?! »
Il n’est pas nécessaire d’attendre la fin de l’humanité pour regarder en face les absurdités liées au flirt : étiquette des textos, règles des trois jours, feindre l’indifférence, attitude de paon, rôles de genre, etc. Et ces bizarreries changent en fonction de la culture dans laquelle on se trouve ; chacun à ses propres coutumes et la Russie ne fait pas exception - l'une des particularités les plus importantes étant la façon dont l'argent est géré lors des rendez-vous.
Le portefeuille d’une femme est son portefeuille à elle, mais le portefeuille d’un homme est un portefeuille partagé.
C'est étrange pour moi, en tant qu'Américain, car cela pourrait sous-entendre lors d’un rendez-vous que :
1. J'achète quelque chose : toi.
2. Je ne pense pas que tu puisses te permettre de payer.
3. J'essaie de muscler ma virilité avec de l'argent.
Alors qu'en Russie, ne pas payer peut vouloir dire :
1. Je ne t’apprécie pas.
2. Je veux juste être ami.
3. Je suis pauvre et je ne peux pas prendre soin d’une famille.
Ou, dans les deux pays - et c'est important - payer ou ne pas payer peut aussi ne rien signifier du tout. Ma petite amie russe et moi partagions tout, y compris la nourriture et le loyer. Avant elle, je n'avais eu que quelques premiers rendez-vous avec des femmes. Et pour la plupart, nous avons partagé la facture...
...ce qui pourrait expliquer pourquoi il n'y a pas eu de deuxième rendez-vous.
Alors, pourquoi s’attend-on à ce qu’un homme paie l’addition lors d’un rendez-vous en Russie ?
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Je n'aime pas l'idée de base selon laquelle les hommes qui paient des femmes en Russie « achèteraient » du sexe. C'est bien sûr la première idée qui vient à l'esprit de chacun mais elle est fausse. J'ai demandé à une de mes collègues, Nadia :
- Penses-tu que la plupart des femmes russes estiment qu'un homme devrait payer ?
- La majorité d'entre elles pensent toujours comme ça, mais la mentalité change dans les grandes villes, cela dépend de la mentalité de la femme, a-t-elle déclaré.
- S'agit-il d'attentes envers les hommes, comme si c’étaient des vaches à lait ?
- Non, non, c’est plus lié aux attentes concernant les femmes. En Russie, le salaire d’une femme est inférieur à celui d’un homme. Passe encore, mais en plus, la femme subit des pressions sociales pour qu’elle soit belle et soignée, ce qui n’est pas bon marché. Une partie de ce salaire plus modeste est utilisé pour « paraître », alors on devrait s'attendre à ce qu'un homme paie lors du premier rendez-vous.
Je pensais à la dernière fois que j'avais dépensé de l'argent pour mon look. J'avais acheté un coupe-ongles pour 30 roubles (moins d’un demi-euro) ; je me suis fait une coupe de cheveux à un moment donné au cours des six derniers mois.
- Donc, fondamentalement, ai-je demandé, la mentalité d'une femme russe qui va à un rendez-vous pourrait raisonnablement être : « Si je dois dépenser tout ce p*tain d’argent pour être belle, toi tu vas payer pour le privilège de me regarder et d'être vu avec moi ».
- Exactement.
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Afin de rassembler les deux côtés de l’équation, j’ai également demandé à certains hommes comment ils se sentaient face à cette situation. Et il s’avère que les femmes russes ne sont pas les seules à avoir ce genre d’attentes. Nikita, un designer de Saint-Pétersbourg, m’a dit :
« La seule situation dans laquelle j’ai été confronté à une femme qui pensait que je devais payer pour elle, c’était une dame anglaise. Ce n'était pas un rendez-vous. Nous avons demandé au barman de reprendre notre verre, j'ai sorti mon portefeuille et je l'ai regardée. Elle me fixait juste en souriant. Je me sentais mal à l'aise et j’ai payé les boissons. Après avoir fini, elle m’a demandé si nous allions rester pour un autre verre. J’ai accepté. Elle a demandé du vin rouge et m'a regardé à nouveau. Ses yeux disaient : "Allez, commande…" Donc, je l'ai fait. Quelque chose en moi me pousse à payer pour une personne. Pour prendre soin, pour montrer que je peux. C’est bête, mais dans mon cas ça ne cause aucun tort. Je n’insiste jamais, et les femmes ne pensent jamais que je dois le faire ».
Dans certains endroits, comme la Russie, la réaction culturelle « intestinale » est forte, mais pas omniprésente non plus.
D'autres personnes à qui j'ai parlé ont formulé des critiques plus sévères à l'égard de cette situation, affirmant que cette perspective était omniprésente car la Russie est toujours un patriarcat, considérant la femme comme un être incapable de subvenir à ses besoins.
Iara, une de mes amies, a déclaré : « Ces adolescents regardent les adultes jouer à ce jeu, en essayant de montrer qu'ils pourront subvenir aux besoins d'une famille à l'avenir, mais ce ne sont que des enfants ! Du coup le geste n'a pas de sens pour les jeunes, ce n’est qu’une tradition et de la pression pour le sexe. Je pense que cela devrait changer, il faudrait apprendre aux filles à être fortes et indépendantes ».
Le problème ici est que payer ou partager l’addition est une action murement réfléchie. Cela dit quelque chose de vous. Une femme à qui j'en ai parlé a dit qu'elle proposerait de partager la note comme un signe que le rendez-vous ne se passe pas bien. Une autre propose de payer parce qu'elle veut qu'on sache qu'elle est indépendante et que tout ce qui se passe après le dîner est son choix libre et indépendant.
« Ce n’est pas parce qu’il peut acheter une assiette de spaghettis qu’il sait comment élever des enfants ou subvenir aux besoins de sa famille », ajoute-t-elle.
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C'est l'une des réponses les plus communément acceptées lorsque, notamment en Russie, on demande aux femmes pourquoi les hommes devaient payer lors de rendez-vous.
Personnellement, je n’adhère pas à cette approche. Partout où j'ai été dans le monde, j'ai toujours demandé à partager l’addition, ou nous payions à tour de rôle. De nos jours, beaucoup, sinon la plupart des premiers rendez-vous, en Russie ou ailleurs, ne constituent pas un « entretien d'embauche » pour trouver le partenaire de toute une vie. S’attendre à ce qu'un homme paye pour prouver qu'il peut soutenir sa famille équivaudrait à demander à une femme de se lever et de tourner sur elle-même pour s'assurer qu'elle a de bonnes hanches pour porter un bébé.
Si un homme veut payer pour montrer son plaisir d'avoir le privilège de passer du temps avec une belle femme, pas de souci. Mais la logique de nombreuses réponses du type : « Il a besoin de montrer qu'il peut nourrir une famille » s'effrite assez rapidement sous le poids des attentes modernes.
Mais qu'est-ce que j’en sais après tout... Peut-être que je me fourre le doigt dans l’œil, peut-être que dans la présentation PDF de ce scientifique extraterrestre, il y aura une diapositive spéciale sur moi qui dira :
« Benjamin Davis : spécimen de premier plan de ce qu’on appelle un vieux garçon - ils ont été bannis du bassin de reproduction général et sont morts asservis à des formes de vie appelées "chats". Nous ne savons toujours pas avec certitude si les chats étaient la véritable forme dominante de la vie sur Terre et demandons un financement supplémentaire pour recueillir de nouvelles preuves ».
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Autres réponses :
« Je pense que c’est peut-être été différent pour vous qui êtes à Saint-Pétersbourg, car c'est un peu différent des autres grandes villes russes. Beaucoup d'âmes d'artistes et pas autant de chercheuses d’or ».
Konstantin
« C’est le devoir de celui qui a le plus de ressources. En Russie, les hommes ont beaucoup de privilèges. En outre, la plupart du temps, ils ne comprennent pas la valeur des femmes en tant que personnes et recherchent des services domestiques et sexuels gratuits pour l'avenir. Alors oui, l'homme russe doit payer, sinon il voit le rendez-vous comme un service gratuit. Je me trompe peut-être, mais quand j'ai discuté de ce sujet avec les Russes, ils étaient d’accord, en particulier pour les femmes qui recherchent une rencontre de type « fwb » (friends with benefits, amis avec avantages) à court terme ».
Maria
Benjamin Davis est un journaliste américain, auteur de The King of Fu, vivant à Saint-Pétersbourg, en Russie, où il a passé une année à travailler avec l’artiste Nikita Klimov sur leur projet Flash-365. À présent, il rédige principalement des micronouvelles magico-réalistes au sujet de la culture russe, des mésaventures autodévalorisantes et des babouchkas, en partageant ses exploits par le biais de l’application Telegram.
Dans cette vidéo signée Russia Beyond, découvrez le portrait de couples mixtes, entre un(e) Russe et un(e) étranger(e) ainsi que leur témoignage.
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