Sur la table de ce café, il y a des couverts, des verres à martini et des serviettes. Et aussi, alignés, cinq revolvers. Pendant deux ans et demi, une fois toutes les deux semaines, les résidents de Perm (1 442 km de Moscou) jouent à une nouvelle forme de « roulette russe ». Les règles de base sont les mêmes que dans le jeu classique. Dans le tambour vide du revolver, on place la cartouche, après quoi on le fait tourner. Ensuite, les joueurs se relaient et se mettent le pistolet sur la tempe en appuyant sur la gâchette.
L'auteur de l'idée du jeu et maître ès sport de combats Valeri Echtchenko a créé des cartouches qui provoquent une décharge électrique. Comme il le confie, les coups des balles électriques sont désagréables. Lors de l'impact on ressent un picotement aigu, et les muscles commencent à se contracter. La tâche des joueurs est de ne pas montrer qu'ils sont touchés si jamais ils n'ont pas eu de chance. Le gagnant sera soit le joueur le plus patient, soit le plus chanceux.
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Une forte tension est ressentie non seulement dans les revolvers, mais dans toute la salle. Pendant le jeu, les noms et les pseudonymes sont interdits, chaque participant reçoit un numéro. Lors de la première étape, tout le monde tire sur la nuque du joueur debout devant lui. Dans les revolvers il y a deux « munitions » et quatre cartouches vides. Après avoir compté « trois, deux, un » les clics résonnent de manière synchrone.
Tout le monde est vivant, déclare le avec joie le maître de cérémonie. Les tambours tournent à nouveau, nouveau compte à rebours, nouveaux clics. Et ce cinq fois, jusqu'à ce que l'un des cous se torde. Il s'avère que le perdant a en fait été malchanceux lors des quatre coups précédents, et qu'à chaque fois il a été « tué » par la munition.
Selon le joueur de roulette russe à huit reprises Yakov Kharissov, le moment le plus difficile dans le jeu n'est pas le tir en lui-même, mais le compte à rebours.
« À ce moment, l'adrénaline coule dans le sang, et vous vous demandez s'il y aura un accident vasculaire cérébral ou non. Vous pensez à la façon de vous contrôler. Parfois, les nerfs lâchent, et le tir à blanc vous fout e l'air encore plus qu'un vrai », indique Kharissov, partageant ses impressions.
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Le créateur de la nouvelle « roulette russe », Valeri Echtchenko, estime que le participant après un coup éprouve un petit choc, mais qu’ensuite il est submergé par une vague de bonheur.
« Après le jeu, le sentiment est comme après une course de dix kilomètres. Vous êtes complètement épuisé, mais vous êtes fier de chaque +blessure cachée+. Notre roulette russe est presque un jeu sportif », dit-il.
Valery Echtchenko a connu une longue paralysie et le coma. Après cela, il n'a pas pu trouver d’entraîneur pour continuer à faire des combats.
« En fait, plus personne n'avait besoin de moi. Une fois je suis tombé à terre, et je suis resté couché là pendant deux heures, jusqu'à ce qu'ils me soulèvent », se rappelle le créateur de la nouvelle « roulette russe ».
Selon lui, c'est l'électrochoc qui l'a aidé à se débarrasser de la paralysie. Il est vrai que ses doigts et ses orteils bougent encore mal, et la voix est constamment sifflante, comme lors d'une angine - telles sont les conséquences du coma.
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« J'ai d'abord demandé à des amis de me mettre des coups d'électrochoc. Ensuite j'ai pu appuyer sur les boutons. Tous les muscles ont progressivement repris vie. J'avais l'impression d'avoir mal, mais il y avait d'autres sensations - un choc est un bon remontant. J'ai commencé à réfléchir à la façon de faire +trembler+ d'autres personnes au hasard », dit Echtchenko.
Enfin, l'idée du jeu s'est formée chez Valeri lors de la projection du film Treize, dans lequel le personnage principal voulait devenir riche en jouant à la « roulette russe ». L'ancien sportif a commencé à faire des paris chez les bookmakers. Avec l'argent gagné, il a créé avec un ami ingénieur les premiers revolvers et breveté le développement.
« Ce n'est pas une arme pneumatique, ni un pistolet ou un shocker électrique, car il produit un courant de seulement 0,1 à 0,3 volts. Nos armes ne sont qu'un jouet pour les adultes », explique Echtchenko.
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Le premier match a eu lieu six mois plus tard dans la salle de gym locale, avant de se déplacer dans un café. En règle générale, environ 20 personnes y participent. Le coût de la participation est de 8 dollars, l'entrée est gratuite pour les spectateurs.
Echtchenko gagne principalement sur la vente de revolvers : « Un revolver coûte 650 dollars. Les gens achètent et jouent dans d'autres villes de Russie - Voronej, Irkoutsk, Noïabrsk et Moscou. Je fais attention à ne pas violer les règles. J'ai également émis un brevet sur le jeu, et donc je peux l'interdire à tout moment ».
Le prix pour la première place est un compte en bourse et les cadeaux des sponsors. Vous ne pouvez pas jouer avec de l'argent, car le jeu est interdit en Russie. L'organisateur prévoit d'ouvrir son émission de télévision basée sur le jeu et de le transformer en jeu de hasard sous licence.
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À ce moment-là, la fille portant le numéro dix pousse un cri après la décharge.
Ekaterina Abyzova affirme qu'il est plus difficile de supporter les coups dans la région de l'artère carotide, car les muscles se contractent brusquement. Selon elle, il est plus facile de « cacher » les coups sur la main et le front.
« Je suis étonnée par mon manque de chance - à chaque fois c'est une vraie cartouche, et vous ne pouvez rien faire. Rester debout et endurer. La vraie roulette russe, je ne pourrais certainement pas y jouer », indique Abyzov.
Yakov Kharissov supporte les frappes beaucoup plus facilement. Selon lui, après avoir quitté le sport, l'adrénaline lui manquait. Pour lui, la participation au jeu - c'est le désir de gagner, de « se sentir mieux que les autres ».
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Psychologue, conflictologue et chef du Centre pour le règlement des conflits sociaux, Oleg Ivanov estime que la nouvelle « roulette russe » n'est rien de plus qu'une « manière à la mode de se chatouiller les nerfs ».
« Pour beaucoup de gens, la peur est devenue un moyen de gérer le stress. La même chose peut expliquer le désir ardent pour des +quêtes d'horreur+ : une attaque mise en scène de zombies, de fantômes, de démons maléfiques. Il y a beaucoup de divertissements de ce genre », dit Ivanov.
La psychologue Ekaterina Fedorova est d'un autre avis. Selon elle, le désir de participer à un tel jeu peut être causé par un complexe masochiste.
« Le mécanisme du complexe est simple : le corps réagit à la douleur physique en produisant de l'endorphine, une hormone du bonheur. Au niveau inconscient, la douleur est renforcée par une euphorie ultérieure. En fait, c'est de l'auto-drogue », a commenté Fedorova.
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À son avis, le désir de causer de la douleur n'est pas un signe de trouble mental et ne peut pas mener à des pensées suicidaires. « Cependant, la personne n'est pas satisfaite de quelque chose dans sa vie vu qu'elle recourt à une telle dope », ajoute la psychologue.
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