Les premières démarches du président français – sa visite de travail à Berlin le 15 mai et la formation du cabinet – permettent d’évaluer si ses promesses ambitieuses au sujet de la refondation de l’UE sont réalistes, ainsi que de se faire une idée de sa politique étrangère.
Emmanuel Macron s’est rendu à Berlin dès le lendemain de son investiture. Lors de leur rencontre, le président français et la chancelière allemande ont constaté de nombreuses « convergences » au sujet de la nécessité de transformer l’UE. Les deux leaders se proposent notamment de « créer une nouvelle dynamique » dans le couple franco-allemand qui est au cœur du projet européen durant l’après-guerre.
Dans ce contexte, il est intéressant de revenir sur les nominations d’Emmanuel Macron. Le chef de son cabinet est l’ancien maire du Havre, Édouard Philippe, qui – et la plupart des médias tiennent à le souligner – parle couramment allemand. Philippe Étienne, conseiller de l’ambassadeur de France à Moscou puis ambassadeur de France en Allemagne, a été nommé conseiller diplomatique à l'Élysée.
Spécialiste de l’histoire et de la politique étrangère de la France à l’Institut des relations internationales de Moscou, Evguenia Obitchkina a déclaré à RBTH que Moscou avait espéré jusqu’au bout que Philippe Étienne serait nommé ambassadeur de France en Russie, ce qui aurait permis de s’attendre à une amélioration des relations bilatérales.
Crédit : Reuters
Le poste de ministre de l’Europe et des Affaires étrangères a été confié à Jean-Yves Le Drian, le seul poids lourd politique issu de l'équipe précédente de François Hollande. Cette mutation de l’ancien ministre de la Défense traduit le souhait de Paris de développer la dimension militaire de l’UE, une aspiration de longue date de la France, rappelle Iouri Roubinski, directeur du Centre des études françaises à l’Institut de l’Europe de l’Académie russe des sciences.
Les experts sont unanimes à estimer que vis-à-vis de la Russie, le nouveau cabinet appliquera les directives annoncées par Emmanuel Macron au cours de la campagne électorale. Ainsi, le nouveau président français préconise la coopération avec la Russie sur les grandes questions de sécurité, comme le dossier syrien ou la crise en Ukraine. Toutefois, il a souligné qu’il n’avait pas l’intention de tomber sous les charmes de la Russie. Les experts affirment que la politique menée vis-à-vis de Moscou restera la même que sous François Hollande.
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Certains experts, notamment le politologue Andreï Souzdaltsev de la Haute école d’économie (Moscou), pensent que l’UE sera réformée conformément aux souhaits de Berlin. Mais selon d’autres, comme Vladislav Belov, directeur du Centre des études allemandes à l’Institut de l’Europe, rien n’indique aujourd’hui qu’Emmanuel Macron ait l’intention « de se laisser faire ».
« Il est venu (à Berlin) non pour s’incliner, mais pour montrer sa force à un partenaire fort… Que la France s’efface devant l’Allemagne, c’est à exclure », a-t-il affirmé, rappelant le rôle de la mentalité française basée sur l’opposition traditionnelle de Paris à Berlin par le passé.
Autre fait important : Emmanuel Macron est un concurrent politique d’Angela Merkel. « Emmanuel Macron essaie aujourd’hui de se placer sur le même plan qu’Angela Merkel, celui de leader de l’idée européenne et des réformes européennes », a fait remarquer Vladislav Belov.
Evguenia Obitchkina abonde dans ce sens. Même si Emmanuel Macron renforce le tandem franco-allemand, il cherchera, en s’efforçant de renforcer les positions de Paris, à donner un nouveau format à ces relations, a-t-elle noté.
Les experts sont d’accord : quels que soient les résultats des prochaines élections législatives, de juin en France et de septembre en Allemagne, le projet d’intégration européenne, même après le Brexit, continuera de se développer. Pour ce qui est de l’Allemagne, Berlin « est condamné à l’intégration », a indiqué Vladislav Belov.
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Selon lui, Paris et Berlin soumettront le projet européen à « un audit attentif » afin de corriger tous les « débordements bureaucratiques ». L’UE avancera en direction d’une confédération, tandis que « les tentatives de renforcement du niveau supranational seront très prudentes ». « C’est d’ailleurs l’objectif que la France se fixe depuis toujours : approfondir les mécanismes d’intégration en qualité et non les accroître en quantité ».
Les opinions sur la réaction de la Russie à ce scénario sont partagées. Le premier avis, soutenu à plusieurs reprises en public par le président Vladimir Poutine, est qu’il est avantageux pour la Russie d’avoir affaire à une UE forte. « Plus forts sont nos partenaires, plus fiable sera le développement de nos relations économiques », a fait observer Vladislav Belov.
La seconde vue est diamétralement opposée, rappelle Andreï Souzdaltsev. Moscou souhaite la désagrégation de l’UE et la poursuite de la « série » des Brexit. En effet, l’UE fait face à la Russie et maintient les sanctions contre Moscou. Dans ce contexte, la Russie doit soutenir les eurosceptiques en Europe, pour créer un contrepoids aux euro-enthousiastes.
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