Mikhaïl Gorbatchev.
ReutersLa situation était alors difficile, contradictoire et globalement inquiétante. […] L’ambiance générale était alarmante : les navires américains cherchaient à « s’installer » dans nos eaux territoriales, les États-Unis réalisaient des essais nucléaires, provoquaient des scandales d’espionnage, etc. […] Je pensais qu’il ne fallait pas laisser les négociations se transformer en écran de fumée sans aucune avancée sérieuse, d’autant que la course aux armements nucléaires battait son plein. Aussi, j’ai proposé une rencontre avec le président américain pour faire avancer les négociations. Une fois que nous avons convenu d’une rencontre, nous avons lancé la préparation. Nous devions arriver Reykjavik avec des propositions constructives.
Nous avons d’accord proposé un schéma clair et précis : réduire tous les éléments de la triade des armements stratégiques de 50%. Nous étions notamment prêts à accepter une réduction de 50% des missiles terrestres lourds et une suppression complète des missiles de portée courte et intermédiaire. Par ailleurs, nous avions une position ferme : il fallait éviter le déclenchement d’une course aux armements dans l’espace et dans le domaine de la défense antimissile.
Le président [Ronald Reagan] était quelque peu déconcerté. […] Le président voulait poursuivre le programme IDS [Initiative de défense stratégique, qui impliquait le déploiement d’armements dans l’espace] et, qui plus est, obtenir notre accord pour le déploiement d’un système de défense antimissile global. Je ne pouvais l’accepter.
[…] Premièrement, nous sommes parvenus à trouver un accord sur de nombreuses questions. Deuxièmement, nous avons parlé de l’avenir, de la perspective d’un monde sans armes nucléaires.
J’appréciais le fait que, dans nos discussions, le président Reagan parle résolument et, je pense, sincèrement de la nécessité de libérer le monde des armes de destruction massive, de tous types d’armes nucléaires. Nous avons trouvé un terrain d’entente.
Oui, les relations entre la Russie et les États-Unis sont parcourues par des tensions, elles se sont détériorées. Il y a eu un effondrement de la confiance mutuelle. J’ai exprimé mon avis à maintes reprises : il faut reprendre les négociations sur l’ensemble des questions, sans se limiter aux dossiers régionaux. Et surtout, il faut reprendre les discussions sur le problème nucléaire.
[…] Je pense que le monde a atteint une limite dangereuse. Je ne voudrais pas proposer de recettes concrètes, mais je voudrais dire ceci : il faut s’arrêter. Il faut reprendre le dialogue. Sa suspension a été la plus grave erreur. Il faut revenir aux principales priorités : la réduction des armements nucléaires, la lutte contre le terrorisme, la prévention des catastrophes écologiques. Face à ces défis, tout le reste passe au second plan.
Certes, dans les conditions actuelles, il est difficile de parler d’un monde sans armes nucléaires. Il faut le reconnaître honnêtement. Mais il ne faut pas oublier : tant que les armes nucléaires existent, le risque de leur utilisation existe aussi. Notamment, par accident, par défaillance technique ou par la mauvaise volonté humaine – celle d’un fou ou d’un terroriste. On peut aisément imaginer les conséquences. Par ailleurs, l’accord sur la non-prolifération des armes nucléaires oblige nos pays à mener desnégociations sur leur réduction, et ce jusqu’à leur élimination complète. Ainsi, l’objectif d’un monde sans armes nucléaires n’est pas une utopie, mais un impératif. Cependant, il ne peut être atteint que dans un contexte de démilitarisation de la politique et des relations internationales.
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