George H. W. Bush et Mikhaïl Gorbatchev se serrent la main lors du sommet de Malte en 1989. Crédit : Getty Images/Fotobank
« Je ne peux pas encore dire si on assiste actuellement à une nouvelle version de la Guerre froide ou combien de temps elle va durer », a déclaré Sergueï Riabkov, vice-ministre des Affaires étrangères et spécialiste des USA, lors d’une séance parlementaire à la Douma sur le thème « Russie – États-Unis : détérioration temporaire ou nouvelle guerre froide ». « Il faudra néanmoins plusieurs années pour normaliser la situation à cause des sanctions américaines ». Selon lui, « les relations ont commencé à se détériorer bien avant la crise ukrainienne, non pas par la faute de la Russie, mais parce que la volonté d’éloigner les pays de la CEI de la Russie a toujours constitué une des priorités de la politique extérieure de Washington. L’objectif déclaré, consistant à nous obliger de changer de position sur l’Ukraine, n’est en réalité qu’un moyen de former des conditions sociales et économiques favorisant un renversement du pouvoir en Russie ».
Même si cette dernière déclaration démontre bien que Moscou juge agressive la politique actuelle des États-Unis envers la Russie, Riabkov utilise des expressions plus diplomatiques, en évitant le terme dangereux par ses associations de « guerre froide ». Il en va cependant différemment des militaires.
Les experts militaires et les politologues convergent
« La Guerre froide entre la Russie et l’Occident n’est pas terminée », a déclaré le général Iouri Balouïevski, ancien chef d'état-major des forces armées russes lors d’une réunion du club d’experts Analitika. « La Guerre froide a été, est, et se poursuivra. Seules les formes ont changé dans la façon de mener la guerre. Elles sont plus subtiles aujourd’hui », a souligné Balouïevski. D’où les prévisions de conflit militaire.
« Les forces américaines, et de l’Otan en général, sont aujourd’hui « hypnotisées » par la lutte contre la Russie, avant de s’attaquer demain à la Chine. Ils ne voient pas d’autre ennemi. Un conflit militaire avec la Russie est-il possible ? Malheureusement, je pense que oui. Il est possible si plusieurs conditions sont réunies ». Parmi elles, il note « une crise profonde de l’économie russe, l’affaiblissement de la verticale du pouvoir, la hausse des mouvements antinationaux et protestataires dans la société du pays, la détérioration de la capacité au combat des forces armées et, avant tout, des forces polyvalentes, via la perte des capacités d’endiguement des forces nucléaires ».
Les estimations des politologues sont également assez pessimistes.
Les relations entre la Russie et l’Occident sont au plus mal depuis trente ans, estime Sergueï Rogov, directeur de l’institut de l’Académie russe des sciences (RAN) pour les États-Unis et le Canada. « Cette situation pourrait entraîner une guerre froide. Pour le moment, il s’agit davantage d’une paix froide », a-t-il indiqué lors d’une réunion du présidium de l’institut RAN. « Mais une répétition à l’identique de la Guerre froide reste impossible : nous n’avons pas affaire à une opposition entre de deux systèmes, à un camp socialiste. Il n’y a pas de bipolarité ».
Politiciens et fonctionnaires se préparent à des tensions
Les parlementaires évaluent la situation de manière plus univoque. « Aussi triste que cela puisse paraître, nous sommes entrés dans une guerre froide », a déclaré Léonid Kalachnikov, président-adjoint de la commission de la Douma chargée des affaires internationales. Pour lui, la Guerre froide du 20ème siècle découlait de l’opposition idéologique entre les États-Unis et l’URSS. L’idéologie n’est toutefois plus le moteur des antagonismes. Toujours selon Kalachnikov, le problème résulte de différends géopolitiques, de visions divergentes du rôle des États-Unis dans le monde, ainsi que de l’obstination des USA dans le libéralisme, non seulement économique, mais aussi sur les questions liées à la famille et la religion. « Le monde est devenu moins stable qu’au temps de la Guerre froide », juge le député.
Les prévisions du ministère russe des Affaires étrangères ne sont guère plus réconfortantes. La dernière résolution de la Chambre des représentants des États-Unis sur la Russie « est préoccupante » d’après Sergueï Riabkov. « Je n’exclus rien, de nouvelles complications sont possibles. Nous faisons le maximum pour que les relations avec Washington se stabilisent sur des bases rationnelles et solides. Mais malheureusement, la résolution adoptée par la Chambre des représentants démontre une attitude complètement différente de la part des États-Unis », explique le vice-ministre.
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