Église Notre-Dame du Signe de Doubrovitsy et église de la Transfiguration de Kiji
Dmitri Ivanov/Wikimedia Commons; Alexander2018/Wikimedia CommonsRussia Beyond désormais sur Telegram ! Pour recevoir nos articles directement sur votre appareil mobile, abonnez-vous gratuitement sur https://t.me/russiabeyond_fr
L'architecture religieuse a évolué plus rapidement que toute autre. Les églises ont été les premiers bâtiments en pierre dans de nombreuses villes, tandis que les autres édifices étaient encore en bois. Il n'est ainsi pas étonnant que ce soient elles qui aient survécu jusqu'à ce jour. Il est de cette manière possible de voyager dans le temps à travers ces lieux de culte et d’y retracer l'histoire de la Russie.
Aujourd'hui, il existe sur le territoire de la Russie plusieurs églises orthodoxes ayant été construites avant même le baptême du pays en 988. Par exemple, dans le Caucase, se trouve l’église de Nijni Arkhyz, en République de Karatchaïévo-Tcherkessie, un véritable monument archéologique de l'ancien État d’Alanie. Ce temple a été construit au Xe siècle en grès, ce qui est tout à fait inhabituel dans les régions centrales de la Russie.
Un autre exemple de l'ère préchrétienne est l'église Saint-Jean-Baptiste à Kertch (Crimée), qui est aujourd'hui considérée comme la plus ancienne ville de Russie. Cette basilique a été érigée au Xe siècle, à l'époque où l'Empire byzantin régnait sur la péninsule.
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La Russie médiévale a beaucoup souffert de l'invasion tataro-mongole. Ces nomades non-chrétiens ont impitoyablement brûlé et détruit les églises et prélevé un tribut sur les principautés russes pendant deux siècles. Peu d'exemples d'églises pré-mongoles des XI-XVe siècles ont par conséquent survécu. Elles se situent principalement dans les régions où les envahisseurs ne sont pas parvenus et beaucoup ont été construites selon des modèles byzantins. Ce sont des églises croisées à coupole, ce qui signifie qu’elles sont conçues de telle sorte que leurs fondations forment une croix, et qu’au-dessus de leur centre culmine une coupole.
L'une des plus anciennes églises de la Rus’ médiévale est la cathédrale Sainte-Sophie à Novgorod, érigée en 1045-1050.
D'ailleurs, ce n’est que plus tard que les murs de nombreuses cathédrales ont commencé à être blanchis à la chaux, alors qu’autrefois ils ressemblaient à peu près à l'église Saints-Pierre-et-Paul-sur-Gorodianka, à Smolensk, datant de 1146.
Les Tataro-Mongols n'ont pas non plus atteint Pskov, c'est pourquoi plusieurs églises des XIIe et XIIIe siècles y sont conservées et ont été inscrites sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO. C’est le cas de la cathédrale Saint-Jean-Baptiste, construite en 1240. La particularité de l'école de Pskov est la structure « trapue » des bâtiments et leur décoration extérieure des plus modestes.
Jusqu'au XVe siècle, la Russie était divisée de manière féodale – les régions se sont développées sous forme de principautés à part entière, l'une des plus puissantes et des plus influentes étant celle de Vladimir-Souzdal, qui a ultérieurement unifié toute la Rus’ du Nord-Est. L'un des plus anciens temples de cette principauté était la cathédrale croisée à coupole de la Transfiguration, à Pereslavl-Zalesski, construite en 1152.
La cathédrale de l'Assomption, à Vladimir, bâtie en 1158, arbore déjà une forme architecturale très complexe. Elle possède de riches ornements et est peinte de fresques, œuvres de l’illustre Andreï Roublev. Elle a été incendiée et pillée à plusieurs reprises par les Tataro-Mongols, mais son aspect général a été préservé.
Enfin, le plus ancien lieu de culte préservé de Moscou est la cathédrale du Sauveur du monastère Andronikov du Sauveur, construite en 1420-1425. Les éléments caractéristiques de l'architecture moscovite en termes de décoration extérieure sont les zakomars et les kokochniks, arches différant les unes des autres par le fait que, contrairement aux seconds, exclusivement ornementaux, les premiers servent de support pour les coupoles et tambours.
À la fin du XVe siècle, les principautés russes fragmentées se sont enfin unifiées et se sont libérées du joug tataro-mongol. Ivan III est ainsi devenu le « rassembleur des terres russes », le premier souverain de l'État russe, dont la capitale a été établie à Moscou. Sous son règne, en 1475-1479, l'architecte italien Aristotile Fioravanti a construit la cathédrale de la Dormition du Kremlin moscovite, et a remplacé ce dernier, jusqu’alors en bois, par une imposante forteresse en pierre, telle que nous la connaissons aujourd’hui.
En 1508, un autre Italien, Alosius le Jeune, a bâti la cathédrale de l’Archange-Saint-Michel au Kremlin de Moscou avec une décoration beaucoup plus ambitieuse, clairement influencée par l'architecture italienne.
L'architecture des églises a alors subi une transformation. L'un des nouveaux éléments à la mode du XVIe siècle a été le toit en chatior. En 1532, la première église en pierre de ce type a été construite – celle de l'Ascension, à Kolomenskoïé.
Quand Ivan le Terrible est arrivé au pouvoir, il s'est déclaré tsar et la Rus’ est devenue un tsarat. L'un des résultats architecturaux les plus célèbres de son règne est la cathédrale Basile-le-Bienheureux, sur la place Rouge, construite en l'honneur de la conquête de Kazan.
Les églises ont continué à être bâties dans le style « ancien », mais le porche haut a commencé à faire de plus en plus souvent son apparition. Par exemple, la cathédrale de Notre-Dame de Smolensk, au couvent moscovite de Novodievitchi, date du milieu du XVIe siècle.
Aussi, en 1559-1585, une nouvelle église richement décorée est sortie de terre dans le principal sanctuaire orthodoxe : la cathédrale de la Dormition de la Laure de la Trinité-Saint-Serge.
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Au début du XVIIe siècle, la Russie est entrée dans une période nommée le Temps des troubles, marquée par l'absence de pouvoir et l'intervention polonaise. Malgré cette instabilité, au milieu du siècle, un nouveau style architectural s'est formé – l’ouzorotché russe. L'élégante église moscovite de la Trinité de Nikitinki, construite en 1628-1651, peut être considérée comme le visage de ce mouvement.
Ce style se caractérise par une abondance de décor, l'église devient un motif peint. L’on y trouve une multitude de petites coupoles au lieu d’une seule grande, ainsi que des chatiors, des kokochniks, des chambranles sculptés, ou encore des faïences multicolores. De tels temples ont été construits non seulement à Moscou, mais dans toute la Russie. L'un des exemples les plus frappants s’avère être l'église de l’Odigitria du monastère Saint-Jean-le-Précurseur à Viazma (années 1630).
Le baroque est ensuite apparu avec l'arrivée au pouvoir de Pierre Ier et l'influence active de l'architecture européenne en Russie. Il se distingue par une riche décoration en stuc, ainsi que par de nombreux éléments sculptés et de dorures. L’église de l’Intercession-de-la-Vierge à Fili, dans la banlieue de Moscou, construite en 1690-1694, s’y apparente.
Toutefois, le baroque religieux russe s’est décliné en des formes des plus variées, jamais vues auparavant. Par exemple, ont vu le jour des rotondes, comme la cathédrale de la Résurrection du monastère de la Nouvelle Jérusalem (fin du XVIIe siècle), situé près d’Istra, dans la région de Moscou.
Ou l'église de la Nativité de la Mère de Dieu à Podmoklovo, plus tardive – 1714-1722 – et encore plus « européenne ».
L’on observe en outre les résultats d’expérimentations assez uniques, comme l'église Notre-Dame du Signe du village de Doubrovitsy (1690-1704), en périphérie de Moscou.
Les experts distinguent de nombreuses variétés de baroque en Russie – chaque souverain et même chaque commanditaire important en possédait sa propre vision. Dans le nord, une variante du baroque, plus sobre, a fait son apparition, dont un exemple frappant est l’église de l'Entrée du Christ à Jérusalem, à Totma (1794).
En parallèle, le « baroque sibérien » s’est développé dans les gouvernorats orientaux reculés, s’inspirant des motifs asiatiques. Un brillant exemple est l’église de l'Élévation-de-la-Croix à Irkoutsk (1747), dotée d’arches flamboyantes.
De nombreuses églises en Russie ont cependant continué à être construites en bois, même au XVIIIe siècle. La plupart d'entre elles n'ont pas survécu jusqu’à nos jours, mais certains exemples uniques ont subsisté, notamment dans le nord de la Russie, à l’instar de la célèbre église de la Transfiguration, sur l'île de Kiji (1694-1714).
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Lassés des églises ajourées et abondamment décorées, les architectes russes se sont par la suite tournés vers le style classique plus sobre, également populaire en Europe. Les églises s’inscrivant dans ce courant apparaissent particulièrement courantes dans la nouvelle capitale impériale, Saint-Pétersbourg. Ainsi, en 1776-1790, la cathédrale de la Trinité de la laure Saint-Alexandre-Nevski a été construite.
La nouvelle cathédrale Notre-Dame-de-Kazan (1801-1811), avec sa colonnade reconnaissable, a également été imaginée dans le style classique.
À la fin du XIXe siècle, la tendance a été au retour aux « racines ». Les architectes (tout comme les peintres) s'intéressaient à la Russie originelle, antérieure à Pierre le Grand, non « gâchée » par l'influence de l'Europe. Après avoir observé les anciens temples du nord-est de la Russie et de Novgorod, ainsi que l’ouzorotché, ils ont donc construit des églises dans un style « néo-russe ». À la mort d'Alexandre II, son fils, l'empereur Alexandre III, a notamment ordonné la construction d'une église et a lui-même choisi un projet de style russe : c’est ainsi qu’est née la cathédrale Saint-Sauveur-sur-le-Sang-Versé, à Saint-Pétersbourg (1883-1907), que certains confondent même avec la cathédrale moscovite Basile-le-Bienheureux, construite quatre siècles auparavant.
Certains architectes, comme Constantin Thon, ont quant à eux privilégié les traditions byzantines. La cathédrale du Christ-Sauveur, à Moscou, en est une bonne illustration. Elle a été bâtie entre 1837 et 1860 mais a été détruite par les Soviétiques dans les années 1930. La réplique moderne des années 1990 est une recréation de la conception originale.
De son côté, l’église de la Sainte-Face de Kliazma (1913-1916) combine le style russe et des éléments de l'Art nouveau.
Pendant l'ère soviétique, plus d'églises ont été démolies que construites. Pourtant, plusieurs projets imaginés avant la révolution ont fini par voir le jour. Dans la Russie moderne, d’innombrables églises sont en cours de construction. Nombre d'entre elles s'inspirent du baroque et du classicisme, tout en les interprétant d'une nouvelle manière. Néanmoins, bien des églises sont également érigées spécifiquement dans le style néo-russe et incorporent des éléments Art déco, comme l’illustre l'église des Nouveaux martyrs et Confesseurs sur la Loubianka, à Moscou, bâtie en 2013-2017.
Dans cet autre article, nous vous présentions les onze églises les plus anciennes de Russie.
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