La réputation de l'auteur de la deuxième révolution russe était (et reste en partie encore) idéale aux yeux de nombreuses personnes : Vladimir Lénine était surnommé le « chef », le « génie visionnaire » et on le qualifiait affectueusement de « grand-père ».
Qui eût alors pensé que son image historique idéalisée était très éloignée de ce que ses parents et ses amis voyaient de lui. Pour être honnête, on dirait prosaïquement aujourd’hui à propos des gens comme Lénine que c’est un « parasite » et un polygame.
« Toute la famille vivait uniquement sur la retraite de notre mère et de ce qui restait après notre père », a écrit la sœur aînée de Lénine, Anna Oulianova, en 1886.
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La famille de Lénine n'a jamais roulé sur l'or. Le père de Lénine est décédé prématurément et la famille nombreuse de six enfants était à la charge de sa mère, Maria Oulianova. Le fait qu’aucun des enfants Oulianov n’ait commencé à travailler avant un âge avancé compliquait grandement la situation. Tous ont choisi une voie révolutionnaire. Il est arrivé que tous les enfants, à l'exception de Vladimir (alors exilé), se soient retrouvés en prison en Russie.
Lénine, lui non plus, n’avait pratiquement aucun revenu et vivait de l’argent de sa mère jusqu’à l’âge de 40 ans. Il a passé 17 ans en émigration, s’installant en Suisse, puis en France et en Allemagne. En Suisse, il a vécu dans une ville d'eau où il se refaisait une santé. « Je vis dans cette station depuis plusieurs jours et je ne me sens pas mal. La vie ici sera très chère. Le traitement coûte encore plus cher, alors j’ai déjà dépassé mon budget... Si tu peux, envoie-moi encore cent roubles », écrit-il à sa mère en juillet 1895.
Trois semaines plus tard, il se rend à Berlin, d'où il envoya à nouveau une dépêche urgente : « À ma grande horreur, je constate que j'ai de nouveau des difficultés financières : la tentation d'acheter des livres, etc. est si grande que l'argent passe je ne sais où (...) Si tu peux, envoie-moi 50-100 roubles ». Sa mère mettait toujours la main au portefeuille pour subvenir aux besoin de son fiston.
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De toute évidence, Maria Oulianova ne pouvait entretenir tous ses enfants avec sa seule pension (même si elle touchait 100 roubles par mois - une somme substantielle pour l'époque). De plus, son fils révolutionnaire et sa compagne et alliée Nadejda Kroupskaïa ne se refusaient rien en émigration, pas même un servant qui venait chez eux tous les jours pendant deux heures. Le couple se rendait souvent au café : Kroupskaïa a elle-même admis qu'elle ne pouvait « cuisiner que de la moutarde ».
En conséquence, la mère de Lénine a vendu le domaine familial et la ferme achetée sur l’héritage de son mari. La plupart des fonds ont servi à éponger les dettes familiales. Avec les sommes restantes, elle a ouvert un compte bancaire et la famille vivait vraisemblablement avec les intérêts. Le « fonds de la famille » était évoqué dans presque toutes les lettres de Lénine à sa mère.
En général, les femmes ne jouaient pas un rôle majeur dans la vie de Lénine et il avait des relations tendues avec ses amis. « Tous ses camarades savaient que Lénine n’était pas comme tout le monde et était généralement un peu toqué », a raconté à son sujet l'historien spécialisé dans la vie de Lénine, Lev Danilkine. « On peut dire qu'il n'avait pas d'amis », résume-t-il.
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Kroupskaïa était le seul compagnon de Lénine, et elle est restée proche de lui toute sa vie. Ils se sont rencontrés lors d'une réunion de marxistes déguisée en dégustation de thé et de crêpes. Après cela, Lénine apparaissait le dimanche lors de déjeuners chez elle, mais il n’a pas cessé dans le même temps de fréquenter d’autres étudiantes.
Quand Kroupskaïa a volontairement suivi Lénine dans son exil, ils se sont mariés. Mais à en juger par ses lettres, leur vie intime a pris fin en Sibérie : « Le soir, nous ne savions pas comment tuer le temps. Nous n'avions aucune envie de rester dans une pièce froide et inconfortable et nous allions au cinéma et au théâtre ».
Aussi étrange que cela puisse paraître, cette situation a rapproché Kroupskaïa et Lénine. Lénine n'a jamais reconnu les désirs sexuels des femmes (bien qu'il ait été l'un des auteurs de la révolution sexuelle). Une fois, il a même déclaré que les femmes ne pouvaient pas aspirer à la libération sexuelle, car elles ne possédaient pas « de connaissances approfondies et variées sur cette question ».
Inessa Armand
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Cela ne l’a toutefois pas empêché de prendre une maîtresse à Paris - la « chaude bolchevique » Inessa Armand. Dans le même temps, il a catégoriquement refusé de quitter Kroupskaïa, sa « femme principale ». Les femmes sont devenues amies et ont rapidement commencé à vivre ensemble. Bien sûr, pas ouvertement. Les camarades marxistes ont seulement remarqué que le trio était passé d'un respectueux « vous » au « tu » - une grande rareté pour Lénine, qui vouvoyait tout le monde.
Le chef des bolcheviks n'a survécu à Inessa que de trois ans. Après sa mort, en 1924, Kroupskaïa a envoyé une demande d’enterrement des restes de son mari avec ceux d’Armand. L'offre a été rejetée.
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