Le jugement de Pougatchev, 1879, musée Russe, Saint-Petersbourg.
Global Look PressLe soulèvement de Pougatchev, commencé à la fin septembre 1773, s’est étendu à de vastes territoires entre la Russie centrale et la Sibérie. D’après certaines estimations, la rébellion aurait touché jusqu’à un million de personnes. Face aux autorités russes de l’époque se dressèrent des individus issus de diverses ethnies, tels des Bachkirs et des Tatars, et d’autres encore, insatisfaits des bouleversements de leurs modes de vie traditionnels. La Russie n’a jamais rien connu de semblable dans son histoire moderne.
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Au pic du soulèvement, les rebelles sont parvenus à réunir une armée de 100 000 hommes, organisée selon les principes militaires classiques, avec des régiments, des commandants et ainsi de suite. Au cœur de la révolte de Pougatchev, ses troupes stationnaient à quelques centaines de kilomètres d’une des capitales russe, Moscou. Les dirigeants ont même envisagé l’idée de marcher sur la capitale, forçant les autorités à installer des canons dans les rues de la ville.
Ainsi le gouvernement de Catherine II fut-il forcé d’accélérer la fin de sa guerre en Turquie afin de redéployer des dizaines de milliers d’hommes, ainsi que ses meilleurs généraux pour écraser la rébellion. L’insurrection de Pougatchev fascina notamment l’un des auteurs majeurs de la littérature russe, Alexandre Pouchkine, qui lui consacra l’intrigue de deux de ses livres.
L’homme qui parvint à secouer les fondations du puissant empire russe était un simple Cosaque du Don, Emelian Pougatchev. Il rejoint l’armée et, à ce qu’on dit, fut un courageux soldat, bien qu’il finît par déserter. Devenu fugitif, il fut capturé par les autorités à plusieurs reprises mais parvint toujours à s’échapper. En septembre 1773, Pougatchev fut impliqué dans cette révolte, qui fut initialement circonscrite à la région des Cosaques de l’Oural.
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Les Cosaques bénéficiaient à l’époque d’un statut particulier au sein de la Russie, relatif à leur obligation de prendre en charge l’organisation du service militaire. Cependant, lors de cette période, quelques-uns de leurs privilèges leur furent supprimés. Irrités par les agissements du gouvernement, certains Cosaques de l’Oural se révoltèrent. Pougatchev, qui avait commencé à se faire passer pour l’empereur Pierre III (tsar qui mourut - ou fut tué - dix ans auparavant) devint la figure de l’unification pour les Cosaques mécontents.
Cette rébellion courut sur plus d’un an. Bien que négligée à ses débuts, l’insurrection a fini par obliger les autorités à déployer d’importantes ressources, ce qui n’a pas empêché sa propagation.
Soulèvement de Pougatchev, Nikolaï Karazine
Domaine publicMalgré la défaite de l’armée de Pougatchev dans à peu près toutes les batailles importantes face aux troupes du gouvernement, la population a massivement rejoint ses rangs dans les régions qu’elle a traversées. Les nouveaux arrivants étaient pour la plupart des paysans.
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Le XVIIIe siècle fut marqué par une dégradation des conditions de vie des paysans en Russie, tandis que le droit servage se renforçait. Selon l’historien spécialiste de la période prérévolutionnaire Vassili Semevski, les paysans ont à l’époque su faire valoir leurs revendications au sein du mouvement de Pougatchev, en exigeant des libertés individuelles et des terres.
Les historiens estiment que le manifeste de Pougatchev de juillet 1773, dans lequel sont rassemblées ses aspirations, symbolise le point culminant de la révolte. Usurpant le nom de l’empereur Pierre III, il déclara l’indépendance des paysans vis-à-vis de leurs propriétaires terriens, proclamant ainsi leur liberté. Ils obtinrent aussi le droit à la propriété des terres qu’ils cultivaient. Il les libéra en outre des impôts et taxes dont ils devaient s’acquitter. Dans son manifeste, Pougatchev imagina en fait pour les paysans un statut similaire à celui des Cosaques.
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Cependant, tout ceci n’était que la première partie du fameux document. Dans la seconde, il exhortait les partisans à « s’emparer, exécuter et pendre » tous les nobles qui lui barraient la route. Et ses partisans répondirent à son appel. De nombreux nobles perdirent la vie en raison du soulèvement. Dans une des régions, 348 nobles sur 1 425 furent assassinés. Les rebelles employaient des méthodes cruelles pour faire face à l’ennemi : lorsqu’ils capturèrent l’une des forteresses (Tatichevskaïa), ils scalpèrent son commandant, découpèrent sa femme et violèrent puis tuèrent sa fille.
Les troupes du gouvernement furent en fait tout aussi cruelles. Des milliers de personnes furent exécutées lors de la répression du soulèvement. Un nombre encore plus important de rebelles furent envoyés dans d’immondes prisons en Sibérie, après qu’eut été inscrit le mot « voleur » au fer rouge sur leur front.
Finalement défait en août 1774, Pougatchev parvint à s’échapper du champ de bataille avec l’aide de ses partisans. Il fut cependant rapidement trahi puis livré au gouvernement, et c’est dans une minuscule cage de bois qu’il fut envoyé à Moscou, escorté par le célèbre général Alexandre Souvorov.
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Pougatchev fut décapité à Moscou. Lorsqu’il monta sur l’échafaud, il resta calme et courageux. Il s’inclina en demandant son pardon au peuple.
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