En 1917, la Russie traverse une crise profonde. Après la Révolution de février, la monarchie a laissé place à un étrange système de gouvernance.
En théorie, c’est le Gouvernement provisoire qui dirige le pays, mais dans les faits il doit traiter avec les Soviets (personnes élues par les ouvriers, les soldats et les paysans), qui sont soutenus par les bolcheviks.
De plus, la Russie est toujours en guerre avec l’Allemagne et la situation dégénère sur le front. En juillet, les bolcheviks tentent de prendre le pouvoir à Petrograd (aujourd’hui Saint-Pétersbourg), mais le Gouvernement provisoire parvient à mater le soulèvement.
À la fin de l’été, la tension monte d’un cran avec l’entrée dans la danse du général Kornilov.
Lavr Kornilov.
Archives / WikipediaFils de cosaque, Kornilov a gravi les échelons de la hiérarchie militaire à force de travail et d’actes de bravoure. Il participe à la guerre Russo-japonaise (1904-1905), commande une division pendant la Première Guerre mondiale et est nommé Commandant en chef de l’armée russe en juillet 1917. Kornilov est un conservateur patriote qui méprise les gauchistes qu’il accuse de corrompre la Russie et son armée.
Le général est considéré comme un héros et est très populaire au sein de l’armée. Les hauts-gradés qui le soutiennent, tels le général Anton Denikine, qui prendra la tête des Armées blanches avec Kornilov, tiennent en haute estime cet homme noble et brillant. À l’inverse, certains officiers doutent de ses talents militaires et politiques. C’est le cas du général Mikhaïl Alekseïev, qui estime que « Kornilov avait un cœur de lion… mais une tête de mouton ».
Alexander Kerenski.
Archives / WikipediaAlexander Kerenski qui prit lui-même la tête du Gouvernement provisoire n’aimait pas les bolcheviks, mais il craignait également Kornilov. Confronté à deux mouvements antagonistes, Kerenski a fait de son mieux pour maintenir un équilibre tout en gardant les rênes du pouvoir. Force est de constater qu’il a échoué dans sa démarche.
Plusieurs opinions existent au sujet de l’intervention armée de Kornilov à Petrograd. Les soutiens du général expliquent que Kerenski aurait demandé à Kornilov d’investir la capitale et de supprimer les Soviets et les bolcheviks. Kerenski a catégoriquement réfuté cette version dans ses mémoires.
Pas de consensus non plus parmi les historiens, mais comme l’explique Alexandre Rabinovitch, auteur de l’ouvrage L’arrivée au pouvoir des bolcheviks : La Révolution de 1917, Kerenski a une part de responsabilité dans la tentative de putsch de Kornilov puisque c’est lui qui l’a nommé Commandant en chef de l’armée russe.
Le 9 septembre 1917, Kornilov, informé de l’imminence d’un soulèvement bolchévique, ordonne au 3e corps d’armée du général Krymov d’encercler Petrograd.
Le lendemain, Kerenski ordonne publiquement à Kornilov de retirer ses troupes et le démet de ses fonctions. Le général lui répond que le gouvernement est sous l’influence de forces irresponsables et qu’il ne se retirerait pas.
Le corps d’armée de Krymov marche toujours sur Petrograd. Plusieurs généraux d’armée se déclarent loyaux envers Kornilov et se disent prêts à éliminer les Soviets et les bolcheviks. Mais la garnison de la ville reste loyale au gouvernement. La Russie est alors au bord de la guerre civile.
Les bolcheviks, opposés à la fois à Kerenski et à Kornilov, ont un temps hésité, mais devant la menace militaire qui pesait sur la capitale, ils choisissent finalement de se concentrer sur Kornilov. « Nous combattrons Kornilov. Pas pour soutenir Kerenski, mais pour montrer qu’il est faible », déclare Lénine.
Les bolcheviks mobilisent rapidement les ouvriers et les soldats et participent activement à la défense de la ville. Les cheminots bloquent les voies ferrées et les télégraphistes coupent les communications entre les forces ennemies.
Les provocateurs parviennent à convaincre les soldats de ne pas tirer sur leurs camarades ouvriers et citoyens, au grand damne des officiers de Krymov. Une grande partie de l’armée de Kornilov jure finalement fidélité au Gouvernement provisoire. Le 12 septembre, le général est arrêté.
Pour Kerenski, il s’agit d’une victoire à la Pyrrhus. Si la menace à l’aile droite a été écartée, ses ennemis de l’aile gauche, qui l’ont tout de même sauvé, ont gagné en popularité et en influence. Deux mois plus tard, ils prenaient le pouvoir à Petrograd pour ne plus jamais le lâcher.
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