Le ministère russe de l’Industrie et du Commerce envisage de financer un nouveau programme à destination des personnes à faibles revenus consistant à leur fournir des produits alimentaires distribués à l’aide de cartes. Selon les prévisions du ministère, le programme devrait être lancé dès 2018 et, en 2019, le projet devrait être pleinement mis en œuvre.
Avec ce programme, les autorités veulent à la fois soutenir les plus démunis et accroître la demande de produits agricoles russes. Selon les estimations du ministre de l’Industrie et du Commerce Denis Mantourov, le financement du programme pourrait coûter entre 3,2 et 4,7 milliards d’euros au budget fédéral.
« Selon les estimations des experts, près de 20 millions de personnes dont les revenus se situent en dessous du seuil de pauvreté pourraient bénéficier de l’aide alimentaire », précise Leonid Kholod, ancien responsable du département développement du complexe agro-industriel du gouvernement russe et docteur en sciences économiques. Le minimum vital s’élève actuellement en Russie à 173 euros par mois.
L’aide alimentaire pourrait s’élever à 8–16 euros par personne et par mois, estiment les analystes du marché agraire. « Cet argent permet, par exemple, d’acheter jusqu’à six kilos de volaille, c’est une aide non négligeable », a précisé Alexandre Korbout, vice-président de l’Union russe des céréaliers, dans un entretien avec RBTH.
Les personnes âgées russes se souviennent encore du système de cartes de rationnement pratiqué en URSS. Au XXe siècle, il était utilisé dans les pays du bloc socialiste afin de lutter contre les pénuries de produits.
Les cartes (talons) définissaient les normes de consommation de biens par personne et par mois. Le système des talons était particulièrement répandu en Russie avant et après-guerre, puis dans les années 1988–1991, quand même les céréales et l’huile végétales sont venus à manquer dans les commerces et quand on ne pouvait se procurer la plupart des produits qu’avec ces cartes.
Le ministère russe de l’Industrie et du Commerce est conscient de la portée historique de la notion de « cartes de rationnement » et insiste aujourd’hui sur une autre appellation – « programme de soutien à la consommation ».
« Il s’agit d’une aide alimentaire ciblée moderne et d’un soutien aux producteurs russes de qualité. Je vous invite à éviter de spéculer sur l’expression +carte de rationnement+ », souligne Victor Evtoukhov, vice-ministre russe de l’Industrie et du Commerce.
Rappelons qu’un programme d’achat de produits alimentaires à des tarifs préférentiels baptisé Food Stamp existe depuis de longues années aux États-Unis. Selon les informations disponibles dans des sources libres, ce système fonctionne avec des cartes électroniques qui sont alimentées tous les mois par l’État.
En moyenne, une personne reçoit une aide de $115 (103 euros) par mois, et une famille, de $255 (230 euros). Au total, quelque 50 millions de personnes ont recours à l’aide alimentaire.
L’aide devrait être distribuée par le biais des cartes bancaires Mir, qui seront mensuellement créditées en points équivalents à des sommes d’argent. Plus le revenu d’un ménage est faible, plus la subvention pourrait être importante.
Les cartes pourront être utilisées dans tous les magasins prêts à travailler avec ce système, informe le ministère de l’Industrie et du Commerce. La liste de produits comprend les céréales, les pâtes, les pommes de terre, les légumes, les fruits, le sucre, les œufs, l’huile végétale, la viande, le poisson et les produits laitiers.
Elle inclut par ailleurs les semis, semences et la nourriture pour le bétail. La liste est élaborée compte tenu des recommandations du ministère de la Santé. L’achat d’alcool et de tabac est exclu.
Selon les estimations du ministère de l’Industrie et du Commerce, une fois que le projet aura atteint sa pleine capacité, chaque rouble investi dans le programme rapportera 2 roubles supplémentaires au PIB russe.
Le programme vise à soutenir les agriculteurs. « Si seuls les produits fabriqués en Russie peuvent participer au programme, alors même ceux fabriqués en Russie à partir de matières premières importées sont juridiquement considérés comme russes », explique Leonid Kholod.
Le niveau de saturation du marché intérieur en produits russes est actuellement élevé, les réserves existent, poursuit Alexandre Korbout. L’expert est convaincu que le fait que seuls les producteurs russes puissent participer au programme ne pose aucun problème. « Les gens pourront utiliser leur argent disponible pour l’achat d’autres produits, y compris de produits importés », précise-t-il.
Notons par ailleurs que le programme d’aide alimentaire russe fait partie des mesures de soutien indirect aux agriculteurs ou à la « catégorie verte » et ne contrevient pas aux obligations internationales de la Russie dans le cadre de l’OMC, ajoute l’expert.
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