Les escrocs font appel au cinéma, et même aux femmes de ménage…
Getty ImagesEn mai 1988, les coopératives, des groupes d'individus ou d'organisations agissant pour un intérêt économique commun, furent autorisées à opérer en URSS. Et bien que dès décembre, le Conseil des ministres leur ait interdit dans le même temps la production de films, le cinéma coopératif devint un moyen sérieux de blanchir des ressources illégales.
Les films (souvent des petites productions de mauvaise qualité) étaient produits par des studios indépendants en marge de ceux de l’État. Ceux-ci devinrent une source de revenus pour les travailleurs de l’industrie du cinéma coopératif de la perestroïka et des années 90, et, pour la classe naissante des « nouveaux Russes », une possibilité de blanchiment d'argent. En effet, le secteur de l’économie parallèle thésaurise à cette époque des sommes importantes.
Ainsi, l'argent « sale » devint une source de financement importante pour le cinéma. « C’était une bonne façon de transformer son capital en argent liquide. Le système était simple : un oligarque ou un bandit donne 1 million de dollars pour la production d’un film. Le réalisateur lui en restitue 900–950 mille après avoir converti le capital en monnaie sonnante et trébuchante, et produit son film avec le reste », se souvient le réalisateur Andreï Smirnov, à la tête du Syndicat du cinéma durant les années de la Perestroïka, dans un documentaire sur le cinéma coopératif.
Avec les débuts de la privatisation, la nécessité de blanchir de l'argent par les films disparu, ce qui signa la fin du cinéma coopératif.
En 2013, la Banque centrale de Russie a retiré la licence de Master-Bank, une des plus grosses banques de Russie établie depuis plus de 20 ans. Celle-ci s’est révélée être une immense blanchisserie : selon les données de la Banque centrale, le montant des opérations douteuses de cette organisation s’élevait à 3,5 milliards de dollars.
Jusqu’alors, la banque fonctionnait selon un schéma caractéristique des PME : on utilisait les subalternes afin de blanchir les fonds des dirigeants. Les femmes de ménage et agents de sécurité se voyaient octroyer des prêts fictifs allant jusqu’à 5 million d’euros avec l’assurance que la dette n’existerait que sur le papier. Les dirigeants retiraient les fonds, et la dette restait dans les bilans de la banque et des femmes de ménage.
En Russie, le fait de transformer de l'argent à l'état scriptural en espèces à l'aide de diverses transactions fictives fut également monnaie courante, par le biais de procédés parfois assez subtils. En 2013, un groupe de malfaiteurs ayant gagné plus de 180 millions de dollars (165 millions d'euros) via la conversion illégale en argent liquide d’aides sociales fut démantelé en Russie.
Le capital maternel est une forme d’aide de l’État aux familles russes. Les familles ayant donné naissance ou adopté un second enfant ou plus après le 1er janvier 2007 peuvent en bénéficier. La famille peut utiliser ce capital pour l’amélioration de son logement ou pour financer les études de l’un des enfants.
Selon les données du ministère de l'Intérieur, l'organisation criminelle, composée de plus de 400 sociétés commerciales, a rassemblé des informations sur des familles défavorisées et leur a proposé de leur échanger ces certificats contre de l’argent liquide.
Les accusés ont contracté des accords d'emprunt avec ces familles, de valeur égale à leur capital maternel (à l’époque plus de 6 500 dollars, soit près de 6 000euros), pour le soi-disant achat d’un logement. Ensuite les malfaiteurs ont acquis des biens immobiliers au nom de ces familles (d'une valeur bien inférieure à celle déclarée) et fourni aux organes gouvernementaux les documents confirmant l’achat en s’appuyant sur le capital familial. Les malfaiteurs restituaient une partie de la somme reçue aux familles, et s'appropriaient le reste (de 30 à 80% du montant).
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