Le tsar russe Alexandre Ier, qui a succédé à son père Paul Ier, victime d’un complot et assassiné, était un homme mystérieux et ses positions ont changé de manière spectaculaire tout au long de sa vie.
Libéral à ses débuts, il était épris d’un désir de réformes, souhaitait doter le pays d’un parlement, d’une constitution et même abolir le servage. À la fin de son règne, il a décidé de ne plus opérer de changements sérieux afin de consolider sa position de monarque.
Cela n’affecte en rien la grandeur de son règne. Après tout, c’est sous son commandement que la Russie a défait l’armée napoléonienne, démantelé l’Empire français et même occupé Paris. Mais à la fin de sa vie, Alexandre est devenu apathique et passait ses journées en prières, laissant la gouvernance du pays à ses ministres. C’est peut-être la raison pour laquelle sa disparition a causé tant de doutes au sein de la société russe.
Certains ont cependant témoigné du fait que le défunt n’avait pas les traits d’Alexandre. Il y a une explication à cela : il fallait compter plus de deux mois pour assurer le transport de la dépouille impériale de Taganrog à Saint-Pétersbourg, c’est pourquoi le corps s’est vraisemblablement décomposé.
Mais pourquoi un empereur tout-puissant aurait-il choisi d’abandonner son trône ? Sakharov estime qu’Alexandre souffrait d’un sentiment de culpabilité suite à l’assassinat de son père, dont il était au courant et qui l’a porté sur le trône.
En 1836, soit plus de dix ans après la disparition d’Alexandre, un étrange homme de 60 ans et de haute stature a fait son apparition à Perm, à 1 126 km de Moscou. Il a été interpellé par la police locale et n’a pu décliner son identité et ses origines, ce qui lui a valu d’être exilé en Sibérie. L’homme s’est réjoui de cette décision et s’est installé près de Tomsk (à 2 816 km à l’est de Moscou). La seule chose qu’il a mentionnée aux autorités est son nom : Fiodor Kouzmitch.
Kouzmitch a eu une longue vie et est décédé en janvier 1864. Chrétien, il a beaucoup œuvré pour venir en aide à ses voisins sibériens et sa sagesse et sa gentillesse lui ont valu l’admiration de tous. Les habitants locaux l’ont alors considéré comme un starets (littéralement « vieillard », mais qui signifie « père spirituel », rang non-officiel proche d’un saint).
Il est difficile de faire la distinction entre le mythe et la réalité lorsqu’on étudie les témoignages de Fiodor Kouzmitch. Il n’a jamais mentionné son passé, mais on dit qu’il parlait couramment le français, ce dont il a fait montre en discutant avec des officiers de la garnison locale. Il a également raconté des histoires sur sa vie à Saint-Pétersbourg et durant la Guerre patriotique de 1812 et parlait des généraux russes comme s’ils les connaissaient personnellement. Plusieurs témoignages de soldats qui ont servi dans la capitale font état de l’incroyable ressemblance entre Kouzmitch et le défunt empereur.
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Près de 150 ans après sa mort, on ne connaît toujours pas les liens entre Kouzmitch et Alexandre Ier. Dans son livre révolutionnaire Légende impériale : la disparition du tsar Alexandre Ier, l’historien Alexis Troubetskoï affirme que des membres importants de l’aristocratie russe vivant à Paris au milieu du XXe siècle étaient convaincus qu’Alexandre Ier n’était pas mort en 1825 et avait vécu en Sibérie sous le pseudonyme de Fiodor Kouzmitch.
Si, selon de nombreux témoignages, les deux hommes étaient en fait une seule et même personne, les contrarguments sont nombreux. À titre d’exemple, Fiodor Kouzmitch utilisait des termes ukrainiens ou du sud de la Russie, termes qu’Alexandre, né et élevé à Saint-Pétersbourg, ne pouvait pas connaître.
À l’heure actuelle, aucune expertise génétique n’a été réalisée. Comme l’estime l’anthropologue Gherassimov, le gouvernement a toujours refusé d’ouvrir la tombe d’Alexandre pour procéder à des tests ADN afin de les comparer avec ceux d’autres membres de la dynastie des Romanov. Quant à l’expertise médico-légale, ses résultats sont vagues et les spécialistes ne parviennent pas à tomber d’accord.
Le mystère autour de la disparition d’Alexandre Ier et de sa possible vie dans les terres sauvages de Sibérie reste donc entier.
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