Il y a 73 ans, Marcel Lefèvre succombait à ses blessures dans un hôpital de Moscou à l’âge de 26 ans, à l'heure même où les alliés se lançaient à l'assaut des plages de sa Normandie natale. À son jeune âge il était déjà titulaire de 14 victoires aériennes, dont 11 homologuées.
Le 28 mai 1944, son avion touché par l’ennemi s'écrase et s'enflamme sur le terrain de Doubrovka. La combinaison de vol étant imbibée de carburant, le pilote est gravement brûlé au visage, aux cuisses et aux mains. Il réussit à s'extraire de son cockpit et trouve la force de rassurer ses camarades sur son état. Transporté à l'hôpital de Moscou, malgré des efforts héroïques, le jeune lieutenant Lefèvre ne survit pas.
Il a été inhumé à Moscou, entouré d'honneurs, en présence de ses camarades de combat et des plus hautes autorités soviétiques et françaises. À titre posthume et sur ordre de Staline, il est fait Héros de l'Union soviétique avec l'Ordre de Lénine. En février 1953, sa dépouille est transférée en Normandie où elle gît depuis auprès de ses parents aux Andelys.
Pierre Roure, président du Mémorial Normandie-Niemen, a rappelé le parcours de Marcel Lefèvre lors de la cérémonie du 5 juin : « On surnommait cet enfant du pays le Père Magloire, en raison du personnage représentant le Normand bien connu de tous qui ornait le fuselage de son avion. Mais sait-on que son autre surnom était +La fièvre+, pour évoquer la passion avec laquelle chaque jour il suivait l’évolution de la guerre sur le front russe sur une carte d’état-major. Cet enfant du pays qui n’hésita pas après son évasion de Gibraltar le 14 octobre 1941 à rejoindre les Forces aériennes libres, participant à la défense de Londres, puis à quelques missions au-dessus de La Manche et de la France occupée. À la création de l’escadrille Normandie à Rayak au Liban, il se porte volontaire et rejoint l’URSS le 29 novembre 1942. C’est en mars 1944 qu’il participe à ses premiers combats ».
Crédit : Maria Tchobanov
Marcel Lefèvre est titulaire des plus hautes distinctions russes et françaises, dont la liste est gravée sur sa sépulture. « Le nom de ce jeune Normand qui a donné sa vie pour que la France retrouve sa liberté doit rester à jamais gravé dans nos mémoires et être un exemple pour les jeunes générations qui doivent prendre le relais et devenir les passeurs de mémoire de notre pays », a conclu son discours Pierre Roure.
Crédit : Maria Tchobanov
Le colonel Anatoly Fetissov, Président des vétérans du Normandie-Niemen en Russie, est un habitué de cette cérémonie commémorative annuelle. Son geste symbolique et exotique dans l’environnement du cimetière français n’étonne plus les participants. « Comme le veut la tradition russe chrétienne, pour les militaires péris au combat nous remplissons un verre de vodka (les fameux « 100 grammes »), nous couvrons le verre avec la croûte du pain noir et nous posons le verre sur la tombe. Nos amis français commencent à s’habituer à ce rituel », explique Anatoly. Il rappelle aussi que Marcel Lefèvre est parti en Union soviétique parmi les tout premiers 14 pilotes volontaires français, qui sont arrivés à Ivanovo en novembre 1942. Il fut le premier à recevoir le baptême du feu en avril 1944 avec ses compagnons russes de 18ème régiment de chasse de la garde.
Crédit : Maria Tchobanov
Anatoly Fetissov insiste sur le fait que Marcel Lefèvre est le seul des pilotes français à avoir donné officiellement et publiquement une très haute appréciation du rôle des pilotes russes de ce régiment. Quand l’escadrille Normandie a rejoint le 18ème régiment de chasse de la garde, les pilotes français n’ont pas tout de suite su s’adapter aux conditions de combat sur le Front de l’Est. La bataille de Koursk en est la preuve : en l’espace d’une semaine, six aviateurs ont perdu la vie, sept au total pour le mois de juillet, y compris le commandant Jean Tulasne. En ce moment critique, les pilotes russes ont beaucoup assisté leurs camarades français pour leur redonner confiance. Et en 1944, lors de l’opération Bagration, les pilotes français et soviétiques ont démontré ensemble la force de la fraternité et de l’entraide.
Crédit : Maria Tchobanov
« Les Russes conservent précieusement la mémoire des exploits des pilotes français. 273 avions abattus – ce sont des milliers de vies sauvées. Ils sont venus en aide avant la bataille de Stalingrad, quand l’issue de la guerre n’avait rien d’évidente. Ils savaient bien qu’ils ne retourneraient pas tous chez eux. 42 d’entre eux ont laissé leur vie dans les combats. Ici aux Andelys, la tombe de Marcel Lefèvre est toujours fleurie, je remercie l’administration de la ville et ses habitants de perpétuer sa mémoire », a déclaré le pilote russe devant la tombe de son confrère français.
Crédit : Maria Tchobanov
L’ambassadeur russe Alexandre Orlov a confirmé ces propos en affirmant que Marcel Lefèvre était un « lien personnel » entre la Russie, la France et les Andelys. « Les années passent, les anciens combattants nous quittent, mais la mémoire ne faiblit pas et l’amitié non plus. Je suis heureux de constater que nos deux pays sont aujourd’hui à un tournant dans nos relations, que j’ai senti à l’occasion de l’entretien entre les président russe et français le 29 mai », a déclaré le diplomate.
Crédit : Maria Tchobanov
Du 4 au 10 juin 2017, une délégation de vétérans russes sera reçue en France pour les commémorations en relation avec le 75e anniversaire du régiment de chasse Normandie-Niemen. Le 7 juillet, une plaque commémorative avec les noms de tous les pilotes morts pour la liberté de l’Europe dans le ciel soviétique sera installée au Bourget à côté du monument aux pilotes et mécaniciens de Normandie-Niemen.
Crédit : Maria Tchobanov
Dans le cadre d'une utilisation des contenus de Russia Beyond, la mention des sources est obligatoire.
Abonnez-vous
gratuitement à notre newsletter!
Recevez le meilleur de nos publications directement dans votre messagerie.