À la fin du XVIIIe siècle, après avoir gagné la Russie pour fuir la Révolution française, l'artiste peintre Élisabeth Vigée Le Brun réalisa des dizaines de portraits de la famille du tsar et des personnalités de Saint-Pétersbourg. À son retour au pays, elle publia un livre exalté regroupant ses souvenirs. « On ne s'apercevrait point à Pétersbourg de la rigueur du climat, si, l'hiver arrivé, on ne sortait pas de chez soi, tant les Russes ont perfectionné les moyens d'entretenir de la chaleur dans les appartements. Tout est chauffé par des poêles si excellents que le feu qu'on entretient dans les cheminées n'est autre chose que du luxe ».
Élisabeth Vigée Le Brun, autoportrait. Crédit : la National Gallery de Londres.
Elle fut par ailleurs marquée par les jardins d'hiver que les hauts dignitaires de l'époque de Catherine II aménageaient dans leurs palais : « Les Russes ne se contentent pas de donner à leurs appartements la température du printemps, plusieurs salons sont entourés de grands paravents vitrés, derrière lesquels sont placés des caisses et des pots remplis des plus belles fleurs que donne chez nous le mois de mai ».
« Il faut aller passer l'hiver en Russie pour nous réchauffer », commenta-t-elle à son retour dans un Paris figé par la neige.
Comte, historien et diplomate, il fut ambassadeur de France sous la cour de Catherine II. Il l'a d'ailleurs accompagnée dans son célèbre Voyage en Crimée – un périple de plus de six mois, alors sans précédent, qu'effectuèrent l'impératrice et sa suite de 3000 personnes à travers la Russie. De cette époque, Louis-Philippe de Ségur laissa de précieuses notes reflétant les caractéristiques de l'époque.
Louis-Philippe de Ségur. Crédit : Palais de Versailles
Sur la période hivernale de ses pérégrinations, il écrivit : « Nos voitures, montées sur de hauts patins, semblaient voler. Pour nous garantir du froid, nous étions tous enveloppés dans de vastes fourrures de peau d'ours, que nous portions par-dessus des pelisses plus fines et plus précieuses ; nous avions sur nos têtes des bonnets de martre. Avec ces précautions nous ne nous apercevions point du froid, lors même qu'il montait à vingt ou vingt-cinq degrés. Dans les maisons où l'on nous logeait, les poêles nous donnaient plutôt lieu de craindre l'excès de la chaleur que celui du froid ».
Ce marquis, écrivain et voyageur français connut la gloire grâce à son livre La Russie en 1839, qui fut édité à Paris en 1843 et qui devint un best-seller d'envergure internationale. En Russie, l'ouvrage fut même interdit, Custine y décrivant de manière crue et critique la réalité russe et le mode de vie de l'aristocratie locale.
Astolphe de Custine. Domaine public
Le froid auquel « le granit ne résiste pas » ne l'a pas non plus laissé indifférent.
« Le demi-cercle d'édifices qui correspond au palais Impérial produit, du côté de la place, l'effet d'un amphithéâtre antique manqué ; il faut le regarder de loin ; on n'y voit de près qu'une décoration recrépie tous les ans pour réparer les ravages de l'hiver. Les anciens bâtissaient avec des matériaux indestructibles sous un ciel conservateur ; ici, avec un climat qui détruit tout, on élève des palais de bois, des maisons de planches et des temples de plâtre ; aussi les ouvriers russes passent-ils leur vie à refaire pendant l'été ce que l'hiver a démoli ; rien ne résiste à l'influence de ce climat ; les édifices, même ceux qui paraissent le plus anciens, sont reconstruits d'hier ; la pierre dure ici autant que le mortier et la chaux durent ailleurs ».
« Dans un pays où il y a quelques fois 60 degrés de différence entre la température de l'hiver et celle de l'été, on devrait renoncer à l'architecture des beaux climats. Mais les Russes ont pris l'habitude de traiter la nature en esclave, et de compter le temps pour rien », constata l'écrivain.
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