Nathalie Paley, le 19 décembre 1934.
TopFoto/Vostock-PhotoNathalie Paley naquit en 1905. Sa vie ressembla à un mélodrame cinématographique dès ses premiers jours. Le père de Nathalie, le grand prince Paul Alexandrovitch de Russie, était le sixième fils de l’empereur Alexandre II. Le « libérateur » devint rapidement veuf. Cependant il vécut peu après une aventure avec une femme de sang non royal, qui plus est mariée, Olga von Pistohlkors. L’empereur régnant Nicolas II s’opposant fermement à cette union, Paul et Olga se marièrent secrètement en Italie. Leur fille Nathalie naquit en 1905 à Paris. Ce n’est qu’en 1908 que l’empereur russe les autorisa à rentrer en Russie et donna à Olga et ses enfants les titres de princes et princesses et le nom de famille Paley. La petite Nathalie grandit dans une villa de Tsarskoïe Selo, entourée de soin et d’amour.
Princesses Nathalie et Irina Paley. Crédit : domaine public
Crédit : domaine public
Elle avait 15 ans lorsque la fatale année 1917 marqua sa vie d’un « avant » et d’un « après » de façon sanglante. Son père et son frère furent arrêtés, puis exécutés. Afin de sauver ses enfants de sang royal, Olga s'enfuit en Finlande, puis en France.
Dès son enfance, Nathalie était connue dans le monde de la mode : sa mère, restée mondaine, avait gardé des contacts avec les meilleurs couturiers français. Sa fille aînée Irina épousa Fédor Romanov, dont la sœur, Irina Ioussoupov, dirigeait la maison de couture Irfe. Et le frère de sang de Nathalie, Dimitri, avait une relation intime avec Coco Chanel.
Nathalie Paley et son premier époux Lucien Lelong. Crédit : domaine public
Nathalie décida très tôt de devenir mannequin. Elle commença par présenter les vêtements de maisons de couture russes Iteb et Irfe. Ensuite, grâce à Chanel, Nathalie put quitter la mode russe pour entrer dans l’univers de la mode française, d’un tout autre niveau.
On la recommanda auprès du grand couturier, Lucien Lelong. Elle devint non seulement son employée, son assistante… mais aussi son épouse en 1927. Le couturier fut captivé par la beauté saisissante de la princesse russe, qui rassemblait à la fois une délicate froideur, pareille aux courbes capricieuses et cassantes des fleuves russes, et la chaleur et la douceur du regard. Lucien consacra son amour dans les parfums Elle. Elle…, Mon Image et L’indiscret. Hélas, la famille de Nathalie ne voyait pas cette alliance d’un bon œil.
Horst P. Horst, Cecil Beaton, et d'autres photographes célèbres de l’époque photographièrent sa silhouette. Elle devint une égérie, ravissait, était imitée. Ses photos emplirent les pages du magazine Vogue. Toutefois, ce n'est pas sa seule beauté qui ravissait, mais aussi son esprit brillant. Entourée d’écrivains, d’artistes, de metteurs en scène et d’acteurs, Nathalie était toujours en quête d’un interlocuteur. Parmi ses admirateurs se trouvaient les peintres Salvador Dali et Pavel Tchelitchev, le danseur Serge Lifar, et bien d’autres.
Malheureusement, Lelong ne put retenir cet oiseau vif et fantasque dans ses filets… Lui était un entrepreneur de talent, tandis qu’elle était attirée par la bohème.
Elle rencontra l'écrivain et artiste Jean Cocteau au début des années 1930. Leur romance fut semblable à une étincelle, vive et soudaine. Cocteau était bisexuel, et selon les souvenirs de ses amis, il semble que Nathalie fut la seule femme à laquelle il fut aussi attaché. Hélas cette relation, qui ne dura pas plus de quelques mois, connut une fin tragique. Nathalie perdit l’enfant issu de leur amour, et le couple se sépara par la suite.
Rapidement, le metteur en scène français Marcel L'Herbier l'invita à jouer dans son film L'épervier. Puis elle eut un rôle dans le film Le prince Jean de Jean de Marguenat. Sa carrière cinématographique se avait le vent en poupe, et vers le milieu des années 1930, elle était déjà à Hollywood. Elle joua auprès de Maurice Chevalier, Cary Grant, Katharine Hepburn, Jean Marais…
Nathalie Paley le 19 décembre 1934. Crédit : TopFoto/Vostock-Photo
Avant son départ pour les États-Unis, elle eut le temps de divorcer de Lelong. Et si Nathalie, à la réception du certificat de divorce, s’envola légèrement de l’autre côté de l’océan, Lucien, luli, se retrouva déchiré et révolté. Poursuivant sa collection « alphabétique » de parfums (ceux-ci ne portaient qu’une seule lettre en guise de nom), il créa aussitôt le parfum au nom de N. Était-ce là un souvenir de la perfide Nathalie ?
Au même moment, Nathalie épousa en secondes noces le fameux producteur de théâtre John Chapman Wilson. Il n’approuvait pas son attirance pour la profession d’actrice, et rapidement, elle se retrouva de nouveau sur les podiums.
Nathalie devint une véritable lionne. Dans son salon on pouvait rencontrer l’actrice Marlene Dietrich, le magnat de la presse William Hearst, des aristocrates, des hommes politiques, des peintres et des musiciens.
En Amérique, elle recommença à fréquenter des génies. Le premier fut l’écrivain français Antoine de Saint-Exupéry, qu’elle rencontra en 1942. Depuis les États-Unis, il s’inquiétait grandement de l’avenir de la France occupée et de la trahison de sa femme Consuelo. Nathalie lui offrit chaleur et calme (ce qu’elle n’avait pas pu offrir à Lelong par le passé). Leur romance fut dénuée de toute passion et se termina tout aussi placidement. Ils s’écrivirent cependant encore pendant longtemps, et restèrent très proches.
Nathalie Paley, 1935. Crédit : Ullstein bild/Vostock-Photo
Son aventure suivante, au contraire, fut semblable à onze ans d’éruption volcanique. L’écrivain Erich Maria Remarque appelait Nathalie le « chat égyptien ». Il était d'une jalousie folle. Nathalie elle-même s'épuisa, comprenant que Remarque n'était pas en mesure de faire une croix sur son aventure précédente avec Marlene Dietrich. La lutte interminable détruisit peu à peu leur relation, qui s'acheva par une nouvelle passion de Remarque. Cependant, son « chat égyptien » marqua en profondeur son œuvre. L'héroïne de son roman Ombres laisse facilement percevoir l’image de Nathalie.
Au début des années 1950, elle retourne près de son mari. Wilson boit beaucoup et meurt rapidement d’une cirrhose du foie.
Ce fut le début de la fin… Ses proches moururent ou l'oublièrent. Son public s’était tourné vers d’autres stars de cinéma. Ses génies avaient quitté ce monde ou s’étaient trouvés d’autres muses. Les flashs et les ovations avaient cessé leur crépitament… Le reflet du miroir lui renvoyait l’image d’une femme déjà vieillissante. Pour Nathalie, cela signa la fin de tout. Voilà que sa renommée mondiale n'était plus…
La dépression, tel un cocon noir, l'embrassa et la dévora. Elle refusait de plus en plus les sorties mondaines, préférant passer le temps en compagnie d’une bouteille d’alcool. Elle perdit presque entièrement la vue. Ces 20 dernières années furent pénibles. À l’âge de 76 ans, elle se cassa le col du fémur. Le diagnostic des médecins fut formel : elle restera paralysée jusqu'à la fin de sa vie. N’ayant pas la force de supporter cette « sentence », Nathalie ingéra une forte dose de somnifères et ses yeux gris se fermèrent à jamais…
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