Ярмарочная шансонетка Масленникова
Archive PhotoLes premières maisons closes voient le jour à Saint-Pétersbourg au milieu du XIXe siècle. Le Comité médico-policier fait son apparition en 1843 pour enregistrer officiellement les femmes faisant commerce de leurs charmes.
Crédit : Images d'archives
Une Table de prostitution est éditée en 1844 pour réglementer les conditions de vie dans les maisons de tolérance, ainsi que les droits et les devoirs des femmes qui doivent les entretenir. Au début du XXe siècle, les lieux « de travail » ont été modifiés, le type des femmes de petite vertu a changé, mais la hiérarchie en vigueur dans ce monde semi-légal perdure.
C’était une femme entre 30 et 60 ans qui habitait en permanence les lieux et qui devait faire régner l’ordre, assurer l’hygiène des jeunes filles et traiter la documentation. Elle touchait les trois quarts de la somme gagnée par la prostituée, cette dernière recevant le reste. Profitant de l’absence de droits des prostituées, de nombreuses patronnes les volaient sans vergogne. Dans l’impossibilité de payer leurs dettes, les jeunes filles se retrouvaient piégées dans leur maison close. La tâche numéro un de la « dame de maison » était de faire enregistrer les jeunes filles au Comité médico-policier.
Femmes enregistrées comme prostituées. Crédit : Images d'archives
Les femmes enregistrées comme prostituées par le Comité médico-policier étaient privées de leur carte d’identité et recevaient en échange un « billet ». Elles subissaient des examens médicaux obligatoires et étaient « rattachées » à une maison close précise. En outre, les autorités ont introduit au XIXe siècle une sorte de feuille de paie qui a permis aux prostituées « à billet » de gagner de l’argent sans tomber dans la dépendance absolue de la tenancière comme auparavant. Il y avait dans cette catégorie de filles de joie des femmes instruites qui parlaient plusieurs langues étrangères et d’autres complètement avilies qui travaillaient dans des asiles de nuit.
Dans sa nouvelle Le Capitaine Rybnikov, Alexandre Kouprine décrit une maison close luxueuse : « Cet établissement se situait à mi-chemin entre une riche maison close et un club chic avec une entrée somptueuse, un ours empaillé à l’entrée, des tapis, des rideaux de soie et des lustres, des valets portant fracs et gants. Les hommes venaient y passer le reste de la nuit après la fermeture des restaurants. C’était un endroit où on jouait aux cartes de cartes, avec des vins chers et où on trouvait une grande réserve de femmes belles et fraîches, souvent remplacées ».
Elles échappaient à la tutelle des tenancières de maisons closes et se voyaient délivrer à la place de leur carte d’identité un formulaire, d’où leur appellation. Le plus souvent, elles se retrouvaient enregistrées de force au Comité médico-policier, à l’issue de coups de filet dans la ville. Très souvent, elles constituaient le maillon le plus vulnérable du métier. Ne dépendant formellement d’aucun établissement, elles se retrouvaient sous l’emprise du bailleur chez qui elles louaient une chambre ou étaient obligées de faire le trottoir la nuit. Elles étaient régulièrement victimes de criminels et d’obsédés sexuels. De 1908 à 1910, une série de crimes abominables fut commise à Saint-Pétersbourg parmi les prostituées « à formulaire ».
Toutefois, il existait également des femmes qui ne prenaient pas de risques. Les « aristocrates » recevaient le client dans des appartements confortables. On pouvait lire dans la presse du début du XIXe siècle des annonces du genre : « jeune fille sans passé, à la réputation irréprochable mais sans aucune ressource, souhaite donner tout ce qu’elle possède à celui qui lui prêtera 200 roubles » ou « jeune fille joviale souhaite servir un homme âgé pour une bonne rémunération. Aime la vie et ses joies ». Il faut ajouter que les représentantes « plébéiennes » de cette profession se voyaient pratiquement interdire l’accès au centre-ville. Le parc Alexandre avait une réputation scandaleuse au début du XXe siècle : en règle générale, les prostituées qui y travaillaient étaient intimement liées au monde criminel de Saint-Pétersbourg.
Au début de la Première Guerre mondiale, le nombre de femmes qui travaillaient sans « billet » ni « formulaire » dépassait celui de prostituées enregistrées. C’était souvent le cas de représentantes très jeunes du sexe faible « attirées » dans leurs rangs par les prostituées « à formulaire ». La prostitution « secrète », c’est-à-dire non reconnue officiellement, était la plus liée au monde criminel et contrôlée par celui-ci.
Prostituées « secrètes ». Crédit : Images d'archives
Les filles de joie « secrètes » ne passaient pas d’examens médicaux et étaient davantage sujettes aux maladies vénériennes qui se propageaient à la vitesse de l’éclair dans la ville. Si en 1910 les prostituées atteintes de la syphilis constituaient environ 50% du nombre total, en 1914, elles étaient déjà 76%.
En outre, la ville a connu un véritable boom de la prostitution infantile. Certains travaillaient pour une simple boîte de chocolats ou une belle robe. Leur travail était supervisé par les adultes qui faisaient souvent passer les petites filles pour des membres de leur famille. Il existait des établissements entiers organisés spécialement pour les clients attirés par les fillettes de 10 à 12 ans.
La Révolution de février en 1917 a apporté la « liberté » des mœurs, notamment à la femme. Le Comité médico-policier a été dissous et toutes les femmes de la profession se sont retrouvées en situation irrégulière. Les jeunes filles ne pouvaient plus compter sur une aide quelconque de l’État. La Russie révolutionnaire a interdit la prostitution, rayant du domaine juridique ce métier qui n’était plus conforme à l’image de la nouvelle femme libre.
Elizaveta Goussalova, Arzamas
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