L’offensive Broussilov.
Vladimir Astapkovitch / RIA NovostiL’offensive Broussilov est l’une des meilleures opérations de la Première Guerre mondiale (1914–1918) et la plus efficace réalisée par les troupes russes dans ce conflit.
La Première Guerre mondiale fut une guerre exténuante, les troupes passant des mois et des mois dans les mêmes tranchées. L’offensive Broussilov, qui utilisa des techniques novatrices de combat, marqua une avancée foudroyante sur des dizaines de kilomètres à l’intérieur des positions fortifiées de l’armée austro-hongroise.
L’offensive des troupes de Broussilov coïncida avec les combats sur le front italien et les batailles de Verdun et de la Somme. Pour les historiens, l’offensive des troupes russes fut d’une aide précieuse pour les alliés qui y combattaient.
Cependant, l’opération des troupes de Broussilov, comme tout ce qui se passait sur le Front de l’Est pendant la Première Guerre mondiale, est peu connue du public occidental, regrettent les historiens. La première recherche des historiens occidentaux consacrée à la guerre sur le Front de l’Est ne fut publiée qu’en 1971. En URSS et en Russie également, ces événements n’attiraient que peu d’attention : la Première Guerre mondiale fut occultée par la Révolution de 1917 et la Guerre civile qui s’en suivit.
Il faut reconnaître que cette offensive unique ressort particulièrement sur fond des échecs catastrophiques subis par l’armée russe l’année précédente, pendant la « Grande Retraite », qui se poursuivit de mai à septembre 1915. Les troupes russes abandonnèrent alors la Pologne, la Lituanie et la Galicie (partie occidentale de l’Ukraine actuelle).
Le nombre de morts, blessés et prisonniers est estimé à un million de personnes. Le chef d’armée et général Anton Denikine se rappelait : « La retraite de Galicie est une grande tragédie de l’armée russe. […] Jour après jour, des batailles sanglantes, jour après jour, des traversées pénibles, la fatigue incessante – physique et morale ; un jour, des espoirs timides, le lendemain, l’horreur infinie… ».
La Russie semblait alors incapable de se remettre des défaites que lui infligeaient les puissances centrales.
Dans ce contexte, il n’y a rien d’étonnant à ce que l’armée austro-hongroise fût prise au dépourvu par l’offensive foudroyante des troupes du Front de Sud-Est, dirigées par Broussilov, en juin 1916. La défense ennemie fut rompue à 13 endroits à la fois et, dès les premiers jours de l’offensive des troupes russes, les soldats austro-hongrois capturés se comptaient en milliers.
Les nouvelles techniques de guerre testées par Broussilov jouent leur rôle dans le succès de l’offensive. Plutôt que sélectionner quelques axes pour l’attaque principale, comme on le faisait à l’époque, le général mena des attaques sur tout le front.
Dans l’attaque, il utilisa l’artillerie de manière novatrice : celle-ci était utilisée à la fois pour le barrage d’artillerie avant l’offensive qui, dans les différents secteurs du front pouvait durer entre 6 et 45 heures, et pendant l’attaque proprement dite. Les armes légères soutenaient les troupes à l’attaque, détruisant les barbelés et les autres fortifications sur le terrain de l’ennemi, alors que l’artillerie lourde frappait les positions intérieures. Ainsi, les troupes russes avançaient sous le couvert d’un mur de feu assuré par l’artillerie.
La tactique d’offensive par « rouleaux » a également joué son rôle. Sous le couvert de l’artillerie, l’infanterie avançait par vagues de 3 à 4 chaînes. Les vagues d’infanterie se suivaient tous les 150–200 pas. La première vague attaqua directement la deuxième ligne de fortifications ennemies sans s’arrêter à la première. La troisième ligne fut attaquée par la troisième et la quatrième vague qui « roulaient » par-dessus les deux premières.
Repoussant l’ennemi, les troupes russes avancèrent de 80 à 120 kilomètres sur 350 kilomètres au début de l’automne pour occuper un territoire de 25 000 m2. A titre de comparaison, pendant la bataille de la Somme citée plus haut, les alliés ne purent avancer que de 10 kilomètres à l’intérieur du territoire allemand sur une section de 35 km de front en plusieurs mois.
Les pertes des belligérants s’élevèrent alors à plus d’un million de personnes. Cependant, l’objectif stratégique fixé par le commandement de l’armée russe après le lancement réussi de l’opération, la défaite de l’Autriche-Hongrie, ne fut pas atteint.
L’offensive de Broussilov montra que l’armée impériale russe était efficace et capable de résister à l’ennemi, alors que l’État russe s’adaptait progressivement, bien que tardivement, aux conditions de la guerre totale.
Ce facteur est important dans le contexte des chocs politiques qui suivirent. La chute de l’État et l’effondrement de l’armée russe qui suivit en 1917 n’étaient pas prédéterminés, à en juger par la situation de 1916. L’offensive de Broussilov prouve que la Russie ne traversait pas une crise globale ébranlant tous les aspects de la vie de la nation russe à la veille de 1917, comme l’affirmaient les historiens soviétiques.
Andreï Sorokine, directeur des Archives nationales de l’histoire socio-politique, qui a accueilli une table ronde et une exposition de documents historiques consacrées à l’offensive, estime que dans ce contexte, les causes de la révolution russe doivent être cherchées dans la sphère sociale et dans le comportement des élites, c’est-à-dire dans le domaine de la conscience publique.
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