Le procès de Nuremberg.
UllsteinBild / Vostock-PhotoDans les années de la Seconde Guerre mondiale, l’idée de juger les leaders du Troisième Reich et les institutions publiques de l’empire hitlérien responsables de la barbarie ne semblait pas aussi ordinaire que ça. Initialement, l’Union soviétique était la seule à insister sur un procès. Les partenaires de Moscou au sein de la Coalition antihitlérienne, Londres et Washington, avaient adopté une autre attitude.
En octobre 1942, le ministère soviétique des Affaires étrangères déclare dans une note que Moscou souhaite juger les chefs de l’Allemagne nazie « par un tribunal international spécial et les châtier avec toute la sévérité de la loi pénale ».
Toutefois, le chef de la diplomatie britannique, Anthony Eden, donne en novembre de la même année des instructions à son ambassadeur à Moscou selon lesquelles il estime inopportun de faire juger les principaux coupables comme Hitler et Mussolini « parce que leurs crimes sont si monstrueux et leur responsabilité est si grande qu’une procédure juridique ne serait pas convenable ».
Anthony Eden évoque la nécessité de châtier sévèrement les chefs nazis sur la base d’une décision politique de la Société des Nations. Jusqu’au début de 1945, les Etats-Unis soutiennent la position de la Grande-Bretagne. Les deux pays proposent de concerter une liste d’une cinquantaine à une centaine de noms de chefs nazis qui devront être exécutés sans jugement.Mais petit à petit, l’attitude des alliés envers l’idée d’un tribunal militaire international change et la décision appropriée est prise à la conférence de Potsdam en été 1945.
Selon l’historienne russe Natalia Lebedeva, Londres et Washington s’élevaient contre l’idée d’un procès, appréhendant une éventuelle « dénonciation par les accusés de la politique loin d’être irréprochable des puissances occidentales, de leur complicité dans le réarmement de l’Allemagne ou les manœuvres de Munich ». Ils pouvaient redouter également que la base juridique soit insuffisante pour condamner les responsables hitlériens et que le procès ait des airs de justice sommaire.
Pour ce qui est de l’URSS, elle insistait sur un tribunal, car cette idée élevait son prestige international et permettait d’agir dans le cadre d’un nouveau droit international, a expliqué à RBTH l’historien Boris Sokolov.
Les accusés (des chefs d’accusation ont été formulés contre vingt-quatre principaux responsables du Reich) mettaient en doute la validité juridique du procès et essayaient de prouver qu’un procès en bonne et due forme avait été remplacé par une justice de vainqueurs. Le commandant en chef de la Luftwaffe, Hermann Goering, a déclaré à Nuremberg que « le vainqueur était toujours juge et le vaincu condamné ».
Toutefois, selon de nombreux observateurs, le procès prouve autre chose. Tous les prévenus disposaient d’une défense : vingt-sept avocats en tout.
Le fait que des peines de mort n’aient pas été prononcées contre tous les accusés témoigne également en faveur de l’équité du procès. Douze nazis ont été condamnés à la peine capitale par pendaison, sept à des peines de prison, tandis que trois autres ont été acquittés.
L’Union soviétique a élevé une protestation contre l’acquittement de Hjalmar Schacht (président de la Reichsbank et ministre de l'Économie), de Hans Fritzsche (propagandiste considéré comme le bras droit de Goebbels) et de Franz von Papen (vice-chancelier au gouvernement d’Hitler).
Moscou était également indigné par le fait que le gouvernement de l’Allemagne nazie, l’état-major général et le commandement suprême de la Wehrmacht n’aient pas été qualifiés d’organisations criminelles.
Aujourd’hui, le député et historien Viatcheslav Nikonov, petit-fils du chef de la diplomatie soviétique Viatcheslav Molotov, estime que le tribunal aurait dû inscrire sur la liste des organisations criminelles l’Armée insurrectionnelle ukrainienne (UPA) ou la division SS Galicie.
Lors d’une rencontre organisée par la Société historique de Russie, il a rappelé que ces groupes n’avaient pas cherché à cacher leurs relations avec le régime nazi et que le procès de Nuremberg avait qualifié d’organisations criminelles non seulement les SS, mais également le SD, la SA, la Gestapo et les dirigeants du parti nazi.
Certains n’ont pas comparu devant le tribunal : Adolf Hitler, Heinrich Himmler et Joseph Goebbels qui se sont suicidés. Le haut dignitaire nazi Martin Bormann n’était pas présent non plus : on estime que lui aussi a mis fin à ses jours.
Josef Mengele, qui se livrait à des expériences médicales absurdes et inhumaines sur les prisonniers des camps de concentration et qui a été surnommé l’Ange de la mort, évita le châtiment et mourut de sa propre mort au Brésil à la fin des années 1970.
Adolf Eichmann, responsable de l’extermination raciale des Juifs, réussit lui aussi à échapper à la justice, notamment au procès de Nuremberg, mais fut retrouvé et capturé par des agents du Mossad en Amérique du Sud et exécuté en Israël.
Le commando SS Otto Skorzeny, qui a enlevé Mussolini et tenté de capturer Josip Tito pour perturber le mouvement partisan communiste en Yougoslavie, fut arrêté en 1945. Par la suite il fut libéré et vécut en Espagne franquiste.
Le tribunal finalisa la débâcle du nazisme. Après Nuremberg en Allemagne, plusieurs pays organisèrent eux aussi des procès qui condamnèrent environ 70 000 nazis et leurs complices.
Le procès de Nuremberg permit de faire comparaître devant la justice ceux qui avaient déclenché la guerre et commis des crimes contre l’humanité, ainsi que de les condamner selon les normes internationales, alors qu’il aurait été pratiquement impossible de les juger d’après les législations nationales.
La notion même de « crime contre l’humanité » fut définie pour la première fois dans les statuts du Tribunal militaire international, qui a été approuvé par les Nations unies. Le tribunal de Nuremberg a jeté les fondations du droit pénal international.
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