L’exposition « Pierre le Grand, un tsar en France. 1717 », organisée par le château de Versailles en partenariat avec le musée d’État de l’Ermitage et qui se tiendra jusqu’au 24 septembre, commémore le tricentenaire de cette visite diplomatique. Fruit d’une collaboration exceptionnelle entre les deux grands musées, l’exposition présente plus de 150 œuvres – peintures, sculptures, arts décoratifs, tapisseries, mais aussi plans, médailles, instruments scientifiques, livres et manuscrits – dont les deux tiers appartiennent aux collections du prestigieux musée de Saint-Pétersbourg.
Crédit : Maria Tchobanov
Signe de l'importance symbolique de l'événement, le président russe Vladimir Poutine inaugurera en personne l'exposition en compagnie de son homologue français Emmanuel Macron, les deux hommes ayant profité de cet événement pour tenir leur première rencontre.
Crédit : Maria Tchobanov
RBTH vous propose une promenade en images à travers les salles du Grand Trianon, où le monarque russe a été logé du 24 au 26 mai et du 3 au 11 juin 1717 lors de ses séjours à Versailles.
Louis XV rend visite à Pierre le Grand à l'hôtel de Lesdiguières, le 10 mai 1717. Louise Marie Jeanne Hersent, née Mauduit (1784 – 1862),1838. Huile sur toile. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. Crédit : Maria Tchobanov
Pour la visite du jeune Louis XV à son hôte le tsar, à l’hôtel de Lesdiguières à Paris, tout a été prévu selon le protocole du Grand Siècle. Mais, à la stupéfaction générale, le tsar prend dans ses bras et embrasse de bon cœur l’enfant roi, qui, revenu de sa surprise et pas le moins du monde effrayé par cet homme imposant, se prête de bonne grâce à la conversation. Parmi les témoins, il faut sans doute reconnaître à gauche le duc du Maine, au premier plan, de profil, le maréchal de Villeroy, de face, en habit rouge, avec le Saint-Esprit, Fleury, précepteur du roi, derrière lui, et à droite le prince Kourakine, de profil, et tout de noir vêtu, qui faisait office d’interprète. Commandé par le roi Louis-Philippe pour ses Galeries historiques de Versailles, le tableau opte pour le mode anecdotique du récit de Saint-Simon.
Crédit : Maria Tchobanov
Au cours de son voyage, Pierre le Grand s’intéresse particulièrement aux institutions et aux productions scientifiques et techniques. Il visite les grands établissements qui font la réputation de Paris sous la Régence : l’Observatoire, la Manufacture des Gobelins, le Jardin des plantes, la Monnaie des médailles, les académies, les bibliothèques et les cabinets de curiosités.
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Cette soif de connaissance l’incite à acheter des instruments de mathématiques et d’astronomie. Il emporte aussi une abondante documentation : estampes du Cabinet du roi gravées sous Louis XIV, plans de places fortes et de maisons de plaisance, dessins d’architecture et d’ingénierie, cadran solaire, « sphère mouvante » indiquant le mouvement des planètes. Les instruments scientifiques présentés dans cette section ont tous appartenu à Pierre Ier, comme les livres qui proviennent de sa bibliothèque personnelle.
Vilebrequin avec trépan à couronne. Fin du XVIIe – début du XVIIIe siècle. Laiton, acier, bois ; dorure. Saint-Pétersbourg, musée de l’Ermitage. Crédit : Maria Tchobanov. Crédit : Maria Tchobanov
Cet instrument médical sert à effectuer des trépanations. Pierre Ier en fait l’acquisition (comme d’autres instruments français) afin de l’introduire dans la pratique médicale russe et d’en faire un modèle pour une fabrication dans son pays.
Graphomètre à lunettes. Chapotot le Jeune (?) Début du XVIIIe siècle. Laiton, verre, gravure. Saint-Pétersbourg, musée d'État de l'Ermitage. Crédit : Maria Tchobanov
L’instrument est utilisé pour effectuer des relevés géodésiques, c’est-à-dire pour établir des cartes topographiques par la méthode de la triangulation.
Anonyme. Liste des présents proposés à l'occasion de la visite du Czar. 1717. Manuscrit autographique. Archives du ministère des Affaires étrangères, Correspondance politique, Russie. Crédit : Maria Tchobanov
Lors de sa visite à la Monnaie, Pierre Ier fut très satisfait de la médaille frappée en sa présence. La liste énumère des pièces de joaillerie, plusieurs tapisseries et pièces d'horlogerie. À la Bibliothèque royale, le tsar reçut douze ouvrages qui vinrent augmenter sa bibliothèque.
Médaille commémorant l'arrivée de Pierre Ier à Paris. Entrevue de Louis XV et de Pierre le Grand. Benjamin Duvivier (1730–1819). 1760, bronze. Versailles, Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. Crédit : Maria Tchobanov
Cette médaille est postérieure de plusieurs décennies à l’événement. La légende PETRI RUSSOR. AUTOKRATOR. CUM REGE CONGRESSIO (« Rencontre de Pierre, souverain des Russes, avec le roi ») est complétée par l’inscription de l’exergue LUTETIAE MDCCVII (« à Paris, 1717 »).
Le tsar, en manteau de voyage, incliné, salue le jeune roi en habit à la française. Le voyage de 1717 s’inscrit ainsi dans une histoire métallique de Louis XV, sur le modèle de celle de son arrière-grand-père Louis XIV.
Pierre Lepautre (1652–1716). 1711. Saint-Pétersbourg, Bibliothèque de l'Académie des sciences. Crédit : Maria Tchobanov
L'album fut exécuté en 1711 pour le duc d'Antin par le bureau des dessinateurs des Bâtiments du roi. Comme l'album des jardins de Marly, il fut offert par le duc à Pierre Ier quand eut lieu l'échange des cadeaux diplomatiques. En Russie, on utilisa les deux albums comme source iconographique lors de la création des jardins de Strelna puis de Peterhof.
Costume d'été ayant appartenu à Pierre Ier : habit, culotte, veste. 1710 – 1720 Saint-Pétersbourg, musée d'Etat de l'Ermitage. Tissu de soie et laine, soie, fils de soie, futaine, boutons. Saint-Pétersbourg, musée de l’Ermitage. Crédit : Maria Tchobanov
Les images largement répandues de Pierre Ier, représenté en tsar soldat ou en tsar ouvrier, vêtu d’un uniforme militaire ou d’une modeste tenue de charpentier, sont tellement ancrées dans notre imaginaire qu’il est difficile de se le représenter en costume de gala. Cependant, les vêtements et les accessoires composant « la Garde-robe de Pierre Ier » prouvent que le souverain accorde beaucoup d’attention à son apparence et connaît les modes. Dès la fin du XVIIe siècle, il choisit de porter un costume hollandais ordinaire. La solidité des tissus et la qualité des coutures étant les principaux critères de choix de Pierre, on lui procure donc de longues vestes de marin à poches, de larges culottes de drap et d’élégants pourpoints venant de Hollande. Avant son voyage en France, Pierre se fait faire des costumes « coupés à la française ». Lorsqu’il rencontre officiellement Louis XV, le 29 avril 1717, il porte un costume d’apparat neuf, tout comme les membres de sa suite. Mais le tsar, qui n’aime pas les perruques, reste fidèle à lui-même : il fait couper les longues boucles anglaises de la luxueuse perruque poudrée, et ôter la poudre. Par ailleurs, ses habits ont généralement un petit col, un détail qui n’est pas dicté par la mode de cette époque.
Jean Chaufourier (1679–1757). Recueil de Plan, Élévations et Veûes du Château de Petit-Bourg. 1730. Album de 25 dessins aquarellés sur papier. BNF, département des Estampes et de la Photographie. Crédit : Maria Tchobanov
Au cours de son voyage en France, Pierre Ier séjourna au chêteau de Petit-Bourg à l'invitation du duc d'Antan, propriétaire du domaine et surintendant des Bâtiments du roi. Sur l'emplacement du château incendié en 1944 s'élève aujourd'hui un quartier d'Evry (Esonne).
Anonyme russe. Crayon à dessin de Pierre Ier. Début du XVIIe siècle. Bois, graphite. Saint-Pétersbourg, musée d'Etat de l'Ermitage. Crédit : Maria Tchobanov
Ce crayon appartenait à Pierre le Grand, qui se plaisait à dessiner les éditions et notamment ceux qu'il faisait construire, comme le palais de Montplaisir.
Bernard Le Bouyer de Fontenelle (1657–1757). Eloge du czar Pierre I, lu à l'Assemblée publique de l'Académie des Sciences du 14 novembre 1725. 1725. BNF, département de la Littérature et de l'Art. Crédit : Maria Tchobanov
C’est dans le domaine scientifique que la visite de Pierre a les conséquences les plus fécondes. Le 22 décembre 1717, l’Académie royale des sciences l’élit membre honoraire « hors de tout rang », et peu après sa disparition, Fontenelle, secrétaire perpétuel, lui rend un vibrant hommage : « pour porter la puissance d’un État aussi loin qu’elle puisse aller, il faudrait que le maître étudiât son pays presque en géographe et en physicien, qu’il en connût parfaitement tous les avantages, qu’il en eût l’art de les faire valoir. Le Czar travailla sans relâche à acquérir cette connaissance et pratiquer cet art ».
Pharmacie de campagne de Pierre Ier. Tobias Lenghart (vers 1580 – 1632), Hans Georg I Brenner (Prenner) (vers 1564 – 1632, vers 1613–1675 Bois, cuivre, acier, argent, verre, soie, velours, passementerie. Saint-Pétersbourg, musée d’État de l’Ermitage Cassette de l'empereur Pierre Ier. Maître artisan Pierre Fromeri (?) Premier tiers du XVIIIe siècle. Acier, bronze doré, émail ; fer forgé, moulage, ciselage, facettage, polissage, brunissage. Saint- Petersbourg, musée d'Etat de l'Ermitage. Anonyme. Coffre contenant un bassin de nuit. Premier quart du XVIIIe siècle. Bois, cuir, métal. Saint-Pétersbourg, musée d'Etat de l'Ermitage. Ce coffre habillé de cuir avec son bassin servait de chaise percée. Il provient des collections de Pierre Ier et était emporté lors des voyages du tsar. Crédit : Maria Tchobanov
Camillo Rusconi (1658–1728). Peirre le Grand à cheval. 1719–1720. Terre-cuite. Saint-Pétersbourg, musée d'Etat de l'Ermitage. Crédit : Maria Tchobanov
La statue équestre de Louis XIV par Le Bernin a sans doute inspiré ce projet. Il figure un cavalier monté sur un cheval cabré en train de piétiner un adversaire vaincu.
Le Mariage de Pierre Ier et de Catherine Alexeï Fedorovitch Zoubov (1682–1683 – 1751). Vers 1712. Eau-forte, burin. Saint-Pétersbourg, musée de l’Ermitage. Crédit : Maria Tchobanov
Le mariage de Pierre Ier et de Catherine a lieu le 19 février 1712 à Saint-Pétersbourg. La gravure est sans doute exécutée la veille de la cérémonie afin de pouvoir l’offrir pendant la fête. Plusieurs couples de convives sont assis à une table ovale au milieu de la salle. À l’arrière-plan et en position centrale, Pierre Ier, et à sa droite l’amiral Cornelius Cruys. Menchikov, favori du tsar, est debout derrière lui. Catherine est au centre, au premier plan.
Cadre-étui à miniatures sous verre avec dix portraits miniatures. Ivan Dipner (actif à Saint-Pétersbourg entre 1810 et 1840). Portraits de Pierre Ier, Catherine Ier et de la famille du tsar montés à l'intérieur du cadre.1824 (cadre). Verre, bronze, ciselé et doré. Saint-Pétersbourg, musée d’État de l’Ermitage. Crédit : Maria Tchobanov
Cette miniature représente Pierre Ier et Catherine Ire ainsi que le tsarévitch Alexis Petrovitch, leurs filles Anne et Élisabeth et le petit tsarévitch Pierre Petrovitch. Ce dernier est désigné héritier du trône après l’éviction d’Alexis Petrovitch en 1718, mais il meurt le 25 avril 1719. Une autre œuvre de Moussikiiski figure dans le cadre : un portrait de profil de Pierre Ier (à droite en haut). On y découvre également deux miniatures de célèbres maîtres russes du XVIIIe siècle : le portrait de Catherine Ire, exécuté par A. G. Ovsov (en haut), et celui de Pierre Ier par P. G. Jarkov (en bas à gauche). Les autres miniatures sont l’œuvre d’artistes anonymes.
Saint-Pétersbourg, maître étranger (?). Cachet personnel de Pierre le Grand, 1708. Argent moulé et gravé. Saint-Pétersbourg, musée de l’Ermitage. Crédit : Maria Tchobanov
Muni d'une bélière ouvragée, ce petit cachet personnel est orné des armes du tsar Pierre Alexeïvitch. Le cachet possède encore son étui d'origine.
Portrait en médaillon du tsar Pierre Ier (recto). Anonyme, d'après Godfrey Kneller. Vers 1715. Peinture sur email. Paris, musée du Louvre département des Arts graphiques. Crédit : Maria Tchobanov
Puissant autocrate, le tsar de 26 ans est déjà vainqueur des Turcs et conquérant d’Azov. Les médaillons de ce type constituaient des cadeaux diplomatiques répandus.
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