La mode en Russie a changé du tout au tout en une période très courte d’à peine 20 ans : les costumes tristes et anti-féminins et les fichus prolétariens ont remplacé les silhouettes élancées et les chapeaux élégants. Pourquoi un tel virage ? Et comment ?
En Russie comme en Europe, durant la « belle époque », de la fin du XIXe à 1914, la silhouette des femmes-fleurs, aériennes et éphémères, est à l’honneur. À l’aide de corsets qui resserrent la taille jusqu’à 42–45 cm et d’empiècements spéciaux sur la poitrine et les hanches, on crée des silhouettes en sablier, dont la jupe se prolonge d’une longue traine.
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On utilise des teintes douces et aux tons pastels, on blanchit la peau à l’aide de poudre de riz, les coiffures vaporeuses s’entrelacent avec de volumineux chapeaux. Les robes aux coupes élaborées sont ornées de décorations discrètes mais fantaisistes, et les habits de créateurs russes étaient alors bien plus richement décorés que ceux des occidentaux. La mode est au retour aux motifs de l’ancienne Russie, c’est pourquoi les habiles dentelles de lin sont très demandées.
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Durant les années d'avant-guerre les vêtements deviennent plus exotiques et plus tape-à-l’œil, la Russie devenant rapidement une référence pour le style européen. Les Saisons russes à Paris ne surprennent pas que géographiquement, mais aussi par les costumes, créés par les artistes Léon Bakst, Alexandre Benoit et Nicolas Roerich.
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Le style occidental à la russe emprunte aux costumes traditionnels leurs fermoirs obliques, leurs broderies décoratives, et les différentes variantes de la coiffure en kokochnik. Cette tendance aidera ensuite les femmes émigrées des familles nobles à survivre et à gagner leur vie. Des ateliers, des fabriques et des maisons de mode ouvrent en Europe, et les belles aristocrates en exil deviennent les premiers top-modèles de Coco Chanel, Jean Lanvin, Paul Poiré et d'autres créateurs célèbres.
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En outre, dans les années 1910, la mode entame une évolution afin de faciliter aux femmes les trajets en voiture : les jupes se raccourcissent, s’assouplissent, et les chapeaux deviennent moins encombrants. Les costumes masculins se métamorphosent également : on voit apparaître des chemises colorées, des pantalons de « golf » courts, des panamas et des casquettes.
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La guerre a apporté un goût pour la simplicité et le renforcement des sentiments patriotiques, de nombreux créateurs supportent alors les productions nationales. Les vêtements commencent à rappeler les uniformes, ceux des soldats, mais aussi ceux des étudiants et des enseignants. La mode est aux costumes pré-taillés et aux robes simples, les jupes sont désormais mi-longues, les chapeaux plus discrets. De plus, les femmes sont libérées des corsets et portent les cheveux courts.
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Après la révolution, les autorités soviétiques se préoccupent de l'élaboration de l'uniforme de l'Armée rouge. En 1918, on crée une commission spéciale, à laquelle sont notamment invités les artistes célèbres Viktor Vasnetsov et Boris Koustodiev. C’est finalement le costume historique qui est adopté : le chapeau « boudionovka » rappelle le casque des héros des épopées russes.
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Les vêtements civils subissent également des changements majeurs, pour des raisons idéologiques et de déficit. Les vestes en cuir de commissaire, les robes et les jupes de toile droites apparaissent, les tissus en toile de jute et tissus de l’armée sont en vogue, et les femmes portent des vareuses d’homme. Le fichu rouge devient le symbole de l’émancipation, on le noue à la nuque et non plus sous le menton, comme il était traditionnellement porté dans les villages russes.
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Les Komsomols, garçons et filles, portent des « Jungsturs », un uniforme emprunté à l’organisation des jeunesses communistes allemande « Roter Frontkämpferbund ». Ce sont des vestes de couleur vert pastel au col rabattu et aux poches serrées. Elles sont portées avec une ceinture et une bandoulière.
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Le célèbre créateur d'avant la révolution Nadejda Lamanova propose au ministre de la Culture Lounatcharski de créer un atelier de costumes contemporains, les autorités comprennent que pour former une idéologie « juste » il leur faut contrôler jusqu'à l’aspect de l’homme soviétique. Lamanova doit créer une mode ouvrière et paysanne à partir de presque rien, des foulards, des nappes et des serviettes.
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DIY: À partir d'un simple foulard, confectionnez un élégant déshabillé. Crédit : Image d'archive
Avec l'adoption de la Nouvelle politique économique (NEP), on passe de la misère à l'abondance. Les entrepreneurs privés commencent à importer des vêtements d’Europe, et la mode soviétique s’imprègne du souffle occidental des « roaring twenties » (les années rugissantes) : les « marinières », les bottes de feutre, les pantalons « oxford », les robes à taille plus basse, les manteaux et les perles sont prisés. Les créateurs de mode soviétiques copient les stars de cinéma muet. En 1920 apparaissent les Ateliers supérieurs d’art et de technique (Vkhoutemas), qui existent jusqu'en 1932 et posent pour de nombreuses années les bases du design industriel de l’URSS : « le style de la masse brute », comme le nomment ses contemporains.
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