La première horloge fait son apparition au Kremlin en 1404. Toutefois, elle n’est pas encore « perchée » sur une tour, mais installée sur l’arc situé à l’entrée de la résidence du grand-duc Vassili. Selon les chroniques, elle a été montée et placée par le moine serbe Lazar. En 1624, cette horloge est vendue à un monastère de Iaroslavl (à environ 300 kilomètres au nord-est de Moscou). Elle est remplacée par une autre un an plus tard.
Selon les chroniques, la première horloge de Kremlin a été montée et placée par le moine serbe Lazar. Crédit : Manuscrit Ostermanovski (XVIe siècle)
L’horloge de la tour Spasskaïa est réalisée et installée en 1625 sous la direction de l’Anglais Christopher Galloway qui propose de surmonter la tour d’une flèche (ou couverture pyramidale). Au cours de son voyage en Europe, le tsar Pierre le Grand achète à Amsterdam une énorme horloge qu’il fait monter en 1706–1709. Le mécanisme de l’horloge actuelle a été fabriqué en Russie par des Danois, les frères Butenop, durant le premier quart du XIXe siècle.
Au XVIIIe siècle, le cadran qui pesait plus de 400 kilos était constitué de planches enduites de peinture bleu ciel. La durée du jour étant maximale en été, il était divisé en 17 secteurs et les heures étaient marquées par les majuscules de l’alphabet slave.
Sur le pourtour, l’horloge est ornée d’étoiles d’or et d’argent, ainsi que d’un soleil et d’une lune. L’aiguille des heures est absente : son rôle est tenu par une image du soleil doté d’un long rayon. Un détail intéressant de cette horloge est son système de fonctionnement : ce n’est pas le rayon-aiguille qui tourne, mais le cadran.
Le carillon s’enclenchait quand le premier rayon de soleil éclairait la tour Spasskaïa. À la tombée de la nuit, l’horloge passait au « régime de nuit ». Tous les seize jours, le rapport des heures de jour et de nuit changeait et il était nécessaire de réajuster le mécanisme.
Un détail intéressant de cette horloge est son système de fonctionnement : ce n’est pas le rayon-aiguille qui tourne, mais le cadran. Crédit : Image d'archives
Sur ordre de Pierre le Grand, l’horloge est remaniée en 1705 à la manière allemande avec un cadran de douze heures. La couche d’or est rénovée. Au XIXe siècle, les chiffres et les traits fins des minutes de l’horloge des frères Butenop sont recouverts d’or, les aiguilles en fer sont enveloppées de cuivre et couvertes de dorure. En 1932, l’URSS a eu besoin de 28 kilos d’or pour refaire le pourtour, les chiffres et les aiguilles de l’horloge.
En 1825, les frères Butenop montent des cadrans en fer sur les quatre faces de la tour. Mais en 1999, les experts découvrent sur l’un des murs les restes d’un cadran historique : les pierres blanches de la tour portent des traces de chiffres inscrits à la peinture qui tiennent toujours.
De nombreuses cloches de l’horloge ont été coulées comme des cloches d’église : elles portent des icônes et des reliefs. Aujourd’hui, le carillon compte neuf cloches : celles des quarts pèsent 320 kilos et celle des heures plus de deux tonnes !
Crédit : Alexeï Stouzhin / TASS
Jusqu’en 1937, l’horloge était remontée à la main deux fois par jour. Aujourd’hui elle est entièrement mécanique. Avant, les poids en fonte qui pesaient jusqu’à 200 kilos étaient remontés par un treuil spécial. À l’heure actuelle, l’horloge est remontée par trois moteurs électriques, tandis qu’un mécanisme spécial actionne les cloches tous les quarts d’heure.
En 1776, après sa restauration par l’horloger allemand Fatz, le carillon exécutait la chanson viennoise Ah, mon cher Augustin. Les frères Butenop voulaient faire jouer à l’horloge l’hymne de la Russie tsariste, Dieu, protège le tsar, mais l’empereur Nicolas Ier s’y opposa, estimant que la mélodie pouvait être n’importe laquelle sauf celle de l’hymne national. Jusqu’en 1917, l’horloge joua La Marche du régiment Préobrajenski et Gloire de Dieu, gloire de Sion quatre fois par jour.
En 1918, sur ordre du chef de la Révolution d’octobre, Vladimir Lénine, l’horloge, endommagée lors de la prise du Kremlin, est réparée. Elle joue jusqu’en 1938 l’hymne révolutionnaire, L’Internationale.
En 1938, l’horloge se tait et ne carillonne que tous les quarts d’heure et toutes les heures. Pendant la première restauration, en 1974, le mécanisme est entièrement démonté, les vieilles pièces sont remplacées, mais une commission spéciale conclut que les cloches de la tour Spasskaïa ne peuvent pas jouer l’hymne de l’URSS.
Crédit : Lori / Legion-Media
Ce silence est rompu en 1996 lors de la cérémonie d’investiture du premier président de Russie, Boris Eltsine. L’horloge commence à exécuter la Chanson patriotique de Mikhaïl Glinka devenue, alors hymne de Russie. Depuis 1999, le carillon joue deux airs : l’hymne de Russie à midi et à minuit, à 6h00 et à 18h00 et la grande scène chorale Gloire de Mikhaïl Glinka à 03h00, 09h00, 15h00 et 21h00.
Le carillon de l’horloge à l’occasion du Nouvel an est retransmis pour la première fois à la radio en 1923. Par la suite, la tradition a « migré » à la télévision. Le président de Russie fait traditionnellement un discours de Nouvel an qui est diffusé à la TV, quelques minutes à peine avant les douze coups de l’horloge. Il paraît que si un vœu est formulé entre le premier et le dernier coup de l’horloge, il sera obligatoirement exaucé.
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