Le premier grand roman de Victor Pelevine a pour titre original en russe Tchapaïev et le vide, mais a reçu comme titre La Mitrailleuse d’argile et en anglais s’appelle Le Petit doigt de Bouddha. Ceci est plutôt approprié car l'intrigue saute à travers différentes périodes et même identités. L'action principale a lieu pendant la guerre civile russe (1918-19), ainsi que dans un hôpital psychiatrique de Moscou dans les années 1990. Ce qui fait le lien, c’est le protagoniste, Piotr Voïd, qui naturellement remet en question sa santé mentale.
Si cela peut sembler déroutant, cela offre toutefois à Pelevine, qui est l’un des auteurs les plus prolifiques de Russie, l’occasion de discuter du passé et du présent de la Russie. Pousser le roman au bord de l'absurdité est un courant sous-jacent de cette philosophie et de cette spiritualité orientales qui, pour de nombreux lecteurs, imprègnent ce livre de part en part.
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Avec Le cas du docteur Koukotski, Lioudmila Oulitskaïa est devenue la première femme à remporter le prestigieux prix russe Booker. Comme de nombreux autres livres de cette liste, le roman associe le succès commercial à l’exploration de sujets extrêmement difficiles ; par exemple, elle explique comment la naissance lie inévitablement la vie à la mort.
Les protagonistes du roman sont un obstétricien soviétique, la femme qu’il sauve (et dont il tombe amoureux) sur la table d’opération, ainsi que sa fille. La grossesse, la science et l'avortement sont des sujets extrêmement complexes, mais Oulitskaïa évite avec succès de s'enliser dans l'intrigue ou de se livrer à de la prédication. Au lieu de cela, elle éclaire les détails subtils de la vie de ses personnages.
Le protagoniste du Péché, reflet de son auteur controversé, traverse une série de situations qui le poursuivent de l'adolescence à l'âge adulte. Chaque chapitre ressemble à une nouvelle à part, ajoutant un sentiment de dislocation qui contraste avec le sujet à mesure qu’il se rapproche d’événements géopolitiques dramatiques. Le cadre final est la guerre en Tchétchénie, et les moments mineurs sur lesquels Prilepine se concentre semblent avoir une signification bien limitée.
Mais ce sont des espaces, comme l'auteur semble le souligner, où la vie existe tout de même. Le matériau du livre, qui va de la découverte du sexe à l’attachement à la famille en passant par la vie dans les tranchées, invite à réfléchir aux relations que nous entretenons entre nous, avec nos proches et notre pays d’origine, avec lesquels nous ne pourrons peut-être jamais nous réconcilier complètement.
Un avenir dystopique qui rappelle un passé lointain n’est pas une chose nouvelle, mais Vladimir Sorokine a dépoussiéré ce genre en imaginant un Empire russe ressuscité. Bien avant que la géopolitique prouve qu’il était étrangement prophétique, Sorokine a décrit une Russie de plus en plus isolée qui utilise les rêves de gloire passée comme base d’une vision sociale grandiose.
Les opritchniks étaient la garde privée d’Ivan le Terrible, qui ont acquis une terrible réputation en traversant le pays à cheval avec leurs chevaux noirs et en terrorisant le peuple. Les opritchniks modernes de Sorokine ont été modernisés, ils utilisent des pistolets laser et conduisent des voitures de sport, mais ils perpétuent la tradition du viol et du pillage sans motif. L’écrivain décide de se concentrer sur une journée de la vie d’un officier, montrant de façon crue la débauche et la terreur, et transformant ce qui aurait pu être une énumération grotesque en une exploration intime et décalée des fantômes qui sous-tendent la Russie moderne.
Une grande partie de ce roman, qui est le plus acclamé par la critique de Mikhaïl Chichkine, est organisé autour de questions et de réponses. Ceci est justifié car le protagoniste travaille comme interprète dans un camp de réfugiés suisse. Les demandeurs d'asile affluent des quatre coins du monde, notamment de Tchétchénie, et doivent prouver les circonstances tragiques de leur vie en les réduisant à un certain nombre de réponses quantifiables.
Ce n'est cependant qu'une partie du roman. La prose de Chichkine se fonde sur des faits anciens, des entrées de journal et des références philosophiques pour mettre en évidence la place de l’interprète dans le tissu de l’histoire. Les récits qu'il traduit se transforment en histoires dont il se souvient et le roman prend des airs de kaléidoscope qui, bien que difficile à lire, s'avère profondément enrichissant.
Arseni, un guérisseur du Moyen âge, se trouve dans l'impossibilité de sauver son être aimé et choisit d'errer dans l'ancienne Russie à la recherche de consolation et de rédemption. Il fait même un pèlerinage à Jérusalem où il rencontre plusieurs personnes qui cherchent un lien avec le divin. Ils sont considérés comme des saints fous, et Arseni devient l’un d’eux, abandonnant son nom et se faisant appeler Laurus.
Contrairement à de nombreux romans de cette liste, Vodolazkine aborde des thèmes tels que la foi, la mort, la culpabilité et l’histoire avec un manque d’ironie rafraîchissant. Ce qui reste est l’impression d’une imagination profondément humaine explorant les tréfonds de ce que l’on qualifie souvent, peut-être paresseusement, d’âme russe.
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Zouleïkha, le livre-sensation de l’auteur Gouzel Iakhina, suit la vie d’une femme tatare vivant dans un monde dominé par un mélange d’islam, de folklore et de strictes limites de la vie villageoise. Un jour, sa vie change radicalement : lors des répressions brutales de Staline, elle est envoyée dans un camp de prisonniers sibériens où elle accouche, doit apprendre à chasser et passe l’hiver à dormir dans une hutte glaciale au milieu de la taïga.
Alors que de nombreux écrivains ont tenté de comprendre les moments les plus sombres de l’histoire de l’Union soviétique, Iakhina a trouvé le moyen de la montrer sous un nouveau jour. А travers son voyage dans un enfer inconcevable, Zouleïkha, analphabète, offre un nouveau regard sur une histoire que nous pensions tous connaître. Et dans un camp stalinien, elle se sentira encore plus libre que dans sa vie antérieure…
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