La première de ballet la plus attendue de ces dernières années, qui a suscité un considérable scandale cet été, allant même jusqu’à être menacée d’annulation, a finalement bel et bien eu lieu. Afin de rationner les billets des deux premières représentations, le théâtre Bolchoï a décidé de les vendre sur présentation du passeport et seulement deux par personne. Au cours de ces deux soirées la salle était si remplie de célébrités russes, que l’on pouvait même en rencontrer dans les loges du troisième balcon. Les prochaines dates ne sont prévues que pour juin 2018, et il convient déjà de se soucier de la disponibilité des billets. Voici pourquoi.
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Au cours du XXe siècle, dans le ballet mondial régnaient les standards de Diaghilev, un spectacle en un seul acte, sans sujet. Au début de ce millénaire cependant, grâce à l’éminent chorégraphe russe Alexeï Ratmanski, la situation a commencé à changer : le public a à nouveau pu ressentir la saveur du grand spectacle, des décors efficaces, et des passions brulantes. Le théâtre Bolchoï a été l’un des premiers à œuvrer à la résurrection du genre. Ces dernières années ont ainsi été mis en scène Illusions perdues et les Flammes de Paris de Ratmanski, Cendrillon et Un héros de notre temps de Possokhov, ou encore La Mégère apprivoisée de Jean-Christophe Maillot, qui ont eu un écho planétaire. Noureev est alors un nouveau pas dans cette direction.
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C’est Iouri Possokhov qui a proposé de mettre en scène un ballet consacré à Rudolf Noureev. Pour lui, la figure de Noureev est symbolique. Le danseur, qui a bouleversé la vision du ballet, a été frappé d’anathème dans son URSS natale : des bibliothèques on a alors retiré tous les journaux et livres comportant des publications à son propos, à la télévision on a démagnétisé toutes les pellicules des enregistrements de ses représentations. Toujours est-il que les danseurs du Bolchoï, dont faisait d’ailleurs partie Possokhov dans sa jeunesse, connaissaient son nom, grâce à sa renommée. Et en partant en tournée à l’étranger, ils ont réalisé l’existence d’un culte mondial, la « rudimania ».
Professionnellement, Noureev appartenait à Saint-Pétersbourg : il y est sorti diplômé de l’Académie de ballet Vaganova et a dansé au théâtre Kirov (aujourd’hui Mariinsky). Et le Bolchoï est certainement l’unique théâtre majeur de la planète dont il n’a pas foulé la scène. Le ballet Noureev comble donc de manière symbolique ce vide dans sa biographie.
Depuis les années 30, pour la mise en scène des grands ballets on a pour habitude d’inviter un réalisateur à travailler en binôme avec le chorégraphe. Il aide ainsi à étudier le libretto, à formuler les caractères et à améliorer le jeu de rôle des danseurs.
Le tandem de Possokhov avec le metteur en scène de théâtre et de cinéma Serebrennikov s’est établi il y a quelques années, pour la préparation d’une autre première au Bolchoï, Un héros de notre temps. Étant l’un des réalisateurs russes les plus prisés, Serebrennikov possède une considérable expérience de travail dans le théâtre musical. Il a notamment mis en scène l’oratorio d’Honegger Jeanne d’Arc au bûcher pour le festival de Vladimir Spivakov Hansel et Gretel, à l’opéra de Stuttgart.
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Serebrennikov et Possokhov ont élaboré une nouvelle forme moderne de spectacle. Le ballet, dédié à l’illustre personnage, que beaucoup de spectateurs connaissaient ou avaient même vu au théâtre, est mis en scène comme un documentaire, sous la forme de la vente aux enchères, qui a réellement été menée quelques mois après la mort du danseur. Les danses ne s’y accompagnent donc pas que de musique, mais aussi d’un texte. La chorégraphie fait donc corps avec le chant de la chorale, et la voix du commissaire-priseur, des auteurs des lettres de Noureev, suit elle aussi le rythme. Plusieurs centaines d’artistes participent à ce spectacle, et le salut de clôture du ballet prend à lui seul près de 4 minutes.
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Dans le ballet ont été incluses des lettres à Noureev rédigées par ses proches à la demande des metteurs en scène actuels. Y résonnent donc les mots de sa partenaire de Léningrad Alla Osipenko, de sa camarade de classe Natalia Makarova, et de deux danseurs qu’il avait révélés dans la génération suivante : Charles Jude et Laurent Hilaire. Ils accompagnent deux numéros, d’ailleurs intitulés Lettres.
Il s’agit de deux solos, un féminin et un masculin, qui dans le fond apparaissent comme deux ballets indépendants en un seul acte. Ils peuvent en effet être considérés non seulement comme une partie du spectacle, mais aussi comme à part. Tous deux sont la démonstration du meilleur de la chorégraphie de Iouri Possokhov, tout comme la scène du Grand-Gala, dans laquelle Noureev change d’image, de théâtres et d’élèves.
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