Depuis que Beyoncé est apparue dans son clip Jealous vêtue d’une cape de dentelle conçue par Ulyana Sergeenko, le monde de la mode a pris note de l’existence de la dentelle de Vologda (408 kilomètres au nord de Moscou). Non seulement cet art ancestral signe son grand retour dans les garde-robes des fashionistas, mais il est aussi devenu un hobby populaire dans sa région natale.
En russe, le mot désignant la dentelle, « кружево » / « kroujevo », provient du verbe « encercler » (« окружать » / « okroujat’ »), et correspond donc bien à cette idée de décorer les bords d’un vêtement ou d’un quelconque objet. Cela fait 300 ans que cette tradition se perpétue dans différentes régions russes, à Kostroma, Nijni Novgorod, ou à Elets, mais la dentelle de Vologda s’est imposée comme une carte de visite de la Russie et l’un de ses symboles les plus reconnaissables.
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La dentelle de Vologda est entièrement faite à la main à l’aide de fuseaux en bois et de fils de lin ou de coton. Qu’elle soit destinée aux grands événements ou à un usage quotidien, la dentelle décore les nappes, les serviettes, les capes, ou encore les habits de mariage. Traditionnellement, lors des fêtes, les jeunes femmes ornent également leurs épaules de châles en dentelle.
Admirez donc ces motifs. Ils doivent être parfaitement égaux en largeur et comprennent généralement des symboles floraux et des éléments texturés reliés par une délicate maille. Pour concevoir les motifs, un artisan a besoin d’une formation artistique, et doit être en mesure de maîtriser les techniques de la broderie. La plupart des couleurs sont claires, beige et blanc, mais également s’agrémentent parfois de noir. Si le futur vêtement est large, alors le motif peut être divisé entre plusieurs artisans pour être ensuite assemblé.
Dès les années 1930, des thèmes soviétiques ont été largement utilisés dans la fabrication d’objets artisanaux. Les couturières représentaient ainsi des parachutes, les étoiles du Kremlin, le mausolée de Lénine et les prouesses du complexe agro-industriel national. Bien entendu, les motifs traditionnels restaient à la mode.
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Fait intéressant : Après la Seconde Guerre mondiale, pour rembourser les biens qu’elle avait reçus dans le cadre du programme Prêt-Bail de la part des États-Unis afin de subvenir aux besoins de son armée, l’Union soviétique s’est servi de la dentelle. En effet, le prix de celle-ci ayant toujours été élevé, une cape ou un châle orné de dentelle était alors un cadeau très estimé.
Dans les années 30, des milliers d’artisans brodaient ainsi de la dentelle dans la fabrique de Snejinka. Aujourd’hui, l’usine ne compte plus que 20 couturières.
« Après avoir fini mes études en 1965, j’ai travaillé ma vie entière dans la manufacture de Snejinka : en tant qu’artisan et en tant qu’ingénieure, a confié Ilia Verechtchaguina, spécialiste des métiers traditionnels et enseignante au studio de dentelle au Musée de la dentelle. Durant la période soviétique, il n’y avait aucun problème avec les matériaux, tous les fils que l’on voulait étaient produits à Kostroma ».
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Les brodeuses de Snejinka produisaient de la dentelle non seulement pour la vendre mais aussi pour fournir les musées et d’autres clients privés. « Il y avait beaucoup de touristes étrangers, se remémore Verechtchaguina. Un jour, ils ont commandé des rideaux en dentelle pour des fenêtres. La fois d’après, des Japonais ont demandé un couvre-canapé. En URSS, il y avait de nombreuses rencontres d’organisées avec des artisans étrangers, de Finlande, d’Allemagne, etc. »
Avec la chute de l’Union soviétique, la production de dentelle de Vologda a cependant décliné, comme beaucoup d’autres industries. Ce n’est qu’au milieu des années 2000 que cette tradition a de nouveau suscité l’intérêt général, avec l’inauguration du Musée de la dentelle, à Vologda, qui propose des leçons de broderie de dentelle.
« Ma grand-mère faisait ce travail, a expliqué Natalia Vinogradova, coiffeuse. Je suis moi-même passionnée par les travaux manuels, j’ai l’habitude de coudre, de broder, de fabriquer des jouets, alors je me suis souvenue de ma grand-mère et ai eu vent de l’existence de ces cours. J’ai donc commencé en février, et en avril j’avais déjà réalisé plusieurs pièces ».
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Natalia assure qu’elle tisse par plaisir : « Je couds et offre ensuite le résultat. J’ai fait une serviette pour ma mère, et un accessoire pour ma belle-mère ».
Une personne désirant se former à la création de dentelle doit se montrer patiente et faire preuve de persévérance, affirme Verechtchaguina : « Une femme vient me voir, commence à travailler, et c’est de suite clair si ce travail est fait pour elle ou non. Elle doit rester là assise pendant deux heures et faire des travaux à la maison. Certaines s’y investissent tellement qu’elles ne peuvent plus vivre sans ».
Les brodeuses sélectionnent elles-mêmes leurs fuseaux. Modernes ou vintages, ils sont majoritairement fabriqués dans la région de Vologda et diffèrent non seulement dans leur épaisseur que dans leur forme, mais sont également taillés dans des bois différents. Ce qui est le plus important : chaque paire de fuseaux doit avoir son propre son. Le bouleau produit un son, tandis que le frêne en fait un autre.
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Pourquoi est-ce si important ? Les débutantes cousent lentement et bougent leurs fuseaux en silence. Lorsqu’elles ont plus d’expérience, elles gagnent en rapidité et les fuseaux émettent un son bien plus important. Beaucoup de gens disent alors que ce bruit apaise l’âme.
L’artiste traditionnelle Marina Kolossova admet s’être mise à la dentelle de Vologda après en avoir vu au jardin d’enfants. « Le plus difficile est non seulement de tisser la dentelle mais aussi de créer un motif, explique-t-elle. Je dessine moi-même et essaye de m’améliorer ».
« Vous pouvez broder de la dentelle toute votre vie, avance Verechtchaguina. Au début, vous apprenez à réaliser des motifs simples et de petits souvenirs. Puis les étudiants apprennent à faire des choses plus complexes ».
Tous les trois ans à Vologda se tient le festival international de la dentelle « Vita Lace », et plusieurs centaines de brodeurs et brodeuses du monde entier s’adonnent à leur passion sur la principale place de la ville. En 2011 y a été battu le record de la plus grande dentelle jamais réalisée : 570 artisans se sont associés sur la Place du Kremlin. L’événement a d’ailleurs été inscrit au livre russe des records.
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La dentelle de Vologda est idéale à broder durant les longues soirées d’hiver, s’enthousiasme Natalia : « Quand j’ai commencé, ma fille a aussi eu envie d’apprendre. Alors je l’ai envoyée à l’atelier pour enfants. Avant, je ne m’y intéressais pas, mais maintenant quand je publie des photos sur les réseaux sociaux, des gens m’écrivent et commentent en disant que c’est magnifique, qu’ils ont envie d’apprendre aussi ».
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