Dessinateur raffiné, brillant portraitiste de l’Age d’argent et scénographe talentueux qui influença la mode française et américaine des années 1910 et 1920, Léon Bakst, de son vrai nom Leib Haim Rosenberg, est né en 1866 à Grodno (actuelle Biélorussie) dans une famille juive orthodoxe. Son pseudonyme, sonore et facile à reproduire dans toutes les langues, apparaîtra 23 ans plus tard lors de sa première exposition, lorsque le jeune peintre cherchera une manière de se présenter au monde.
Sa formation sort des sentiers battus : il fréquente facultativement l’Académie des beaux-arts de Saint-Pétersbourg, vit pendant des périodes prolongées à Paris et prend des leçons dans des académies privées. Pour arrondir ses fins de mois, il illustre des livres pour enfants et apprend à dessiner aux neveux du tsar Nicolas II. Le premier jalon de la carrière de Léon Bakst est le mouvement Le Monde de l’Art.
En 1898, le grand amateur d’art Serge Diaghilev organise à Saint-Pétersbourg l’Exposition de peintres russes et finlandais : c’est la première manifestation commune du Monde de l’Art. Les artistes de ce groupe ne reconnaissent ni l’académisme, ni les tendances « populaires » des Ambulants (mouvement réaliste dont les membres avaient un même idéal : l’art doit être au service du peuple), mais apprécient l’esthétisme raffiné, se rapprochent de l’Art nouveau européen et du symbolisme (Léon Bakst est grandement influencé par le graveur et illustrateur britannique Aubrey Beardsley). Ils promeuvent une synthèse des arts, ce qui conduit logiquement nombre d’entre eux à devenir décorateurs de théâtre.
Portrait de Serge Diadhilev. Source libre
Les dessins réalisés par Léon Bakst pour Le Monde de l’Art lui apportent une célébrité méritée. Il réalise également des portraits de ses collègues, notamment de Serge Dighilev, d’Alexandre Benois et de sa femme Anna Kind ainsi que de la femme poète Zinaïda Hippius, en reproduisant non seulement les visages, mais l’esprit de cette poque rebelle à la charnière des siècles.
Dans les premières années du XXe siècle, il commence à travailler au théâtre. Ses costumes font ressortir la beauté de la danseuse légendaire Mathilde Kschessinska, soulignent le corps élancé d’Anna Pavlova quand elle danse Le Cygne de Saint-Saëns et aident Ida Rubinstein à présenter sur scène le personnage scandaleusement célèbre de Salomé, drame interdit en Russie dans sa première version par l’Eglise orthodoxe.
Salomé. Source libre
En 1909, Diaghilev organise une première saison de ses Ballets à Paris : Léon Bakst se voit confier les décors de Cléopâtre de Michel Fokine. Dès la première scène, les spectateurs sont fascinés : quatre esclaves noirs apportent un palanquin richement orné dont ils sortent une « momie » enveloppée dans douze couvertures dont chacune est une œuvre d’art, comme la couverture rouge brodée de crocodiles d’or ou la couverture verte décorée de l’arbre généalogique des pharaons. La dernière couverture, bleu marine, fait apparaître au spectateur Ida Rubinstein qui, en vêtements semi-transparents, entame sa merveilleuse danse.
Cléopâtre. Source lbre
Un an plus tard, c’est Shéhérazade sur une musique de Nikolaï Rimski-Korsakov qui conquiert rapidement Paris. « Diaghilev et ceux qui travaillaient avec lui – Fokine, Nijinski et Bakst – ont créé une nouvelle attitude envers les mises en scène. C’était une véritable synthèse de la peinture, de la musique et de la danse où le décorateur n’était plus réduit à réaliser un simple fond. Ce décorateur se trouvait sur le même plan que le compositeur et le metteur en scène et parfois, grâce à son éclat, son courage et sa note d’exotisme, la production scénique ressortait au premier plan. L’Avant-garde russe qui suivit, avec Exter, Gontcharova et Moukhina, s’inspirait de Bakst », a expliqué Natalia Avtonomova, directrice du département des collections personnelles du Musée des beaux-arts Pouchkine et curatrice de la rétrospective de Léon Bakst qui sera inaugurée au musée l’été prochain.
Shéhérazade. Source libre
L’intérêt pour le mouvement et le nu, les motifs orientaux, la passion et un érotisme raffiné étaient autant de nouveautés présentées par les Ballets russes et reprises rapidement dans les costumes pour les bals et les carnavals. Léon Bakst vendait ses esquisses au grand couturier français Paul Poiret et a coopéré pendant trois ans avec la couturière française Jeanne Paquin, fondatrice de la Maison Paquin.
Philomèle. Robe de Bakst réalisée par Paquin. Source libre
C’est lui qui lança la mode des turbans, des pantalons larges et des perruques de couleur. C’est lui qui créa des costumes extravagants pour la marquise Luisa Casati, muse d’un grand nombre d’artistes des trente premières années du XXe siècle qui apparaissait tantôt comme un arlequin blanc, tantôt comme la déesse du soleil ou la reine de la nuit.
Surfant sur la vague de son succès (en Europe comme en Amérique), Léon Bakst avait même l’intention d’ouvrir sa propre maison de mode qui proposerait aux clients non seulement des vêtements, mais également des bijoux, des meubles, des papiers peints et des tissus. Mais sa mort prématurée en décida autrement. Et bien que les Ballets russes aient employé d’autres grands artistes, tels Derain, Matisse et Picasso, c’est à Bakst que le projet, qui a largement dépassé le cadre de la production scénique, doit son succès.
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